AGENCEMENT SPECIFIQUE AU TEMPLE
DU RITE ORIENTAL DE MISRAÎM
On ne s’attarde guère aujourd’hui, à rechercher dans la symbolique maçonnique « dite Moderne », les origines traditionnelles des éléments qui accompagnent notre quête de spiritualité. Notre regard est naturellement attiré par les symboles les plus remarquables, mais nous nous contentons trop souvent des explications volontairement succinctes trouvées dans nos rituels. C’est ainsi que peu à peu, au fil des générations, nous perdons le sens du sacré et que se créent des mouvances parallèles qui n’ont plus de Maçon que le nom, bien que l’esprit initial y soit préservé lors des cérémonies d’intronisation.
Quel que soit le Rite qui préside à leurs travaux, qu’ils soient laïques, philosophiques ou religieux, c’est à couvert, dans un Temple protégé des indiscrétions profanes que les Maçons se retrouvent pour y pratiquer leur culte. Qu’ils y fassent référence au Temple de Salomon ou à ceux de l’Ancienne Egypte importe peu, puisqu’il s’agit d’un édifice dont le plan est sensiblement le même, comprenant un parcours initiatique qui permettait aux initiés d’hier, comme à ceux d’aujourd’hui, une approche progressive du monde profane vers le sacré.
Bien qu’architecturalement, il puisse exister certaines notables différences entre les fastueux Temples égyptiens et les modestes locaux que nous utilisons, il reste que dans l’esprit de notre Ordre, et notamment dans celui du rite Oriental de Misraïm, les symboles présents et suggérés qui nous y sont proposés, ont pour vocation de créer un pont entre deux mondes, celui du profane où nous étions jadis, et celui de l’Initié qui aujourd’hui nous rassemble en ces lieux.
Un temple maçonnique est le nom symbolique donné au lieu où se réunissent les Loges maçonniques pour pratiquer leurs rituels, dans le cadre de réunions qu'ils nomment des « tenues ». Son agencement et sa décoration obéissent à des règles symboliques précises qui peuvent cependant différer notablement selon les époques, les pays, les rites et les degrés maçonniques.
L'agencement contemporain des temples maçonniques en France et dans le monde suit peu ou prou la même allégorie : celle du « temple de Salomon » tel que le relate le premier livre des Rois de la Bible (chap.5-6-7) ainsi que le deuxième livre des Chroniques (3 et 4). Aux éléments de cette allégorie s'ajoutent d'autres symboles propres à la maçonnerie spéculative et tirés de l'iconographie des tapis de loge. Chaque rite maçonnique possède de plus des caractéristiques qui lui sont propres.
Si la structure symbolique du temple est commune à tous les rites, la décoration et l'agencement des offices ou de certains symboles varient avec les pratiques rituelles. Le temple est généralement constitué d'une pièce rectangulaire d'un seul tenant et sans fenêtres, où chaque côté porte un nom distinct. Le côté d'entrée est dit symboliquement (et indépendamment de sa situation géographique réelle) de « l'occident », il fait face au côté de « l'orient » à sa gauche le côté du « septentrion » à sa droite celui du « midi ». Il se veut une représentation du monde et du Cosmos et il est symboliquement orienté d'occident en orient (d'ouest en est) sur sa longueur, du septentrion au midi (du Nord au Sud) sur sa largeur et du nadir au zénith sur sa hauteur. Le plafond est idéalement bombé et décoré comme une « voûte céleste » . Le sol est formé pour partie, d’un Pavé Mosaïque central rectangulaire.
LES PARVIS
Un parvis est l'espace ouvert devant l'entrée d'une église dont le périmètre est délimité par une clôture.
En franc-maçonnerie, les parvis désignent l'espace immédiat devant l'entrée du temple maçonnique. C’est le lieu où les maçons se rassemblent avant d’y pénétrer. Ces parvis rappellent ceux du Temple de Salomon, qui étaient au nombre de trois et successivement accessibles selon une certaine hiérarchie.
Plan du temple de Salomon
Pour les maçons du rite Oriental de Misraïm, le schéma du temple est sensiblement le même, sauf qu’il se réfère à celui des anciens temples égyptiens.
SCHEMA D'INSTALLATION DU TEMPLE
AU RITE ORIENTAL DE MISRAÏM
Une fois franchie la porte extérieure du temple symbolisée par le premier pylône, les maçons de rite égyptien se rassemblent dans les parvis correspondants à la première cour appelée « cour péristyle ». Autrefois, les prêtres s’y retrouvaient pour se préparer avant de pénétrer dans l’espace consacré au culte journalier. Une fois l’an, le peuple pouvait y avoir accès durant la fête religieuse de l’Opet.
Le second pylône permettait, comme aujourd’hui la porte de la loge, de pénétrer dans l’enceinte sacrée du temple. Derrière ce pylône se situait la salle hypostyle, sorte d’antichambre bordée de colonnes papyriforme symbolisant la Basse Egypte côté Nord et Lotiformes symbolisant la Haute Egypte côté Sud.
Lorsque nous pénétrons dans la loge, nous passons entre deux colonnes de styles différents dont l’une, celle du Nord est de couleur rouge et l’autre de couleur blanche, celle du Sud. Ce qui est remarquable en soi, c’est que la double couronne des pharaons symbolisant leur pouvoir sur la Basse et la Haute Egypte était composée de deux éléments distincts, le premier de couleur rouge était la couronne de Basse Egypte (Nord), et le second, de couleur blanche était le couronne de Haute Egypte (Sud). Hiram Abi, l’architecte du temple de Salomon semble s’être inspiré du symbolisme égyptien.
Passer entre les colonnes Jakin et Boaz correspond symboliquement à traverser la salle hypostyle des anciens temples Egyptiens.
Lorsqu’ils pénètrent dans leur Temple, les maçons de rites égyptiens vont traverser symboliquement les trois salles qui conduisaient au Saint des Saints en faisant trois tours autour du pavé Mosaïque sur lequel est installé le Naos.
Le premier tour correspondra à la traversée de la Salle hypostyle symbolisée par les colonnes J et B placées de part et d’autre de la porte menant au sanctuaire de notre Ordre.
Le second tour les fait symboliquement pénétrer dans la salle de préparation des offrandes qui, à l’époque des Pharaons, était entourée de chapelles accueillant les présents offerts quotidiennement au dieu. Les offrandes que nous apportons ne sont pas celles que les prêtres égyptiens présentaient au dieu et qui le soir venu leur servait de repas, mais le fruit et le partage de nos propres recherches, qui au terme de nos tenues se retrouvera commenté au cours de nos agapes en salle humide.
Au troisième tour, après une dernière déambulation les conduisant aux frontières de l’invisible, les Sœurs et les Frères vont prendre place autour du Sanctuaire, l’habitat divin contenant dans son Naos la représentation de la divinité locale.
Que viennent-ils donc faire d’autre en ce lieu consacré, que d’assister au rituel de l’ouverture et de la fermeture du tabernacle contenant les outils qui symbolisent notre spiritualité !
Pour les Egyptiens de la vieille Egypte, le Sanctuaire où reposait le Tabernacle était un espace sacré où seul le roi, ou son représentant, pouvait pénétrer pour procéder aux rituels journaliers.
Prêtre pratiquant les offrandes invocatoires
Pour les Maçons de rites égyptiens, le Sanctuaire est symbolisé par un Pavé Mosaïque symbolisant la Terre au sein de l’Univers qui l’entoure. Celui-ci est composé de 108 cases dont les proportions sont identiques à celles du sanctuaire égyptien, et sur lequel est posé un Naos porteur des valeurs spirituelles de notre Ordre, destiné à manifester la présence du Grand Architecte des Mondes.
Le nombre 108 symbolise la somme des angles extérieurs du Pavé Mosaïque soit 90° x 12= 1080°, qui correspondrait à la place que tient la Terre au sein de l’Univers qui l’entoure. Rappelons-nous que les égyptiens des périodes antiques symbolisaient la Terre comme une surface plane dont les proportions sacrées étaient reportées jusque dans le sanctuaire. Ainsi, si l’on veut donner une valeur symbolique à l’Univers dans son intégralité, on ajoute aux 1080 degrés qui entourent la Terre, les 360 degrés du périmètre intérieurs de cet espace consacré à la manifestation des dieux (pour nous le Grand Architecte des Mondes). 1440 degrés serait donc le nombre symbolique de l’Univers égyptien, nombre correspondant à la distance qui sépare la Terre du Soleil, (sa lumière mettant 8 minutes à nous parvenir, soit 480 secondes que multiplie sa vitesse de 300 000 km/s ) et que l’on retrouve notamment et entre autre, dans les proportions de la Pyramide du Pharaon Khéops, symbolisant mieux qu’aucune autre forme, le faisceau de lumière éclairant notre planète.
Quelle que soit l’époque, quel que soit le rite ou le lieu, la création d’un espace sacré est déterminante puisqu’elle permet la compréhension du monde qui l’entoure. Cet espace n’existe pas naturellement. Il est le résultat d’un processus de sacralisation dont l’origine, même si elle touche au numineux, est bel et bien humaine. L’homme décide de la sacralisation d’un lieu, il en définit les limites selon son expérience, sa culture et ses buts.
LE NAOS
C’est donc sur ce Pavé Mosaïque composé de 108 cases blanches et noires, symbolisant la rencontre des énergies cosmiques et telluriques, que repose notre Naos, pièce maîtresse de notre rituel d’inspiration égyptienne.
Le processus de sacralisation de l’espace a pour effet de créer deux mondes distincts et implique certaines précautions initiatiques. Deux principes en définissent les conditions d’accès ; le principe d’analogie, comme étant le rappel d’autres formes du sacré, et le principe de participation.
Analogique est la forme triangulaire et équilatérale du Naos qui symbolise les trois dimensions spatiales dans lesquelles nous vivons, et qui représente l'équilibre entre l'intellect, le cœur et la volonté, ainsi que les trois attributs de la divinité: Sagesse, force et Beauté.
Participation, lorsque l’on se trouve dans un lieu consacré, nous sommes spirituellement au centre du monde et en pleine participation avec les forces cosmiques. Ce lieu consacré est conçu symboliquement comme point de référence absolue, par où passe l'axe vertical du monde, il représente un foyer de convergence des forces cosmiques et telluriques. Dans nos Loges, c’est la présence du fil à plomb, à la verticale de la voûte stellaire, en appui sur l’étoile polaire et dirigé sur les trois joyaux de la Loge, qui détermine le positionnement temporel du lieu où doit se manifester l’énergie spirituelle, symbole d’élévation et de perfectionnement de soi. Peu importe qu’il puisse exister plusieurs centres du monde, ce qui compte vraiment c'est la valeur symbolique qu’on lui attribue. Il est d’une importance primordiale dans le choix et la réalisation de l’espace sacré.
Si la localisation peut répondre à un lieu propice au rassemblement, l’orientation quant à elle, peut se faire en fonction d’autres considérations, telles qu’une direction vers un lieu réputé sacré. Par exemple, les églises chrétiennes qui sont généralement dirigées vers Jérusalem., les mosquées qui sont toujours orientées vers la Mecque etc. etc. Les Temples maçonniques quant à eux le sont symboliquement vers l’Orient, et plus particulièrement vers l’Egypte en ce qui concerne le rite Oriental de Misraïm.
Au rite Oriental de Misraïm, le Naos est dirigé pointe en haut en direction de l’Orient, contrairement à celui du Rite Ancien et Primitif du Rite de Memphis-Misraïm.
Initialement, le prêtre égyptiens chargé des rites journaliers se plaçaient face au Naos, édicule de pierre ou de bois placé dans le sanctuaire du temple et destiné à recevoir la statue de la divinité.
Le Naos est le lieu le plus intime et le plus sacré du temple accessible uniquement par les initiés. Son accès symbolise le parcours initiatique du profane. Seuls les prêtres ou le pharaon pouvaient accéder. La statue disposée dans le Naos était le support matériel du principe divin, dont l'essence envahissait l'Univers. Les dieux dont parlaient les égyptiens n’étaient en fait que des principes dans la nature se rapportant au monothéisme de Râ (le soleil). Par le rituel quotidien, la statue présente dans le Naos devenait physiquement l’intercesseur sur la Terre entre le principe divin et l’humanité. La divinité incarnée dans la statue était lavée, parfumée et revêtue de nouveaux habits. Le prêtre lui faisait des offrandes parmi lesquelles Mâat, gardienne de l'ordre universel, la loi de Justice et de Vérité, par laquelle s'accomplissait l'harmonie du monde avec l'Univers.
Le rituel avait pour but de réveiller ou de ramener la présence divine sur Terre, afin que les hommes ne perdent pas de vue l'importance d'œuvrer quotidiennement dans le monde matériel tout en veillant à ouvrir sa conscience à la dimension universelle.
C’est dans ce même esprit que l’Eglise des premiers temps puis plus tard la Franc-maçonnerie du rite Oriental de Misraïm ont adapté leurs rituels. Dans les Loges maçonniques, le principe divin y est symbolisé par les trois outils que sont le Compas, l’Equerre et la Règle ordonnés comme il se doit.
Dans son Testament Philosophique, Cagliostro qui fut l’instigateur des rites égyptiens précisait que « Toute lumière vient de l’Orient ; toute initiation de l’Egypte ». C’est pourquoi nous avons choisi d’en travailler les mystères en nous inspirant de ses rituels pour en retrouver l’esprit initiatique.
Pour les Maçons de rites égyptiens, le Naos est au carrefour des deux mondes qui s’affrontent pour créer l’énergie de la vie. Dans l’univers, et notamment dans notre système solaire, circulent des énergies cosmiques positives qui, lorsqu’elle rencontre une énergie négative comme celle du magnétisme terrestre, crée une vibration comparable à moindre échelle à celle du courant électrique au travers d’un corps résistant. C’est pourquoi, le Naos du rite primitif de Misraïm se compose d’un triangle pointe dirigée vers l’Orient, le tabernacle s’ouvrant toujours en direction de l’Occident permettant à la lumière divine et créatrice de se manifester sur le monde.
Posés sur cet Autel triangulaire que symbolise le Naos, quelques éléments concrétisent la présence du Grand Architecte des Mondes. Il s’agit notamment d’une flamme centrale de couleur blanche évoquant l’énergie créatrice, l’esprit ascensionnel de l’intelligence humaine, qu’aucun souffle ne peut faire dévier de sa verticalité, l’Ordre dans le Chaos en quelque sorte; d’une cassolette où brûle de l’encens composé de Myrrhe et de Benjoin, et des Trois joyaux de la Franc-maçonnerie que sont le Compas, l’Equerre et la Règle.
Chez les égyptiens de l’antiquité, l’encens tenait une place importante dans leurs cultes. Ils s'en servaient quotidiennement dans leurs rituels sacrés car leur parfum était considéré comme étant l’une des manifestations principales des divinités invisibles, où la fumée devient un lieu de passage entre les deux mondes. Composé de résines et de gommes aromatiques mélangées avec des épices, des écorces d’arbre et des fleurs, l’encens était un produit précieux et recherché, au point que ses ingrédients faisaient l’objet d’un commerce important, notamment avec les pays d’Afrique orientale qu’ils nommaient « le pays de Pount ».
Au Moyen-Orient, et notamment en Egypte, la myrrhe et le Benjoin étaient employées depuis des millénaires en médecine traditionnelle pour leurs propriétés thérapeutiques, antiseptiques et anti-inflammatoire. Ils étaient utilisés pour nettoyer les blessures, embaumer leurs pharaons et prévenir les infections. Outre leurs vertus thérapeutiques, ces deux résines combinées avaient une action purificatrice sur certaines plaies psychiques, notamment sur l’angoisse et l’anxiété, les crises de nerfs, la dépression latente, le stress et le surmenage.
Simples outils dans le monde profane, les symboles que nous utilisons ont la capacité de désigner autre chose qu’eux-mêmes. Si ceux-ci n’appartiennent pas en propre à la franc-maçonnerie, c’est la façon de les conjuguer entre eux qui leur attribut une toute autre signification. Ainsi, lorsqu’ils sont positionnés sur le Naos, le Compas, l’Equerre, et la Règle forment une sorte de pentacle dont chaque pointe est dirigée vers un officiant du rituel. L’Energie primordiale symbolisée par le Fil à Plomb va alors s’y manifester, à Midi lorsque la lumière est la plus courte, en agissant comme un laser réfractant son énergie.