LE RITE ORIENTAL DE MISRAÏM

 

 

Le Rite de MISRAÏM apparaît pour la première fois vers 1740 en Italie. Déjà à cette époque, MISRAÏM était un Rite maçonnique d'inspiration ésotérique, nourri de références alchimiques, occultistes et égyptiennes, avec une structure en 90 degrés, dont on trouve les traces dès 1738. Il constituait un écrin idéal pour recevoir un tel dépôt initiatique, et attirait alors de nombreux adeptes qui se réclamaient d'une antique tradition égyptienne.

 

Un document de 1867 cite l’existence de MISRAÏM dans l’Ile de Zante en 1782. Une autre source témoigne de l'apparition du Rite de Misraïm pour la seconde fois à Venise, en 1788, où un groupe de maîtres Sociniens (une secte protestante antitrinitaire) a demandé une patente de constitution à CAGLIOSTRO pendant son séjour dans cette ville. Celui-ci leur conféra les trois premiers grades de la Franc-maçonnerie qu’il détenait lui-même régulièrement de la Grande Loge Unie d’Angleterre, et leur conféra les Hauts Grades de la Maçonnerie templière Allemande, qu’il détenait d’ailleurs tout aussi régulièrement.

 

Le Frère TASSONI, en détenait la patente, mais comme les membres de ce groupe ne voulaient pas pratiquer les rituels magico-cabalistiques de CAGLIOSTRO, celui-ci ne leur a donc donné que la Lumière maçonnique. Ils ont donc utilisé les trois premiers degrés de la maçonnerie anglaise ainsi que les degrés supérieurs de la maçonnerie allemande, influencée par la tradition des Templiers.

D’autres écrits affirment qu’en 1796 déjà une Loge misraïmite fonctionnait à Venise (les sources de MISRAÏM, Gastone VENTURA Les rites Maçonniques de Misraïm et Memphis, éditions Maisonneuve et Larose 1986).

Le rite très novateur de MISRAÏM est apparu pour la première fois en Italie avec un triple caractère.

Premièrement, il était païen, plus exactement, « égyptien ». C’est-à-dire qu’il revendiquait une tradition spirituelle qui était antérieure à celle des trois théologies révélées incluses dans le catholicisme, dans le protestantisme et dans le judaïsme.

Deuxièmement, il était « occultiste », c’est-à-dire qu’il cherchait un contact direct avec le sacré, en cherchant des techniques d’expérimentation des mondes invisibles — kabbale, magnétisme, somnambulisme… — qui sont en contradiction flagrante avec les institutions religieuses qui ont le monopole des accès au sacré.

Troisièmement, il était extrêmement… confus... Sa forme définitive n’était pas acquise pendant plus de 50 ans. La nomenclature de ses degrés était extrêmement incertaine et nullement définitive. Il convient peut-être de rappeler ce qui qualifiait l’occultisme illuministe dans ces dernières années du siècle des Lumières. C’était l’ancêtre du surréalisme sur le plan esthétique, et c’était les balbutiements de la psychologie des profondeurs sur le plan scientifique. Enfin, sur le plan religieux, c’était l’abolition du dogme pour une expérience sensorielle, directe, voire érotique, des plans invisibles. Dans la continuation   du   romantisme   allemand  et  de  la   Naturphilosophie  dont  il 

s’inspirait l’occultisme maçonnique du 18ème siècle, voulait fonder une science/religion totale qui célèbrait une Nouvelle Alliance, une Alliance d’un troisième genre entre l’homme, la nature et les dieux. Mais ce qui est remarquable, c’est que la méthode employée était une sorte de contre-réforme qui radicalisait les avancées de la première Réforme. Si, dans la Réforme, le dialogue avec dieu devait être singularisé, individualisé et devait demeurer l’affaire d’un homme et de son créateur, dans le silence d’une relation de laquelle est bannie l’autorité ecclésiastique, dans l’expérience occulte, ce postulat était accompli jusqu’à son terme. Il s’agissait de donner au Maçon illuminé les clefs de son propre salut à travers une théurgie où c’est lui-même qui se mettait en état de grâce provoquée par les rituels. Cette auto divinisation, sur le plan théologique, se complètait, sur le plan épistémologique par une confrontation à « l’âme de la nature » à travers les expériences de magnétisme animal ou de confirmation du principe de similitude, de telle sorte que, à la longue, les mystères du monde s’épuisaient et s’éclairaient dans une science sacrée qui ne devait plus rien aux voiles de la religion. Enfin, dans l’espace théorique de cette psychologie transcendantale qu’ils exploraient à renfort de somnambulisme, de transes et d’hypnoses, nos Maçons occultistes exploraient les premiers les données de l’inconscient, les liens avec la vie sexuelle et le monde des rêves.

MISRAÏM va donc être fréquenté par des maçons ayant ce triple souci de régénérer la théologie par la théurgie, la connaissance de la nature par des expérimentations concrètes des données métaphysiques, l’anthropologie par la dimension nocturne et inconsciente de la psyché humaine. Il serait erroné comme on le fait trop souvent, de voir là seulement des fantaisies incohérentes. Nous estimons, pour nous, qu’il s’agit d’un véritable programme, qui touche également, comme ce fut le cas pour les Roses-Croix du siècle précédent, l’établissement d’une religion, d’une médecine et d’une politique universelle. Ainsi, nos misraïmites procèdent-ils, dans l’élaboration fluctuante de leur nomenclature de grades, à faire éclore ce que notre siècle commence à pressentir enfin : l’existence d’une spiritualité qui engage la subjectivité plutôt que le respect du dogme ; une science de « l’âme de la nature » qui restaure la dimension qualitative dans le traitement de son sujet ; un homme dont la floraison de la vie inconsciente et imaginative ne doit pas être combattue ni niée mais réhabilitée et comprise. A ce titre donc, les misraïmites sont donc en avance sur le temps, et par conséquent, aux antipodes de leur siècle. Ils ne sont ni entendus par les gardiens de la foi, ni par ceux de l’Académie des sciences, encore moins par l’anthropologie du siècle, toute entière attirée par le paradigme techniciste du corps machine. C’est pourquoi, à nos yeux, ils restent dans la lignée progressiste des Académies florentines et de la Royal Society ou encore de l’Invisible collège.

Les véritables acteurs du rite oriental de MISRAÏM ont fait leur, d’une manière spontanée et souvent inconsciente, l’héritage du rite. Ils sont véritablement devenus des « Patriarches Grands Conservateurs » du rite, rassemblant en eux l’héritage de celui-ci et devenant ainsi capable d’exprimer les aspirations inconscientes et non formulées des Frères devenus alors capable de se tourner vers le futur. Au XVIIIe siècle, les loges leur servirent de support d’enseignement ou de vivier dans lequel ils recrutèrent. Des hommes comme CAGLIOSTRO intégrèrent dans leurs rites maçonniques les pratiques apprises dans des cénacles plus fermés. La correspondance entre les symboles et les cérémonies maçonniques, ainsi que leurs équivalents des Mystères antiques est l'œuvre délibérée des compilateurs de rituels, auxquels étaient accessibles les ouvrages de PLUTARQUE, d'APULEE, de JAMBLIQUE, de PROCLUS, de PLOTIN, etc., ainsi que tous les livres publiés avant 1700 sur les mystères de l'antiquité.

Les Rites Egyptiens avaient une fonction initiatique qui était leur seule raison d’être. Ils affirmaient avec force leur spécificité, qui était leur attachement au courant hermétique et ésotérique de recherche de la Tradition pérenne. Mais aujourd’hui encore, les obédiences maçonniques dites « égyptiennes » n’ont pas bonne réputation. Elles attirent les vocations spiritualistes mais ne savent pas les canaliser, et encore moins les fidéliser. A croire que les rites qu’elles proposent sont dangereux pour des esprits faibles, voir peu préparés à partager des valeurs spirituelles de cette nature. A moins que l’Esprit soufflant où et quand il veut, des loges pourtant créées sans filiation « administrativement acceptable », puissent produire de l’excellent travail, tandis que d’autres, disposant d'une filiation irréprochable puissent dévier au point de n'être plus que des clubs service à vocabulaire initiatique. On sait par expérience, que parmi les loges d’une même obédience, le meilleur et le pire peuvent souvent se côtoyer, et qu’à l'instar du nouveau riche, une petite obédience qui grandit peut épuiser son énergie à mendier la reconnaissance des obédiences installées. D’une année à l’autre, la situation peut changer, une obédience peut se dégrader, se figer ou s’améliorer.

Le 6 novembre 1787, CAGLIOSTRO et le rabbin, savant et kabbaliste, ABRAHAM le JUIF, membre de la Loge Ecossaise Primitive à Venise, (de l'Obédience de la Grande Loge d'Angleterre) fondèrent à Venise, avec des initiés Chevaliers d'Orient, Philosophes Inconnus, et autres initiés en Kabbale, l'Ordre Oriental de MISRAÏM, qui se nommait alors « le Rite Egyptien ».

Un nouvel élément digne d’intérêt précise que le 17 décembre 1789, le célèbre CAGLIOSTRO, de passage à Trente, non loin de Venise, transféra les hauts degrés hermétiques dits « échelle de Naples » au sein de MISRAÏM à qui il aurait donné patente, abandonnant les rituels de son propre Rite Egyptien, puis ceux du Rite Ecossais Rectifié et enfin ceux du Rite Ecossais, Ancien Accepté.

Un nouvel élément digne d’intérêt précise que le 17 décembre 1789, CAGLIOSTRO se faisait arrêter en pleine inquisition par la police pontificale de Pie VI. Peut-être souhaitait-il faire reconnaître son rite par l’église, mais cette folie le conduira dans les geôles de l’inquisition romaine. On trouva dans ses papiers les catéchismes et rituels de son Rite et notamment une statuette d'ISIS. Or, ISIS est le mot sacré d'un des degrés de Naples.

Après un procès douteux, il fut condamné à être emprisonné à perpétuité. Ses décors et ses livres furent brûlés en place publique à Rome.

Enfermé dans la prison pontificale, au fort de San Léo près d’Urbino dans les Marches (Rimini), il sera emmuré vivant dans la cellule « il pozzetto » jugée encore plus sûre et qui était une sorte de puits où il pouvait être surveillé et il y mourut le 26 août 1795 un peu plus

de deux ans avant l’arrivée de l’armée française qui détruisit le fort Léo. Les raisons de ce traitement n’étaient pas que politiques. Il donnait, en effet, accès par son Rite, à des arcanes réservés jusque-là à une élite restreinte.

Décapitée, sa « Haute maçonnerie égyptienne » lui survivra pourtant quelque temps sous la direction de François de CHEFDEBIEN d’ARMISSAN (1753-1814), second Grand Cophte, dont on ne sait encore s’il eut ou non quelque postérité initiatique. En revanche, le rite primitif dit des philadelphes, fondé par son père, le vicomte de CHEFDEBIEN d’AIGREFEUILLE, à Narbonne en 1780, que d’aucuns accrochent souvent dans la galerie des ancêtres du rite de MISRAÏM, est un ancêtre mythique de plus, sans lien direct avec la maçonnerie égyptienne.

En 1787, Louis Guillemain de SAINT VICTOR défend à son tour l’origine égyptienne de la franc-maçonnerie dans son Recueil précieux de la maçonnerie adonhiramite.

En 1792, quatre ans après la fondation de l'Ordre Oriental de MISRAÏM, la R+C Pythagoricienne, dont le siège était toujours en Italie, y fit initier ses adeptes, en grand secret.

On sait qu'en 1796 une loge Misraïmite fonctionnait toujours à Venise, et que dans les années 1797-1798, les Frères de l'Ordre, et en particulier les Frères R+C Pythagoriciens, durent fuir à Palerme l'invasion autrichienne. Selon les affirmations de Gastone VENTURA, ce fut le « Filalete » ABRAHAM (le Baron TASSONI de Modene), qui en 1801 réforma à Venise la Loge du Rite de MISRAÏM mise en sommeil après l’occupation autrichienne.

Toutefois, cette réforme demeurait dans un cercle intérieur à l'Ordre, et elle prit la dénomination officielle de Rite Oriental de MISRAÏM.

L'on peut se demander si Gad BEDARRIDE et son fils Marc ont connu CAGLIOSTRO, car ce dernier ne conteste ni la réalité de son initiation en Egypte ni celle de ses pouvoirs, mais se borne à lui reprocher d'avoir, en France, établi un rite égyptien personnel.

D'autres rites se prétendront égyptiens. Au XVIIIe siècle, des grades en tous genres sont produits en France. A la suite des tentatives régulièrement entreprises pour les ordonner en systèmes plus ou moins cohérents, trois pôles se détachèrent des autres. Ce sont le Chapitre Général de France, le Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté et le Rite de MISRAÏM. Ce dernier, né en Italie, à l’époque de la République de Venise se développa dans les loges Franco-Italiennes du Royaume de Naples de Joachim MURAT. Dans l’armée française, ce Rite fut un splendide produit de la Maçonnerie impériale. Il n'était égyptien que de nom et il était bâti sur une structure kabbalistique. Il présentait l'intérêt d'avoir servi de véhicule aux Arcana Arcanorum, d’origine italienne et lointain écho d'une pratique issue des Mystères antiques.

Abraham (Baron Tassoni de Modene)     Parmi l’ensemble des Rites maçonniques, celui de MISRAÏM a toujours   occupé une position particulière, et ce, depuis son origine. Il a sa place parmi les rites égyptiens qui s'abreuvèrent à la source des Pythagoriciens, des auteurs hermétiques alexandrins, des néoplatoniciens, des sabéens de Harrân, des ismaéliens etc… Cependant, il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour trouver sa trace en Europe.

On a souvent dit que le nom de MISRAÏM est le pluriel de l'égyptien. C'est plutôt celui de l'Égypte, dans le sens des deux pays, les deux royaumes symbolisés par la coiffure du Pharaon, (l'Uraeus pour le Royaume rouge de Bouto Nord et par le vautour pour le Royaume du Sud blanc de El Kab). À l'époque, le nom de MISRAÏM était la seule référence égyptienne dans ce Rite, à l'exception des « Grades supérieurs » (comme on les appelait alors, avec un timbre militariste évident, et comme certains les appellent encore grandilotiquement aujourd'hui) C'est simplement un moyen d’accéder vers les degrés de la perfection pour ceux qui le désirent.

Le rite de MISRAÏM, revendique le titre ou la qualité de rite "oriental”. Son histoire est tellement mouvementée qu'il a longtemps été regardé avec condescendance par les grandes obédiences maçonniques. Un grand nombre d’écrivains maçonniques et antimaçonniques ont écrit sur ce Rite, mais toujours d’une manière brève et superficielle, sans jamais le présenter clairement. Peut-être ne possédaient-ils pas de documentation appropriée, ou parce qu’ils n’avaient pas obtenu l’autorisation de la publier. Pourtant, quelques très hauts dignitaires, comme par exemple les frères BEDARRIDE, Jules VERNHES, ou Jean MALLINGER, ont tenté de mettre en avant quelques dates historiques, dans le but légitime d’attester de l’ancienneté du Rite de MISRAÏM, et de le comparer au Rite Ecossais Ancien Accepté ne remontant qu’à 1801.

Voici comment Franz CUMONT, historien étranger à la franc-maçonnerie, résume la résurrection d'Osiris. " Dès l'époque de la XIIe dynastie, on célébrait à Abydos et ailleurs une représentation sacrée, analogue aux mystères du moyen âge, qui reproduisait les péripéties de la passion et de la résurrection d'Osiris. Nous en avons conservé le rituel : le dieu, sortant du temple tombait sous les coups de Seth. On simulait autour de son corps les lamentations funèbres, on l'ensevelissait selon les rites ; puis Seth était vaincu par Horus, et Osiris, à qui la vie était rendue, rentrait dans son temple après avoir triomphé de la mort.

C'était le même mythe, qui, chaque année, au commencement de novembre, était présenté à Rome presque dans les mêmes formes. Isis, accablée de douleur, cherchait, au milieu des plaintes désolées des prêtres et des fidèles, le corps divin d'Osiris, dont les membres avaient été dispersés par Typhon. Puis, le cadavre retrouvé, reconstitué, ranimé, c'était une longue explosion de joie, une jubilation exubérante dont retentissaient les temples et les rues, au point d'importuner les passants. " La similitude entre ces scènes et le mythe d'HIRAM, assassiné, puis ressuscité et relevé par les surveillants, est frappante pour tous les Enfants de la Veuve - Isis ? - introduits au troisième degré. La superposition est d'autant plus intéressante que la Bible ne dit rien de la mésaventure d'HIRAM. L'antique mythe égyptien s'est habillé de personnages bibliques, mais la trame de l'histoire est identique, au point que certains Rites maçonniques égyptiens, comme ceux publiés dans Crata Repoa en 1770 ou ceux du Souverain Grand Sanctuaire Adriatique actuel, ont restauré le mythe d'Osiris en lieu et place de celui d'HIRAM dans leurs travaux du troisième degré.

Comme pour CAGLIOSTRO dans sa " haute maçonnerie égyptienne ", le Rite de MISRAÏM en France réunissait essentiellement des maçons intéressés par un travail opératif de haute tenue (alchimie, théurgie, astrologie). Respectant l’esprit des rites égyptiens, il ne se préoccupait guère de créer des loges " bleues ". En effet, la création de ce rite au XVIIIème siècle ne concernait que ceux qui avaient acquis les grades supérieurs au 4ème degré, les trois premiers travaillant la plupart du temps au rite français. Il préférait établir un réseau de membres réellement opératifs qui appartenaient à diverses cultures (de l’ésotérisme chrétien au shivaïsme, du pythagorisme au taoïsme) et pouvaient ainsi confronter leur expérience. Ses Hauts Grades connurent des évolutions extrêmement nombreuses, tant dans leur nombre, leur contenu, que dans leur richesse symbolique. C’est pourquoi les membres du Rite oriental de MISRAÏM étaient encore responsables d'autres organisations (martinistes, pythagoriciennes, alchimiques) ou s’occupaient des publications (revues, éditions) érudites dans le domaine de l’initiation.

Les rites dits « de Loges bleues » n'ont donc jamais eu de caractéristiques véritablement égyptiennes. Ce n'est que peu à peu, et encore plus à une époque relativement récente, que l'on a introduit à la fois en France (et à l'étranger) des éléments tirés de la connaissance que l'on avait de l'Egypte. Quelques textes poétiques et évocateurs, associés à des terminologies spécifiques et des séquences rituelles intenses dans l'implication de la totalité de l'individu, en firent toutefois un rite spiritualiste d'une intéressante portée.

Une des caractéristiques réside dans les formules évocatrices de cette antiquité mythique. Ainsi dans la cérémonie d'allumage des luminaires trouvons nous cette phrase : "Maçons de la vieille Egypte, nous venons ici même, en la terre de Memphis, ériger des autels à la vertu et creuser des tombeaux pour les vices." Phrase connue dans tous les rites maçonniques, mais qui est associée de façon originale aux origines antiques, par parenté ou sympathie évocatoire.

La trame rituelle étant propre à la maçonnerie universelle, chaque rite va, avec plus ou moins de bonheur, tisser, improviser autour de cette trame, un ensemble d'éléments susceptibles de singulariser son caractère, sa tradition. Il s'agira pour le rite Oriental de MISRAÏM d'une certaine forme d’hermétisme égyptien.

Bien évidemment, si cela est suffisant pour donner un "caractère" particulier, çà ne l'est pas pour l'élever au rang d'un rite dit "spiritualiste". Mais nous entrons là dans une autre dimension des caractères propres à la rituélie qui s'enracine dans la philosophie. La formule maçonnique classique "Grand Architecte de l'Univers" est par exemple remplacée par "Souverain Architecte des Mondes" ou parfois "… de tous les Mondes". Le déroulement du rite lui-même, que nous ne pouvons étudier ici en détail, renvoie à un implicite ésotérique, une intention spirituelle d'élévation de l'esprit, d'ouverture du cœur à un autre niveau de conscience qui, s'il n'est pas toujours atteint ou perceptible, est néanmoins visé.

L’apparition des rites égyptiens en Franc-maçonnerie est historiquement liée à l’épopée napoléonienne et plus particulièrement à la campagne d’Egypte (1797-1801), campagne entreprise avant tout pour affaiblir l’ennemi anglais, mais dont on dit à l’époque, non sans raison : « Les sciences et les arts retournent en Egypte, leur patrie d’origine ».

A cette époque, le Rite de MISRAÏM recrutait aussi bien des personnalités aristocratiques que des bonapartistes et des républicains, parfois même des révolutionnaires Carbonari. C’est au cours de l’année 1796 que, Charles LECHANGEUR et Gad BEDARRIDE, tous deux demi-soldes de la campagne d’Italie, reçurent d’« ANANIAH le Sage », la filiation et les pouvoirs de transmission de la Tradition maçonnique de provenance égyptienne.

La plupart des membres de la mission d'Égypte qui accompagnèrent BONAPARTE étaient Maçons de très anciens Rites Initiatiques : « Philalètes, Frères Architectes Africains de Bordeaux, de l’Académie des vrais Maçons de Montpellier, Rite Hermétique de Pernety d’Avignon, et surtout du rite primitif des Philadelphes de Narbonne, sans omettre le grand Orient de France », ainsi que des notables égyptiens initiés aux mystères des Pyramides. C'est la découverte, au Caire d'une survivance gnostico-hermétique, (premier Memphis) qui va conduire ces Frères à renoncer à la filiation reçue jadis par la Grande Loge de Londres.

Dès 1798, ils entrèrent en contact avec les Frères de la Grande Loge d'Egypte, « descendants des R+C de la période Constantinienne » qui était organisée en 70 grades rituels. La Loge Isis fut fondée au Caire en 1798, et comptait parmi ses membres les savants et officiers français. De récentes découvertes confirment qu'en cette même période NAPOLEON BONAPARTE aurait été initié dans la Loge "ISIS ", présidée par le Général KLEBER.

Nous savons de sources sûres que NAPOLEON BONAPARTE avait toujours vécu dans une ambiance marquée par la maçonnerie. Son père Charles BONAPARTE et ses frères appartenaient à l’ordre ainsi que quatorze de ses dix-huit premiers Maréchaux et une pleiade de dignitaires de l’Empire.

Enrichis de ces nouvelles connaissances, les Frères de retour en France ne pouvaient rester les bras croisés. Parmi eux, il y avait donc Samuel HONIS, « Grand Maître de la Grande Loge des Filalètes » et officier de l'armée napoléonienne initié à la loge Isis, qui fonda avec ses Frères de retour en France, une Loge au titre distinctif de « Les Disciples de Memphis ». Cette loge travaillait selon des rituels fortement imprégnés d'influences égyptiennes.

En 1799, Gad BEDARRIDE, officier de l’armée d’Italie est reçu Grand-Maître 90e degré à Naples par le Patriarche PALOMBOLA, Grand Conservateur et Doyen de l’Ordre de MISRAÏM.

En 1801, Marc (1776-1846) et Michel BEDARRIDE (1778-1856), fils de Gad BEDARRIDE, sont initiés dans la Loge militaire « La Candeur de Cesena (Italie) ».

Le 1er octobre 1802 : Marc BEDARRIDE reçoit la maîtrise dans la loge Mars et Thémis à Paris (diplôme à la Bibliothèque Nationale ms.FM5 771). Il retourne en Italie en 1805.

En 1803 : Marc et Michel BEDARRIDE (négociants, passant pour des juifs portugais, né à Cavaillon dans le comtat de Venaisin) sont reçus dans le rite de MISRAÏM.

Selon REGHELLINI de SCHIO, ce serait à Naples, en 1803, que François JOLY, ayant rempli les fonctions de secrétaire général du Ministère de la Marine à « Naples », aurait été initié à la franc-maçonnerie de CAGLIOSTRO,  ainsi   que  les  Frères   Charles  LECHANGEUR,   Armand

                              Napoléon Bonaparte                                GABORRIA, Michel et Marc BEDARRIDE, tous demi-soldes de la campagne d’Italie. Ceux-ci auraient reçu par délégation et pouvoirs du Souverain Conseil Universel (qui comprenait les Zénith de Venise, du Caire et de Palerme) une charte les autorisant à propager le Rite maçonnique égyptien de MISRAÏM en France.

C’est donc en 1803 que le Frère Charles LECHANGEUR ayant eu la responsabilité de rassembler tous les éléments, de les classer et de les coordonner pour rédiger un projet de Statut général, codifie le Rite de MISRAÏM auquel, seront initiés François JOLY, Théodoric CERBES, Michel et Marc BEDARRIDE, militaires dans l’armée du Prince MURAT dans la République de Venise.

Un « Souverain Grand Conseil des Chevaliers Grands kadosch du 70° degré » aurait été ouvert à Paris (M.B., p.159 ; lettre de M. Bedarride au ministre de l’intérieur du 7 novembre 1822, demandant la réouverture des loges du rite, Galtier, p. 84). Le général Joseph CHABRAND 77° en aurait été membre (MB 175) Nous n’en avons trouvé aucune trace. (Probable invention pour affirmer l’antériorité sur le REAA).

En 1804, le Rite Oriental de MISRAÏM commence, depuis Venise, à se répandre en Lombardie. Création à Naples d’un Grand Orient attaché à la division militaire de l’armée d’Italie (Grand Maître le Général LECHI).

                       Le général Josepg Chabran                        Au début, les postulants ne pouvaient progresser qu'au 87e degré. En 1805 le Franc-maçon Charles LECHANGEUR membre d’une Loge de Milan, refusé comme membre du Conseil Suprême, décide de se mettre au-dessus des 33e degrés en créant un rite de 90 degrés dont il devient Supérieur Grand-Conservateur de l’Ordre de MISRAÏM. 

Les trois derniers degrés qui ont complété le système ont été réservés aux Supérieurs Inconnus, et même les noms de ces Grades ont été cachés aux Frères de degrés inférieurs. Organisé de cette façon, le Rite de MISRAÏM s'est répandu dans le Royaume d'Italie et le Royaume de Naples. Il a été adopté par d'autreset par un chapitre de la Rose + Cross appelé "La Concorde" qui avait son siège dans les Abruzzes. En 1811 un diplôme délivré par ce chapitre à un Frère nommé François-TIMOLEON BEGUE CLAVEL le désignait comme l’un des chefs du Rite, le Frère Marc BEDARRIDE n’ayant seulement reçu à cette époque que le 77e degré.

C’est en 1810 qu’à Naples, Marc BEDARRIDE recevra les pouvoirs magistraux du Frère Pierre De LASALLE, (qui semble avoir introduit les 87, 88, 89 et 90e degrés des Hauts grades « Arcanas Arcanorum » dans le Régime de Naples de Misraïm), puis à Milan du Frère Théodoric CERBES, pour introduire en France et notamment à Paris, le Rite de MISRAÏM, à une époque où les Ordres maçonniques étaient interdits en Italie. L’opération remporte un réel succès, auquel n’est certainement pas étrangère « l’égyptomanie »  suscitée  par les  découvertes  faites  pendant  et  après la  campagne 

          Le Général Teodoro Lechi                d’Egypte.

Histoire pittoresque de la Franc-maçonnerie         Acte de Constitution du Rite de Misraïm au Bulletin Officiel

De nombreux dignitaires du Rite Ecossais Ancien Accepté adhèrent en effet au Rite de MISRAÏM tout en conservant leur appartenance au REAA. C’est également en 1810 que le Frère Pierre Joseph BRIOT s’affilie à MISRAÏM.

De 1810 à 1813, les frères BEDARRIDE (Marc, Michel et Joseph), François JOLY (négociant et fournisseur de la gendarmerie, orateur de la Loge Marie Louise et du Souverain Chapitre Ecossais, La Vertu Triomphante (diplôme du 15 septembre 1810 de Souverain Prince Rose-Croix conservé à la Bibliothèque Nationale, Galtier 125), Armand GABORRIA et Francisco GARCIA (Figueroa) développèrent avec succès le rite de MISRAÏM en France, sous la protection du Rite Ecossais. Une Patente de Constitution en date du 23 décembre 1810 fonde les Corps Suprêmes du Rite de MISRAÏM à Paris, Bruxelles et Madrid. Bien que controversé, il semble que leur système et leurs chartes aient convaincu divers maçons, dont Claude Antoine THORY et le Comte MURAIRE, qui les mirent en relation avec d'autres maçons du rite écossais. Quelques Loges furent créées. Mais divers problèmes de détournement de fonds de la part des frères BEDARRIDE poussèrent de nombreux frères à se retirer et à fonder une nouvelle Puissance Suprême égyptienne qui demandera en 1816 et sans succès à être admise au sein du « Grand Consistoire » du Grand Orient de France.

Des diplômes attestés du 4 août 1811 provenant de la Loge « La Concorde de Lanciano » dans les Abruzzes, attestent de la pratique d’un premier rite de MISRAÏM sous la direction de Pierre de LASALLE (Grand Président), secondé par Gilbert DURAND, (premier président), GUIGUET, (deuxième président), M. BEDARRIDE (est-ce Michel ou Marc ?) (Garde des sceaux et timbres), Charles LECHANGEUR, (grand secrétaire), tous revêtus du grade ultime de « Grand Inspecteur intendant régulateur de l’ordre », 77e degré, qui rappelle étrangement le 33e grade du rite écossais ancien accepté : Le Frère Floraspe RENZETTI est reconnu avoir tous les degrés jusqu’au 68e degré, par le Souverain Conseil des Très Sages Israélites Souverain Prince du 70e degré. Signé par Pierre de LASALLE 77e (Président et Souverain Dictateur), François-Joseph GUIGUET 73e, Gilbert DURAND 73e, Michel BEDARRIDE 77e et Charles LECHANGEUR 77e (Galtier 1989, p.421)

La découverte de cette pièce capitale confirme le témoignage de François Timoleon BEGUE-CLAVEL, au sujet d’un autre diplôme délivré à son père, à la même date, par le même corps maçonnique.

Ce système marque sans doute une étape provisoire de la constitution du rite de MISRAÏM, qui au plus tard, entre 1811 et 1813, passe de soixante-dix-sept à quatre-vingt-dix grades, ainsi que l’atteste une pièce manuscrite datée de « la Vallée de Naples le 19e jour du 11e mois de l’an de la V.L. 5813 » semblablement du 19 novembre 1813, qui constitue l’ébauche d’une charte du rite de MISRAÏM dont la version définitive est hélas perdue. Ce document accorde pleins pouvoirs aux frères du chapitre Marie Louise de la Vallée de Rome : Pierre Charles AUZOU, (Très Sage) ; Armand GABORRIA, (Premier Grand Surveillant) ; Pierre ANSELME, (Deuxième Grand Surveillant) ; Pierre ChARDIN, (Grand Secrétaire) ; Joseph PICHAT, (Grand Trésorier) ; Angelo MONTANI, (Grand Elémosinaire) ; et au Frère Victor ALAUZET, du chapitre Elisa de Florence, pour établir le rite de MISRAÏM à Rome, dans ses quatre séries, du 1er au 90e degré. Leur demande « se trouve particulièrement recommandée par le Très Illustre et Très Parfait Frère Charles LECHANGEUR ami intime de plusieurs de ces Frères », et le même document mandate à cet effet François JOLY, 90e « autorisé par nos pouvoirs du 24e jour du mois dernier à établir le rite de MISRAÏM à Rome et ailleurs », à qui est remis un bref pour chacun de ces Frères, « ainsi que les cahiers des divers degrés dont les travaux sont les plus en usage » avant leur retour en France.

Cette charte atteste d’ailleurs de l’existence d’un Suprême Conseil Général des Grands Maîtres absolus « du rite de MISRAÏM », à Naples, en 1813 au plus tard. Hélas, comme il ne s’agit en somme que d’un brouillon, nous ignorons quel « Grand Président », quel « Garde des Sceaux et timbres » et quel « Grand Chancelier » devaient y apposer leur signature. Il pourrait s’agir des Frères Charles LECHANGEUR, Pierre de LASALLE et Marc BECHERAT, tous trois cités comme titulaires de ces charges respectives, en décembre 1813, par Marion REGHELLINI de SCHIO.

D’après Jean Marie RAGON qui en témoigne, les Frères François JOLY, Armand GABORRIA et Francisco GARCIA ont reçu du Suprême Conseil de Naples les fameux arcana arcanorum, qui paraissent spécifiques de la branche napolitaine. D’autre part, les Frères BEDARRIDE se sont vu conférer leurs propres pouvoirs d’une autre source italienne, qui ignorait peut-être l’apport napolitain.

Le 1er septembre 1812, Vitta POLACO, israélite vivant à Venise, usurpant les « droits de Charles LECHANGEUR » et s’étant proclamé Supérieur Grand Conservateur, donne à Michel BEDARRIDE le 90e degré (Rebold, 576)

Le 12 octobre 1812, Théodoric CERBES accorde une charte de Grand Conservateur 90e degré à Michel BEDARRIDE. Outre la signature de Théodoric CERBES, et celle de Marc BEDARRIDE qui n’avait alors que le 77e grade et non le 90e degré, cette patente portait celle de sept ou huit autres frères qui composaient le Souverain Grand Conseil du 90e degré des Grands Maîtres absolus. C’est grâce à cette charte que Michel et ses frères purent propager le rite en France.

Cette ébauche d’une charte de l’ordre accordait pleins pouvoirs aux Frères du chapitre Marie-Louise de Rome (Pierre-Charles Auzou, Très Sage ; Armand Gaborria, Premier Grand Surveillant ; Pierre Anselme Second Grand Surveillant ; Pierre Chardin Grand Secrétaire ; Joseph Pichat, Grand Trésorier ; Angelo Montani, Grand Elémosinaire ; et Victor Alauzet du Chapitre Elisa de Florence) pour établir le rite de Misraïm à Rome dans ses quatre séries, du premier au 90e degré. La demande est appuyée par Charles LECHANGEUR, François JOLY et mandatée à cet effet. Il reçoit un bref pour chacun de ces frères « et les cahiers des divers degrés dont les travaux sont les plus en usage » (Caillet, 91 ; RT n°109, 1997, 19-48). Il existait donc un Souverain Conseil Général des Grands Maîtres absolus du rite de MISRAÏM à Naples, en 1813 au plus tard.

Les rituels de MISRAÏM, rapportés d’Italie pour une part, soit par les frères BEDARRIDE, soit par François JOLY ou Armand GABORRIA, ou élaborés par les BEDARRIDE pour ceux qui leur manquaient ont donc très vite été en usage en France. Les grades symboliques pratiqués par les BEDARRIDE ont été composés plus tardivement vers 1821. Ils s’inspirent sans l’ombre d’un doute de leurs équivalents du rite écossais ancien accepté.

Le 24 octobre 1813, Charles LECHANGEUR (Grand Président 90e degré), Pierre de LASALLE (Grand Garde des Sceaux et timbres 90e degré) et BECHERA (Grand chancelier 90e degré) donnent une charte (de 90e degré) à François JOLY l’autorisant à propager le rite en France (Galtier, p.75, d’après Reghellini de Schio). Il est probable que Pierre de LASALLE, ésotériste convaincu, fut l’introducteur des Arcana Arcanorum (Galtier, 76).

Un manuscrit original du Premier au 90e degré du Rite de MISRAÏM, transcrit le 19 novembre 1813 par les frères Charles ECHANGEUR, Armand GABORRIA et Jean Michel RAGON, composé de 42 pages et issus du fond GABORRIA, se trouvent actuellement à la Bibliothèque Municipale d’Alençon.

Manuscrit original des Rituels de MISRAÏM  (Bibliothèque Municipale d’Alençon).

Le 21 mai 1814, les Frères BEDARRIDE établissent un Grand Chapitre, à leur domicile parisien, 27 rue des Bons Enfants. Le 24 juillet 1814, une lettre dont une copie est conservée à Lyon, atteste d’un rite « de Mysphraïm à 90 degrés », et le 20 septembre, selon une autre lettre de la même provenance, un « Conseil Souverain du rite de Mysphraïm du 70e degré en formation à vu le jour. Ce rite a pour dirigeant trois demi-soldes de l’armée impériale : les frères BEDARRIDE : Joseph, Marc et surtout Michel. ».

Les BEDARRIDE étaient de religion juive, or à l’époque, avant la révolution, et avant qu’elle ne soit rattachée à la France, Cavaillon était l’une des quatre villes du Comtat Venaissin où les juifs avaient droit de résidence. Les études de Kabbale étaient donc à l’honneur dans les communautés juives du Comtat et les Rites Maçonniques Hermétistes y étaient florissants, notamment le Rite des Elus Cohen de MARTINEZ de PASQUALLY, le Rite des Illuminés de PERNETTY et le Rite Ecossais Philosophique auxquels semble aussi avoir été initié Gad BEDARRIDE.

MISRAÏM se situant dans le prolongement des communautés israélites médiévales de Provence et du Languedoc suivait le rite Juif Séfarade de Carpentras, et était en outre très versée dans des études kabbalistiques. Plus kabbalistique qu’égyptien, le rite Oriental de MISRAÏM fut donc introduit, développé et dirigée en France par les frères BEDARRIDE, à une époque où les Juifs n’avaient aucun droit de cité au sein de la Franc maçonnerie, et cela quasiment sous la protection du Rite Écossais.

 

Marc BEDARRIDE

Marc BEDARRIDE est né à Cavaillon en 1776, de Gad BEDARRIDE, un militaire qui aurait été lui aussi franc-maçon. En 1792, la révolution française le contraint à interrompre ses études. Il rejoint alors le bataillon des Bouches-du-Rhône, et entre à Nice avec l’armée, avant de s’engager comme conducteur dans l’artillerie. Il regagne ensuite le fort Montauban, puis les montagnes du Piémont où il est blessé, avant d’être envoyé à Saint-Martin de Lantosca. Le 21 décembre 1794, il est nommé conducteur en second, et se rend dans la rivière de Gênes. Il stationne à Manton, Saint Réme, Porto-Moricio, avant de revenir à Nice. Passé sous le commandement de BONAPARTE, il franchit à nouveau les Alpes, participe à d’autres batailles, et se rend dans les états vénitiens. Attaché à l’armée de Naples, il est à nouveau blessé dans les Abbruzes. Le 14 janvier 1799, le voilà promu capitaine d’état-major de la République de Naples, dont il est nommé chef de bataillon en février. Il prend part à la bataille de Trébia, puis retourne à Nice, avant d’être incorporé dans l’armée de réserve de Bourg-en-bresse qui franchit le Mont-Saint-Bernard et s’illustre à la bataille de Marengo.

A l’en croire, Marc BEDARRIDE aurait été initié, sans doute en 1801, à Céséna, avant de rentrer en France pour raison de santé, et d’être affilié à la Loge Mars et Thémis de Paris, où nous savons qu’il reçut en effet le grade de maître, le 1er octobre 1802, ainsi que l’atteste son certificat d’initiation. Après avoir participé à la fondation des loges Les émules de Mars, au 18e régiment de ligne à Paris, et Gloire militaire, à La Rochelle, il aurait reçu les grades du rite écossais ancien accepté jusqu’au 31e degré inclus, avant d’être élevé au 70e degré du rite de MISRAÏM. Où et quand ? il n’en dit rien. De retour en Italie il assiste, dit-il, au couronnement de NAPOLEON comme roi d’Italie, à Milan, puis se rend à Naples. C’est là à une date qu’il ne précise pas, qu’il aurait enfin été reçu au 90e degré du rite de MISRAÏM. Il se rend alors à Milan où il est « créé et proclamé l’un des Grands Commandeurs, membres d’honneur de la puissance suprême de l’ordre pour le royaume d’Italie et décoré de la grande étoile de MISRAÏM par le Président Théodoric CERBES, Souverain Grand Commandeur égyptien ». En 1814, Marc BEDARRIDE, de retour en France, passe à Lyon, puis à Nevers, avant de rejoindre à Paris son Frère JOSEPH.

 

Michel et Joseph BEDARRIDE

Michel et Joseph BEDARRIDE sont nés dans le comtat venaissin, le premier en 1778, le second en 1787. Peut-être ont-ils été initiés dans une loge militaire de l’armée française en Italie. Leurs activités maçonniques débutent, comme celles de leur frère Marc, dans la première décennie du XIXe siècle où l’on retrouve l’un d’eux sur les colonnes de la loge La Concorde, en 1811. Selon un tableau du rite, Joseph BEDARRIDE serait entré à MISRAÏM « le 5e jour du 4e mois 5810 ». En 1814, les deux frères rentrent d’Italie, pour s’installer eux aussi à Paris.

D’après Marc BEDARRIDE, son frère Michel, attaché aux armées d’Italie, de Naples et d’Allemagne, aurait été initié par leur père à Ancône, puis après son retour à Paris, en 1803, il aurait été reçu Grand Conservateur de MISRAÏM, à Naples, en 1810, après avoir été initié au 77e degré quelques temps auparavant. Selon un tableau du rite, Michel BEDARRIDE serait entré à MISRAÏM « le 5e jour du 5e mois 5803 »

En 1813, nous trouvons le Grande Loge « L’Arc en Ciel », à l'Est de Paris, professant le Rite de MISRAÏM. En 1814 de retour en France, plusieurs officiers, rescapés de la campagne napoléonienne d'Egypte, fondent à Montauban la Loge "Les Disciples de Memphis " qui, immédiatement après deviendra la Loge Mère de l'Ancien Rite Oriental de Memphis.

Le 12 février 1814, se réunissent chez Marc BEDARRIDE à l'Hôtel des Indes, rue du centre commercial, à Paris, (pour créer le Grand Conseil général suprême du 90 ° degré du Rite de Misraïm). Le Rite comptait alors, des noms maçonniques illustres à sa tête : comme le Comte de SAINT GERMAIN, le Comte MURAIRE, Souverain Grand Commandeur du Rite Écossais Ancien Accepté, le Duc DECAZES, le Duc de SAXE-WEIMAR, le Duc de LEICESTER, le Lieutenant Général BARON TESTE, des Grands dignitaires du 33° degré pour la France, dont PIERRON et Claude-Antoine THORY etc…, à qui il aurait jour-là « ses pouvoirs, divers manuscrits contenant la partie scientifique des quatre séries de l’ordre ». Ayant été élevés aux 77e et 87e degrés, ceux-ci formèrent alors pour la France un Grand Conseil Général des ministres constituants du 87e degré.

  Duc Decazes           Duc de Saxe-Weimar           Lieutenant Général Baron Teste           Gabriel Mathieu Marconi de Nègre

Parmi les membres fondateurs de cet extraordinaire Atelier, on trouve l'Officier d'origine Italienne, Gabriel Mathieu MARCONIS de NEGRE (son fils deviendra ensuite l'héritier de la Tradition Maçonnique que le Rite de Memphis avait ramené d'Egypte).

À Paris en 1814 les BEDARRIDE s’allient quatre maçons illustres dont deux, François JOLY et Armand GABORRIA, son 90e degré et deux, Francisco GARCIA et Joseph DECOLLET sont 77e degré.

Le 12 février 1814 Marc BEDARRIDE avec Joseph BEDARRIDE et BOUCALIN de LACOSTE, reçoit le Comte MURAIRE, PIERRON, Claude Antoine THORY, le Barbier de TINAN et CHALAN, tous 33e degré du Souverain Conseil de France, à l’hôtel des Indes, rue du mail. Il les convainc de la profondeur de ses connaissances et les crée 77e degré puis 87e degré du rite. Ainsi est créé le Souverain Grand Conseil Général des ministres constituant, 87e degré, en attendant l’arrivée de Michel BEDARRIDE qui devait créer le Suprême Grand Conseil général du 90e et dernier degré.

                    Claude Antoine Thory                                                                Général Comte Chabran

Le 31 mars 1814, entrée des alliés à Paris. Réception au 87e degré de Joseph DECOLLET, officier de cavalerie du général-comte CHABRAND 90e degré, MONNIER et TESTE.

Ce fut le 21 mai 1814 que les Frères négociants BEDARRIDE, venant d’Italie, établirent, dans leur domicile, rue des Bons Enfants, numéro 27, un grand chapitre du rite de MISRAÏM.

Ce n'est que le 9 avril 1815 qu'a été officiellement décidé qu'à partir de ce jour, le Grand Conseil Supérieur des Sages, Grands Maîtres ad-vitam, 90 ° degré sera établi et composé dans la Vallée de Paris, pour régir l’obéissance maçonnique de Misraïm en France. Les trois commandeurs Michel, Marc et Joseph BEDARRIDE établirent à leur domicile parisien le Suprême Grand Conseil Général des Sages Grand maître ad vitam du 90e degré et dernier degré du rite pour régir l’ordre maçonnique de MISRAÏM en France, regroupés en quatre séries. A cette occasion, ils investissent le général Joseph CHABRAND comme Grand Maître ad Vitam 90e degré. Sont membres : les trois frères BEDARRIDE, BOUCALIN de LACOSTE, Joseph DECOLLET, A. MEALLET, François JOLY, Honoré MURAIRE, Charles Antoine THORY et François VIDAL. (C’est Galtier qui le dit, p.120.) Sont nommés pour le représenter VITTA-POLACO à Jérusalem, Pierre de LASALLE à Naples, TASSONI à Milan et Théodoric CERBES à Varsovie.

Ceci fut le premier acte connu de propagation du Rite de MISRAÏM en dehors de son pays d’origine, « l’Italie ». Il est important de souligner que conscient de l’importance de leur dépôt d’Initiation, les fondateurs du Rite ont formé un « Pouvoir Souverain » en tant que tel dans un pays étranger « La France » et qu’en conséquence ils ne pensaient pas avoir à demander une reconnaissance officielle à un quelconque potentat de la Franc-maçonnerie française, en commençant par le Grand Orient de France qui se prétendait régner sur la majeure partie de la vie maçonnique française.

Le 18 mai 1815 eut lieu la création d’une première loge de MISRAÏM à l’Orient de Paris (rue Saint Honoré), sous le titre distinctif « l’Arc en Ciel ». Vénérable maître : MEALLET. Celui-ci rédige le premier degré (les autres degrés, deuxième, troisième, Maitre des angles Prince de Jérusalem, chevalier du soleil… ne seront rédigés qu’en 1820).

Le 14 mars 1816, réception au 66e, 70e, 77e, et 81e degré, de Jean-Marie RICHARD, 33e° du rites écossais anciens accepté et futur grand orateur du Grand Orient de France, et de SASCHERIO-BEAUREPAIRE, 33e degré du rites écossais anciens accepté.

Le 8 août de cette même année, Jean Marie RAGON, qui préside à Paris la loge des Vrais Amis, (qui prendra pour titre les Trinosophes sous lequel elle deviendra célèbre), écrit aux BEDARRIDE (lettres dans le tuiler page 238). Son atelier envisage de pratiquer MISRAÏM, et des pourparlers s’engagent. Le 18 août les frères BEDARRIDE acceptent la proposition de Jean Marie RAGON. Celui-ci reçoit un bref du 70e degré. Le 7 septembre 1816, Jean Marie RAGON ayant reçu une patente du 88e degré, Grands Ministres constituant, (Souverain Grand Prince du 88e degré (patente dans Tuileur p.241). Signée BOUALIN d’ALOST 90e, Joseph BEDARRIDE 90e, Joseph DECOLLET 90e, FRIZON 87e, PIGNERE 87e, HENKELBEIN 87e, et A. MEALLET 90e) incite les frères BEDARRIDE à présenter leur rite au Grand Orient de France où il espère qu’il pourrait être intégré sous leur direction.

Le 15 octobre 1816, RAGON rebaptise sa loge « Les Trinosophes » et adresse sa demande de constitution sous deux rites au Grand Orient de France.

 Le 18 octobre 1816, à la tenue de l’Arc-en-Ciel, RAGON est présent avec trois frères de sa loge, Marc BEDARRIDE Vénérable Maître, A. MEALLET orateur.

                       Jean Marie Ragon                        Vote pour ou contre la proposition de présenter le rite de MISRAÏM au Grand Orient de France. 32 boules noires, quatre blanches (RAGON et ses amis). Jean Marie RAGON couvre la loge (Tuileur, p.243).

Comme il est malheureusement banal de nos jours, les dissentions éclatèrent au sein du Rite et, dès le lendemain, le Frère A. MEALLET de l’Arc en Ciel et Membre du Grand Orient, se rallie à RAGON qui fait aussitôt de lui l’orateur adjoint des Trinosophes. Le 20 octobre, Jean Marie RAGON reçoit chez lui François JOLY, orateur des Trinosophes, A. MEALLET et HENKELBEIN, qui lui présentèrent les frères Joseph DECOLLET et PIGNERE qui sollicitent une fonction dans sa loge. François JOLY est accompagné des frères Francisco GARCIA et Armand GABORRIA 90e degré de MISRAÏM, qui se séparent eux aussi des BEDARRIDE pour constituer le 11 novembre 1816 un second Suprême Conseil du 90e degré de MISRAÏM sous la protection du Grand Orient de France. En échange de son soutien à l’obtention de sa reconnaissance, RAGON en serait Suprême Grand Chancelier 90e degré du rite, et serait chargé de rencontrer HACQUET et GASTEBOIS.

Les membres chargés de remplir les offices furent les frère Jean Marie RAGON, chef de bureau, vénérable fondateur de la loge impétrante des Trinosophes ; Armand GABORRIA, Souverain Grand Maître absolu, au 90e et dernier degré, Vallée de Naples ; Joseph DECOLLET, chef de l’administration des monnaies et médailles, et A. MEALLET, secrétaire de la société académique des sciences, sous la présidence du frère François JOLY autorisé à créer, établir et constituer en France le rite de MISRAÏM dans ses quatre séries et dans  tous les degrés qui les composent, en vertu des pouvoirs qui lui avaient été délégués à Naples en 1813, par la puissance établie en cette capitale. L’acte de constitution de cette Suprême Puissance fut signé par François JOLY, Suprême Grand Président 90; Jean Marie RICHARD 90e ; Jean Marie RAGON, Suprême Grand Chancelier 90e ; A. MEALLET, Suprême Grand Inspecteur 90e ; Armand GABORRIA, Suprême Garde des Sceaux 90e ; PIGNERE 90e ; Joseph DECOLLET 90e ; etc…

C’est donc J.M. RAGON qui entama les négociations avec le Grand Orient de France. Il se réunirent et choisirent pour Président le Frère François JOLY, qui assurait, avec trois autres frères aussi présents, avoir pratiqué le rite à Naples, sous l’autorité du frère Pierre de LASALLE. Le suprême consistoire accepte la demande adressée au Grand Orient de France et la lettre d’accompagnement (Tuileur p.245)

1816 : Statuts Généraux de l’Ordre Maçonnique de MISRAÏM et de ses quatre séries pour la France

Les quatre derniers degrés étaient philosophiques (ils sont rapportés sous le titre d’Arcana Arcanorum p.344 et suivant, du cours interprétatif des initiations, Paris 1844. Le cachet de cet ordre est à la suite) et n’avaient rien de l’Ismaélisme des grades correspondants des BEDARRIDE (RAGON, cours philosophique interprétatif, deuxième édition page 77)

Article quatre : tous les degrés établis en France, compris dans les deux premières séries symboliques et philosophiques, jusqu’au 66e degré inclusivement, travailleront, à compter du jour de la réunion du rite de MISRAÏM au Grand Orient au nom et sous l’autorité du Grand Orient de France qui, sous la demande du Suprême Grand Consistoire Général, validera les patentes constitutives dont les Loges, Chapitres, et Conseils des divers degrés pourraient être pourvus. Ont signé François JOLY, homme de lettres, Suprême Grand Président 90e degré, Jean Marie RICHARD 90e degré, Jean Marie RAGON 90e degré, A. MEALLET 90e degré, Armand GABORRIA 90e degré, PIGNERE 90e degré etc

Jean Marie RAGON spécifiait que : « concernant les quatre derniers degrés du Rite de MISRAÏM apporté du Suprême Conseil de Naples, par les Frères François JOLY, Armand GABBORIA et Francisco GARCIA, tout lecteur impartial, qui les comparera, verra combien ces degrés diffèrent de ceux qu'énoncent les Frères BEDARRIDE. Il est vrai que les Frères BEDARRIDE, ne cachaient pas l’indifférence qu’ils avaient pour les Arcana Arcanorum. L'affaire n'était pas un secret puisque le Tuileur de Vuillaume de 1820 déclare au sujet des Arcana Arcanorum : "Nous savons au surplus que ces quatre degrés ne sont pas adoptés par la Puissance qui gouverne le Rite Egyptien en France". Il ajoute ailleurs : « Cette explication et les développements des degrés 87, 88 et 89, qui forment tout le système philosophique du vrai rite de MISRAÏM, satisfait l'esprit de tout maçon ins­truit.

Tuileur général de la Franc-maçonnerie édité par J.M . RAGON en 1816

Elle est parue à Londres sur ce rite en 1805, sous forme d'in-quarto, signalée dans une brochure d’un certain Bretel, intitulée « réponse à un libellé » et publiée à Bruxelles en août 1818. Nous avons d'autre part en notre possession à Bruxelles, où le rite de MISRAÏM fut introduit en 1817, une partie de ses archives : statuts (parus chez REMY, rue des Escaliers, le 5 avril 1818) ; diplômes ; polémique avec les autres Rites, signalant un ouvrage de RAGON (op. cit. Page 247 et 307, note I) ; et un tuileur manuscrit, sur parchemin, contenant notamment les « Arcana Arcanorum » — sur papier et avec écriture absolument identique à un autre document daté de 1778 ».

Le Suprême Conseil 90e degré initié par Jean Marie RAGON « déclara dans ses statuts, ne reconnaître en France d’autre autorité maçonnique et légale que le Grand Orient de France » et, le 8 octobre 1816, ils lui portèrent le rite, qui fut accueilli avec circonspection.

Les documents justificatifs étaient rédigés en langue italienne et furent présentés lors d’une réunion aux commissaires du Grand-Orient le 20 novembre 1816 où assistaient les Illustres Frères BENOU, BERTONASCO, GASTEBOIS (Président), GENEUX et HACQUET. Les propositeurs étaient les Frères Armand GABORRIA, Francisco GARCIA, François JOLY, A. MEALLET et Jean Marie RAGON pour MISRAÏM.

Le Frère François JOLY exhibe les pouvoirs que lui avait délégués en 1813, à Naples le Suprême Conseil du 90e et dernier degré du Rite de MISRAÏM, avec autorisation de créer, d’établir et constituer le rite de MISRAÏM, dans les 4 séries et dans tous les degrés qui les composent. Les Frères Armand GABBORIA et Francisco GARCIA exhibèrent également leurs patentes de 90e degré.  Le Frère GASTEBOIS déclara que ces trois Grands maîtres du Rite de MISRAÏM lui paraissaient suffisamment aptes à présenter légalement ce Rite, sauf examen à l’admission du Grand Orient. Les 4 autres commissaires furent de l’avis de leur président.

François JOLY et Armand GABBORIA donnèrent des explications sur le rite et MISRAÏM qui ne commence qu’au 67e degré.

Le Frère Jean Marie RAGON développa les interprétations qui lui ont été demandées sur les deux premières séries comprenant les 66 premiers degrés, connus avant l’existence de ce rite.

La séance fut longue, très amicale et des plus fraternelle. le Frère François JOLY communiqua les statuts et règlements du Suprême-Conseil de Naples au Frère GASTEBOIS, qui en donna une rapide lecture en français. Le Frère BENOU, voulant revoir un passage complimenta le Frère GASTEBOIS pour sa grande facilité à traduire l’Italien.

Quelques mois plus tard, GASTEBOIS demanda à François JOLY les explications et les documents nécessaires sur l’histoire du rite de MISRAÏM afin de les transmettre au Grand Directoire des rites. CAILLET écrit que les Arcana Arcanorum rapportés de Naples furent exposés par François JOLY, Armand GABBORIA et Francisco GARCIA (Caillet, arcanes et rituels 1994, P. 275).

Le 11 janvier 1817 eu lieu la consécration des Trinosophes par les commissaires du Grand Orient de France. Le 15 février, Jean Marie RAGON demande au Grand Orient un chapitre dont la création fut fixée au 7 juillet.

Le 15 août 1817, Jean Marie RAGON rencontre GASTEBOIS qui lui dit ne plus vouloir de représentations de maçonnerie « égyptienne ». RAGON s’engage alors à ne plus pratiquer aucun grade de la maçonnerie de MISRAÏM.

Le 7 novembre 1817, le Grand Orient de France expose la situation ; Le grand Orient doit toujours, comme le Gouvernement français, considérer comme sociétés secrètes prohibées par les lois du royaume, toutes celles qui ne suivent pas ses rites… ces ateliers, qui professent des soi-disant rites auxquels ils donnent toujours une origine ancienne et illustre, ne professent réellement que les inventions ridicules de quelques imaginations exaltées, qui ne vivent qu’en faisant des victimes.

En conséquence, le Grand Orient de France ne considéra pas comme opportun, ni prudent d’admettre en son sein le rite de MISRAÏM, d’autant que les hauts-grades du Rite n'avaient jamais été approuvé : ni la réduction de l'échelle égyptienne aux trente-trois degrés de l'écossisme, ordonnée par le Hiéro­phante PESSINA et mise en pratique en certains pays (notamment l'Argentine); ni la suppression de ses liturgies spiritualistes.

Le rite fut rejeté par le Grand Orient de France le 27 décembre suivant. Les présentateurs qui voulaient armer le Grand orient de ce rite afin que personne ne pût continuer à en abuser, y renoncèrent pour toujours, et déclarèrent dissous leur Suprême Conseil du 90e degré.

L’arrêté adopté par le Grand orient de France dans sa séance solennelle du 27 décembre 1817 est en effet des plus clairs, qui stipule non seulement que le rite de MISRAÏM n’est point admis au Grand Orient, mais encore qu’il interdise aux maçons de le pratiquer, sous peine d’être déclaré irréguliers et exclus de leur obédience. Le 27 août 1821, une nouvelle circulaire viendra confirmer en tous points l’arrêté précédent (Archives Nationales, F7 6685 liasse 1296).

Si le prétendu MISRAÏM de Jean Marie RAGON disparu de la circulation, il fut à l’origine de la diffamation, de la persécution et de dénonciation contre les BEDARRIDE et les Misraïmites de la part des journalistes du Grand Orient parmi lesquels le dénommé Jean Marie RICHARD, membre de l’Académie des sciences, qui fut expulsé le 15 août 1818, ainsi que les Frères SASCHERIO BEAUREPAIRE, A. MEALLET, François JOLY et consorts, après un processus régulier, à la suite de ce qu’ils avaient tenté de faire au préjudice du Rite.

 

Misraïm et les Carbonari

En 1810, s'était opéré en France une réaction contre les sociétés secrètes républicaines de type carbonari fondées dans le pays par Arnaud BAZARD, Jacques FLOTARD et le frère Jacques BUCHEZ. Cette société avait été introduite en Italie par Pierre Joseph BRIOT, administrateur des Abruzzes (sous l’autorité de Joseph BONAPARTE) initié à la "Société Secrète Républicaine des Philadelphes" de Besançon, "Bon Cousin Charbonnier" du rite forestier de l'Ordre de la Fenderie dit du Grand Alexandre de la Confiance, et affilié au Rite de MISRAÏM.

Parallèlement, y avait été initié Filippo BUONARROTI, révolutionnaire français d'origine pisane, ancien ami de Gracchus BABEUF, qui a connu BRIOT à Sospel ; il va durant trente ans se servir des loges, en particulier au sein de sa propre organisation ("Les Sublimes Maîtres Parfaits", sous la direction d'un "Grand Firmament") pour couvrir la diffusion de ses idées révolutionnaires, celles de l'idéal babouviste du communisme égalitaire. Quoique relativement limitée, cette regrettable confusion entre franc-maçonnerie et idées carbonaristes fera rapidement le lit de la politisation des loges.

 

Dans la région de Besançon, le mouvement révolutionnaire des Bons Cousins Charbonniers auquel pourrait avoir appartenu le Frère LAFAYETTE (par ailleurs vénérable de la loge "Les Amis de la Vérité" de Rosoy et membre du Suprême Conseil), s'était étendu et avait tenté d'infiltrer les loges pour y faire pénétrer leurs idées contestataires et recruter des maçons prêts à participer à un soulèvement républicain.

Sous la Terreur Blanche (en été 1815), c'est MISRAÏM qui transmet leur nécessaire maîtrise aux Carbonari.

               Pierre Joseph Briot                       Violemment anticlérical et anti royaliste, le Rite groupe alors une cinquantaine de Loges à travers le pays. Cependant le pouvoir politique et certaines obédiences maçonniques dont le Grand Orient de France, alors majoritairement monarchiste et catholique, qui pénétrées par le vent de liberté de la démocratie porté par la révolution Française, supportaient mal un rite qui se déclarait aristocratique et qui comportait un tel système de hauts grades.

Si, très rapidement, le Rite de MISRAÏM rassemble les jacobins nostalgiques de la République, c'est au sein du Rite de MEMPHIS, que se regroupent les demi-soldes de l'ex-Grande Armée et les bonapartistes demeurés fidèles à l'Aigle. Notons du reste que les deux Rites ont en 1816 le même Grand-Maître Général, prémisses de la fusion future.

Dès 1817, le Grand Orient avait essayé, à plusieurs reprises, d’absorber le Rite de MISRAÏM, ou de l’intégrer de force en son sein. Ne parvenant pas à ses fins, le Grand Orient, se met à dénoncer le Rite aux autorités qui l’interdit. Pourquoi cette volonté de mettre au pas ce Rite ? Réponse de Jules VERNHES : « On n’a jamais vu notre Rite … encenser aucun des gouvernements qui se sont succédés en France … »

Pas étonnant donc que le Grand Orient de France envoie des espions dans les Loges égyptiennes, les dénonce, provoque des descentes de police, les fait condamner comme conspirateurs et ordonne à ses membres de cesser toutes relations avec le Rite de MISRAÏM.

En ce qui concerne la composition de ces loges, le recrutement était plutôt composite. On y trouvait, comme nous l'avons déjà montré, des personnes éminentes, souvent des dignitaires du Rite écossais. Ils étaient mélangés avec des personnes intéressées par des doctrines ésotériques ou des « hauts degrés », attirés par la « hiérarchie des 90 degrés » et par l'origine vraisemblablement égyptienne du Rite, et enfin par des bonapartistes et des républicains, parfois Carbonari, cherchant une couverture. Pas étonnant que tout cela ne plaise pas au Grand Orient de France qui souhaitait contrôler l'ensemble de la maçonnerie française, et qui était hostile au système des « hauts degrés » et aux études ésotériques, craignant pour que le gouvernement de Louis XVIII interdise la maçonnerie en tant que mouvement politique, adversaire de la monarchie. En conséquence, dès le début, le Grand Orient montre une opposition très forte au Rite de MISRAÏM.

En dépit des protestations du Grand Orient de France, très vite, le rite de MISRAÏM s’est développé en France. Le tableau des membres composant la Puissance Suprême pour la France, pour l’année 1818, n’en comprend pas moins de dix-sept dignitaires composant le Suprême Conseil du 90e degré, sept autres membres du même grade, vingt-trois frères du 89e degré, douze du 88e, quatorze du 87e, et vingt-deux membres d’honneur de ce dernier grade. Paris compte alors Quatre Loges : L’Arc en Ciel, le Mont Sinaï, les Sectateurs de Zoroastre, Saint-Candide des francs-hospitaliers ; auxquelles s’ajoute une loge de Cavaillon, Les Médiateurs de la Nature. A Paris, fonctionnent par ailleurs un Conseil du 33e degré, un autre du 45e, un Sénat du 51e, un tribunal du 66e, un conseil du 70e, un autre du 73e, un autre encore du 77e, et enfin un autre du 86e degré. En province, la même pièce mentionne deux conseils du 70e, l’un à Bordeaux, l’autre à Marseille.

MISRAÏM n’est pas pour autant confiné aux frontières françaises. Le 15 mars 1817, Michel BEDARRIDE l’introduit en Belgique, et les statuts en sont publiés à Bruxelles, le 5 avril 1818. Mais dès le 22 juin de cette année, une première réaction hostile provient du Suprême Conseil du rite écossais ancien accepté pour les Pays-Bas ; d’autres suivront tout au long de l’année, qui entraînent réponses des misraïmites pris à partie. Le 18 novembre 1818, le Prince FREDERIC, Grand Maître de la Franc-maçonnerie pour les Pays-Bas, met un terme à la querelle en interdisant dans son royaume les loges de MISRAÏM.

Le 30 avril 1818, la Loge misraïmite les Sectateurs de, Zoroastre, à Paris, déclare s'isoler de la Puissance Suprême, tant que les actes de ce corps porteront les signatures des Frères BEDARRIDE. Le 11 juin suivant, cette Loge fut démolie. La même Puissance démolit, le 23 juillet, la Loge l'Arc-en-ciel, à Paris, parce qu'elle ne l'avait pas reçue avec les honneurs maçonniques qu'elle croit lui être dus. Elle lui pardonne le 4 août, et la réintègre sur ses tableaux.

Dès 1821, un Souverain Conseil du 70e degré, siège à Toulouse, où le rite vient d’être introduit par Louis-Emmanuel DUPUY. La même année, Michel BEDARRIDE se rend en Suisse où la loge Genevoise les Amis Réunis adopte son système, tandis qu’il constitue le 17 mai 1821 un autre Conseil du 70e degré avec le titre de loge-mère helvétique.

1820 : Rituel de MIZRAÏM publié par une Grande Loge Symbolique Genevoise tiré d’un manuscrit du début du XIXe siècle.

 

 

1920 INITIATION AU RITE DE MISRAÏM

DISCOURS DE L’ORATEUR

 

 

Mon Frère,

Naguère un bandeau épais couvrait vos yeux et vous étiez plongé dans les ténèbres les plus profondes, ignorant le lieu où vous avez été conduit, ne connaissant pas même les individus à qui vous étiez confié, l'esprit frappé par les épreuves auxquelles vous étiez soumis et qui se succédaient rapidement pour vous; l'âme élevée, je le pense, par l'explication que l'on vous a donnée de quelques-uns de ces emblèmes mystérieux, afin de vous aider à lire vous-même en quelque sorte dans ce Livre de la Sagesse, vous n'étiez soutenu dans ce pénible voyage que vous venez de faire que par la tranquillité d'une bonne conscience, par votre persévérance et une confiance absolue dans le Frère auquel nous devons de vous posséder; cette confiance vous honore l'un et l'autre, et la connaissance que nous avons acquise de ses qualités nous donne la certitude de celles que nous trouverons en vous.  Enfin le bandeau est tombé pour vous; la lumière la plus vive a brillé à vos yeux; mais encore inaccoutumés à son éclat, ils ont dû en être éblouis.

L'état duquel vous sortiez, la multiplicité des objets étrangers qui vous avaient entouré, l'éclat même de ce lieu auquel vous étiez loin de vous attendre et qui a dû vous paraître d'autant plus vif que vous sortiez du sein de longues et profondes ténèbres; tout a dû porter dans votre esprit une confusion que je vais m'efforcer de dissiper en vous donnant la clef de nos emblèmes.  Ces emblèmes se rattachent à des points de l'histoire des hommes.  Je vais, avant de vous les expliquer, vous faire connaître l'origine de notre institution qui vous en développera le but et qui vous éclairera sur ses mystères.

L'esprit ardent et inquiet de l'homme est constamment porté au merveilleux; ses sens ont besoin d'être frappés et les vérités les plus sublimes n'arrivent que difficilement à son âme si elles n'y parviennent par ces trompeurs intermédiaires.  Vainement la philosophie et l'expérience convainquent chaque jour de l'infidélité de leurs rapports, le vulgaire ne reçoit, n'écoute et ne veut entendre qu'eux; telle fut l'origine de toutes les erreurs, de toutes les superstitions.

Lorsque dès le berceau même du genre humain le fanatisme et la superstition déguisés sous mille formes inondèrent la terre de leurs funestes et criminelles erreurs, le culte simple et pur de l'auteur de la nature abandonné de toute part ne fut conservé que par un petit nombre de Sages adonnés uniquement à la Connaissance de la nature et à l'adoration de son auteur.  Ce fut sur les bords du Nil, dans la terre de Misraïm, que fut principalement conservé ce précieux dépôt, ce feu sacré.  C'est de là, et tous les peuples l'attestent, que sont sortis toutes les sciences, tous les arts; c'est là que les Sages de toutes les nations allèrent s'instruire, c'est de là qu'ils rapportèrent chez tous les peuples, avec les lumières de l'esprit, le flambeau de la raison et de la philosophie; mais l'empire de l'erreur était tel que jamais ils ne purent la montrer ouvertement aux yeux du vulgaire et que la vérité fut et demeura toujours le partage d'un petit nombre d'hommes que l'on désigne sous le nom d'initiés.

L'Égypte était, peut-être plus que toute autre contrée, esclave de la superstition et des fables. Des emblèmes ingénieux, imaginés avant l'écriture pour enseigner au peuple tout ce qui lui était utile pour la conservation de son Être, des indices astronomiques destinés à diriger les travaux de l'agriculture devinrent pour le peuple autant de Divinités présidant aux objets dont ces prétendus Dieux avaient d'abord été les symboles.  De là les erreurs du polythéisme et cette multitude de Divinités bizarres que se créèrent les peuples.

Que durent faire les vrais Sages pour ne point être entraînés par le torrent?  Se concentrer, en quelque sorte, et ne communiquer leurs hautes connaissances qu'à des hommes éprouvés, sur les vertus, les lumières et la discrétion desquels on pouvait compter. Il fallait alors imaginer les épreuves, les mystères, les divers degrés d'initiation proportionnés aux lumières et aux facultés morales des candidats.  Des initiés étrangers propagèrent dans leurs pays les Mystères qui ne consistaient partout, comme sur la terre de Misraim, qu'à reconnaître l'utilité d'un Dieu, à pratiquer les vertus et particulièrement la bienfaisance, celle qui rapproche le plus l'homme de son auteur, à étudier la nature, à en connaître les secrets.  Moïse, Orphée, Pythagore, Thalès furent autant de Sages qui communiquèrent à leurs disciples les vérités importantes de la philosophie, elles se perpétuèrent dans la Grèce, dans l'Italie, jusque dans les Gaules, mais ce fut surtout en Orient qu'elles furent le plus soigneusement conservées.

C'est ainsi, mon Frère, que ces vérités nous ont été transmises sous les emblèmes qui les dérobaient aux profanes dans les temps les plus reculés.

Cette explication a dû vous rendre intelligibles la plupart des épreuves auxquelles vous avez été soumis, je vais vous les rappeler succinctement, en vous faisant néanmoins observer que ces épreuves sont les mêmes qui avaient été adoptées par les initiés d'Égypte.

Avant de connaître la vérité, l'homme est esclave de l'erreur et des préjugés; c'est ce qu'indiquent les ténèbres dans lesquelles vous étiez plongé et la chaîne dont vous étiez chargé.

Le voyage que l'on vous a fait entreprendre est l'emblème de la vie de l'homme tiré du néant par la Toute-Puissance Divine et réservé par son auteur aux plus hautes destinées; c'est là, mon Frère, le soutien et l'espoir de la vertu trop souvent persécutée sur la terre.

Vous êtes sorti faible et nu du sein de l'élément le plus grossier et vous avez passé successivement au milieu des quatre éléments.  Ils figurent les divers âges de la vie et ses difficultés qui se multiplient sur les pas de celui qui travaille à sa perfection morale.

Dans le dernier point de ce voyage surtout vous avez opposé un front serein aux fureurs de l'orage : tel est le Sage, mon Frère, fort du témoignage de sa conscience, il ne craint ni les fureurs des méchants, ni les revers de la fortune; il se soumet avec résignation à la volonté Toute-Puissante de la Divinité, persuadé qu'il n'est d'autre bonheur que la vertu, d'autre mal que celui de s'en écarter.  Il est toujours le même au sein de l'adversité, comme au milieu de la prospérité; c'est la philosophie d'Horace que la chute même de l'univers ne saurait épouvanter.

SI FRACTUS ILLABATUR ORBIS, IMPAVIDUM FERIENT RUINAE.

Telles ont été, sans doute, mon Frère, les dispositions que vous avez apportées parmi nous, et nous en avons tellement la conviction que nous avons pour vous adouci la rigueur des épreuves, que nous en avons abrégé la durée qui, chez les Egyptiens, était de trois ans avant de parvenir au point de l'initiation.  C'est de là que vient l'âge emblématique d'un apprenti, qui est de trois ans, et le respect que nous avons pour le nombre trois qui renferme encore d'autres mystères que la persévérance et un travail assidu vous feront connaître.

Ici, mon Frère, finit ma tâche et la vôtre commence; vous avez fait le premier pas dans le chemin de la vérité; la lumière a brillé à vos yeux, la route qui vous reste à parcourir ne doit pas vous effrayer; vous trouverez toujours tous vos Frères disposés à aplanir devant vous les difficultés.  Un grand nombre de hautes et sublimes vérités vous restent encore à connaître; redoublez de zèle pour y parvenir, le prix qui vous attend est digne de vous.

La charte de ce nouvel atelier porte les signatures de Michel BEDARRIDE lui-même. Louis FONTANES 77; Louis FALCONNIER, Daniel SEGUIN, Georges AGIER, Claude GERBENNE, Jean-Antoine MAIGROT et MARTIN, tous titulaires du 70e degré. Puis le 3 août 1821, avec l’appui de Jean-Samuel d’ILLENS (1758-1825), grand maître du Grand Orient National helvétique romand, Michel BEDARRIDE fonde à Lausanne la loge les Médiateurs de la Nature, qui sera installée le 9 août suivant. Mais celle-ci est aussitôt reniée par certains dignitaires du Grand Orient helvétique lui-même, dont cette affaire provoque l’éclatement. Dans le même temps, Michel BEDARRIDE inaugure à Genève une nouvelle loge, sous le titre distinctif Les Amis de la Vraie Lumière, qui entrera en sommeil en 1834.

D’un très précieux tableau des membres composant la puissance suprême du rite pour l’année 1822, tirons la liste des 90e à cette date ; Michel BEDARRIDE « ex-inspecteur des services réunis des armées impériales » ; Comte Honoré MURAIRE, Président d’un des grands conservatoires de l’Ordre ; Baron François-Antoine TESTE, Premier Grand Examinateur ; MORET, avocat à la cour royale de Paris, Deuxième Grand Examinateur ; Comte de FERIG, Grand Orateur ; Edme-Claude RAYHERY, Grand Chancelier ; Joseph BEDARRIDE, ex capitaine du train d’artillerie, Secrétaire Général, Grand Conservateur de l’Ordre ; Comte Louis de FAUCHECOU, Grand Trésorier ; Marc BEDARRIDE, Grand Garde des Sceaux et timbres, Premier Grand Conservateur et représentant des Suprêmes Grands Conservatoires  de l’Ordre et des Puissances Suprêmes d’Irlande et d’Ecosse auprès de celle de France ; Jean-Joseph BRIOT, Grand Maître des cérémonies ; Benedict ALLEGRI, grand élémosinaire et représentant la Puissance Suprême des Pays-Bas auprès de celle de France ; Charles TESTE, Grand Expert.

La même pièce donne la liste des représentants de la Puissance Suprême ; Pierre de LASALLE, 90e, pour la Vallée de Naples ; Jean FAWLER, 90e, pour la Vallée de Dublin ; Comte Joseph de CHABRAN 90e, pour la Vallée d’Avignon ; DUBREUIL aîné, 90e, pour la Vallée de Lyon ; Louis-Baptiste DEVILLY, 90e, pour la Vallée de Metz ; Abraham SASPORTAS, 90e, pour la Vallée de Bordeaux ; Théodoric CERBES, 90e, pour la Pologne ; Félix RIVIERE, 90e, pour la Vallée de Rio-de-Janeiro ; David DEMONTEL, 89e, pour la Vallée de Livourne ; Le Chevalier REIBESTHAL, 89e, pour la Vallée de Strasbourg ; un certain MESSINE, 89e, pour la Vallée de Mons ; le Frère DECLERCQ, 89e, pour la Vallée de Courtray ; Jean-Samuel BERGIER d’ILLENS, 89e, pour Lausanne ; le Dr CAVALIER, 89e, pour la Vallée de Sens ; Le comte de SAINT-CLEMENT, 89e, pour l’Amérique ; Le chevalier REAL de CHAPELLE, 87e, pour la Vallée de Besançon ; Louis FALCONNIER, 87e, à Genève ; Le frère FONTANES, 87e, pour la Vallée de Nimes ; Jean-Raymond CARDES, 87e, à Toulouse ; Jean-François DARSONVAL, 87e, à Clermont-Ferrand ; Thomas HUSSEY, 87e, à Londres ; Le Frère JULLIERA, 87e, à Nion ; Louis-Théodore OLIVIER, 87e à Stochholm ; Le Frère GIBBES 87e, pour les Iles Anglaises ; Jean Baptiste CHEVALIER, 87e, pour la Vallée de Nantes ; Le frère Juillion COMPERAT, 87e, à Sedan ; Le Frère PITRAYE, 87e, à Rouen ; Le Frère VERNHES, 87e, à Montpellier ; Le Frère COUDREUX, 87e, à Tours ; CHELLE, 87e, à Saint-Omer ; Albert BESSON, 87e, à Jarnac ; On y relève aussi quelques 90e étrangers ; le Duc de SAXE-WEIMAR, Joseph-Nicolas DAINE, major général des armées du roi, Philippe-Casimir MARCHOT, un certain DECOURTRAY, et un certain HULST, tous membres de la Puissance Suprême des Pays-Bas ; le Duc Auguste-Frédéric de SUSSEX en Angleterre ; le Duc de LEINSTER en Irlande ; le Duc de ATHOL en Ecosse ; Lambert GUERINDI en Italie ; et PolacoVITTA à Jérusalem.

Enfin, pour la même année, le tableau des loges misraïmites françaises et Suisses : sept loges à Paris ; L’Arc en Ciel, les Douze tribus, le Mont Sinaï, les Enfants d’Apollon, le Buisson Ardent, les sectateurs de Misraïm, l’Anglaise des Amis bienfaisants : à Bordeaux,  La réunion philantropique ; à Rouen, Les sectateurs de Pythagore ; à Lyon, Memphis ; à Metz, Héliopolis renaissante ; à Toulouse, Le Sentier de la Vérité ; à Besançon, Les sectateurs de la Vérité ; à Montauban, Nil débordé ; à Sedan, les Amis Réunis ; à Cavaillon, les Sages médiateurs de la nature , à Dardenat, La parfaite tolérance ; à Genève, Helvetie ; et à Lausanne, Les médiateurs de la Nature

Toujours en 1821, la Loge la Bonne Foi, à Montauban, venant d'adopter l'Écossisme, eut la malheureuse idée d'ajouter aux régimes qu'elle professe le Misraïmisme, alors en butte aux poursuites du gouvernement. L'autorité civile s'empare de ses papiers et registres, et fait fermer son local.

Le 10 octobre, de cette même année, une circulaire du Grand Orient de France rappelle aux ateliers de son obédience que le Rite de MISRAÏM n'est pas reconnu par lui, et interdit toute communication avec les Loges de cette maçonnerie.

Mais interrogeons des contemporains et demandons-leur ce qu'ils savent des rites égyptiens au moment où ceux-ci tentent de conquérir la France.

En 1821, le Frère Jean Philippe LZVESQUE a publié un « Aperçu historique général » des tendances maçonniques de son époque. Il parle dans ces termes : « II y a, je crois, cinq ou six ans que ce Rite est venu s'établir à Paris. Il venait du Midi de l'Italie et jouissait de quelque considération dans les Iles Ioniennes et sur les bords du golfe Adriatique. Il a pris naissance en Egypte. »

Après ce premier témoignage, interpellons le maçon le plus érudit de France, le célèbre Claude-Antoine THORY (1759-1827), qui, dans ses deux tomes des « Acta Latomorum » reproduisit un nombre considérable de documents historiques précieux dont il avait été le conservateur. Il précise : « Le Rite de MISRAÏM, qui ne date, en France, que de quelques années, était très en vigueur à Venise et dans les îles Ioniennes, avant la Révolution française de 1789. Il existait aussi plusieurs Chapitres de MISRAÏM dans les Abruzzes et dans la Pouille.» Et il ajoute cet élément intéressant : « Tous ces grades, excepté les 88e, 89e et 90e ont des noms différents. Quant aux trois derniers, nous n'en connaissons pas la dénomination, on les a indiqués comme voilés, dans le manuscrit qui nous a été communiqué. »  Jean Philippe LEVESQUE : « Aperçu général et historique des sectes maçonniques », page 105, Paris, 1821. 10 n Claude-Antoine THORY: « Acta Latomorum », en deux tomes, pages 327-328, Paris, 1815. Nous verrons plus loin l'extrême importance de cette observation.

BEDARRIDE : L’« Histoire de Misraïm », tome 2, page 125. 17 Waite: «Encyclopaedia of the Freemasonry », tome 2, page 75. 18 Sur CAGLIOSTRO, cf. « Vie de Joseph Balsamo, extraite de la procédure instruite contre lui à Rome en 1790 », Paris, éd. Treuttel, 1791 ; et : Dr Marc HAVEN : « Le Maître Inconnu, CAGLIOSTRO », Paris, DORBON aîné, 1913 ; cf. aussi : « Rituel de la Maçonnerie Egyptienne », Nice, Ed. Des Cahiers Astrologiques, 1947.

Une gravure sensationnelle, montrant l'initié passant par l'eau et par le feu à l'intérieur de la Grande Pyramide, avait d'autre part été publiée par Alexandre LENOIR (1761-1839) dans son livre : « La Franche Maçonnerie rendue à sa véritable origine », Paris, 1814.

L’Initiation antique vue par le XVIIIe siècle : l’épreuve de l’eau dans la Grande Pyramide par Jean Michel Moreau (1741-1814)

Cf. cette gravure dans : Manly Hall, op. cit., page 81. Elle a paru dans l'ouvrage : « Histoire générale et particulière des religions et du culte de tous les peuples du monde », par le célèbre érudit Fr. H. De LAULNAYE, tome I, Paris, Fournier, 1791 — il la reproduit d'après Sethos dont la première édition date de 1728 (dessin de J.-M. MOREAU le jeune). Cf. dans Jean-Marie RAGON, Tuileur Général, Paris, Collignon, 1861, pages 250-252 : Compte rendu des tenues égyptiennes des 15 mai et 12 juin 1817.

« Ces représentations firent fureur ; elles firent pâlir le symbolisme ordinaire mais leur renommée fut par trop retentissante, tant l'admiration fut grande.»

Le rite de MISRAÏM poursuivra son histoire avec des hauts et des bas jusqu'en 1822, date à laquelle il fut interdit par la police de la Restauration, suite à l'affaire des Quatre Sergents de La Rochelle et à l'inquiétude suscitée par les Carbonari.

Le 1er octobre 1822, une Loge de Tarare, professant le Misraïmisme, est envahie par la police qui se saisit de tous ses papiers et registres.

A cette époque, le rite de MISRAÏM était devenu le fer de lance de l’opposition clandestine et républicaine, voire carbonariste à l’Ancien Régime et à l’Eglise Catholique.

Sur ce plan encore, le Rite fait acte de rupture voire de subversion par rapport à son siècle. Le Rite va devenir alors un abri pour des républicains, des révolutionnaires et va donner la Maîtrise maçonnique aux Carbonari, ces 50 000 hommes d'armes qui faillirent renverser l'Ancien Régime. On y trouve à cette époque des Frères comme Pierre-Joseph BRIOT, — qui s’associa étroitement avec les révolutionnaires des Philadelphes. —, ou bien encore Charles TESTE, frère cadet du baron François TESTE, lieutenant de Philippe BUONARROTTI, le célèbre révolutionnaire qui utilisa la Charbonnerie pour servir la cause de son socialisme d'Etat, et qui fut, avec BABEUF le coauteur du Manifeste des Egaux, le premier texte communiste inspiré des Enragés de la Révolution française.

 

Le Carbonarisme

Le carbonarisme est une société initiatique et secrète à forte connotation politique qui eut un rôle occulte important sous la Révolution Française, qui contribua efficacement à l’unification de l’Italie, et qui s'est répandue dans divers états européens au début du XIXème siècle. La Charbonnerie tire son nom des rites d'initiation des forestiers (rituels forestiers) fabriquant le charbon de bois dans le Jura à l'origine et en Franche-Comté. Dissimulé derrière le compagnonnage artisanal des producteurs de charbon de bois, la charbonnerie se fondra dans certaines loges maçonniques. Elle comportait neuf degrés et était cloisonnée en ventes regroupées en ventes mères.

C'est le révolutionnaire français Pierre-Joseph BRIOT, lui-même franc-maçon du rite de MISRAÏM et Bon cousin charbonnier du rite du Grand Alexandre de la confiance, qui importa ce rite très chrétien à Naples, fin 1809. Il participa sans doute à l'unification secrète des divers groupes italiens sous l'égide de la Carbonaria.

En France, le carbonarisme sera implanté par Benjamin BUCHEZ qui sera à l'origine de la « Société Diablement Philosophique ».

En 1818, celle-ci avait été transformée en loge maçonnique sous le vocable des Amis de la Vérité. L'année 1833 voit, sous la direction de BUONARROTI, la création de la Charbonnerie Démocratique Universelle à Bruxelles. Elle était en correspondance avec la Societa Dei Veri Italiani d'inspiration babouviste. Le vocable de vente sera remplacé par celui de "phalanges", celles-ci avaient, souvent, sous leur direction occulte des loges de MISRAÏM. Le plus haut degré connu de cette société secrète est le "Frère de la Racine".

Parmi les couvertures de la charbonnerie on peut citer tout d'abord les réseaux de conspirateurs connus sous les noms de "Philadelphes" et d'"Adelphes" Les Philadelphes sont

            Benjamin Buchez                 issus d'une résurgence des Illuminés de Bavière. Leur programme est voisin de ceux-ci et des Egaux de BABEUF. Les Adelphes et Philadelphes étaient coiffés par une autre société secrète : le Grand Firmament, qui se subdivisait en Eglises, Synodes et Académies.

Or, dès 1817, le Grand Orient, alors monarchiste et catholique devint l’un de ses plus farouches opposants. Ainsi, en 1822 on profita de l’affaire des « quatre sergents de La Rochelle » et de l’inquiétude suscitée par les Carbonari pour dénoncer aux forces de police l’Ordre de MISRAÏM comme un repaire de séditieux « anti-monarchiques et anti-religieux » prêts pour l’insurrection armée. Un rapport de police précise que « le but de ces sectaires était d’établir l’athéisme et une République universelle ». On y décrit les frères de MISRAÏM comme les apôtres les plus violents de l’athéisme et de la démagogie, et leurs écrits sont dits les plus audacieux qui soient.

Bien vite, des perquisitions mettent fin à l’activité des Loges qui sont dissoutes sous prétexte de détention de documents anti-religieux. L’essor de ce nouveau Rite plein de promesses est ainsi stoppé net.

 

 

LETTRE DE DENONCIATION D’UN CARBONARI

(Marseille le 14 Août 1822)

 

A son excellence le Ministre Secrétaire d’Etat de l’Intérieur

 

Monseigneur,

Il est débarqué dans ce port, venant de Civita Vechia un voyageur nommé Bartholomeo Pestini, natif de Pistoia, poète improvisateur, qui a l’intention de se rendre à Paris et dont le passeport est ci-inclus transmis à votre Excellence.

Quelques jours avant l’arrivée de cet étranger, je reçu une lettre de Rome signée L. Luis par laquelle on m’avertit en mauvais français que le dit Festini vient d’être expulsé de Rome après l’avoir été de Florence et de naples, où il a été la cause de la révolution napolitaine (est-il dit en propre termes). Il est dépeint comme un CARBONARI capable d’exercer beaucoup d’influence à l’égard des jeunes gens. Cet avis qui part d’une source obscure et peut être malveillante ne m’a pas semblé suffisante pour ……………….. etc…

La charbonnerie française, de type politique, sera très active de 1820 à 1823.La conspiration militaire échoue et se signale notamment lors de l’affaire des quatre sergents de La Rochelle.

 

L’affaire des Quatre sergents de La Rochelle

En 1821, des mouvements de contestation au sein de l’armée, et notamment dans le 45e régiment d’infanterie en garnison à Paris inquiétaient les autorités militaires et civiles. Certains soldats hostiles à la restauration monarchique refusaient de crier « Vive le Roi ». Aussi, afin de couper le régiment des mauvaises influences politiques (la caserne se situait en plein Quartier latin de Paris où les étudiants entretenaient la contestation), ce régiment fut transféré à La Rochelle en janvier 1822.

Quelques militaires entendant y poursuivre leur action dans la clandestinité, furent dénoncés aux autorités pour conspiration.

Accusés d'appartenir à une organisation politique secrète, « la Charbonnerie », complotant contre le régime de Louis XVIII, quatre militaires du 45eme régiment de ligne de la Rochelle, les sergents Jean-François BORIES, Charles GOUBIN, Jean-Joseph POMMIER et Marios-Claude RAOULX sont arrêtés le 19 mars 1822 avec une vingtaine de leurs complices, et enfermés dans la Tour de la Lanterne située à l’entrée du port de La Rochelle.

1822 : Lettre de dénonciation du Rite de MISRAÏM           Le gardien de cette prison étant lui-même franc-maçon, permettait assez régulièrement à ses prisonniers de sortir en ville en sa compagnie pour assister à leurs réunions maçonniques. La chose s’étant ébruitée, le roi fit transférer les quatre Sergents à Paris.

Ne voulant pas dénoncer leurs chefs, malgré des pressions et des promesses de grâce qui leur avaient été faites, ils paieront pour ces derniers au rang desquels figurait le célèbre Marquis de LA FAYETTE. Accusés de complot, ils sont traduits devant la cour d'assises de la Seine, condamnés à mort et guillotinés le 21 septembre 1822 en place de Grève à Paris.

                                       La Fayette                                            Lecture de l’acte d’accusation des 4 sergents de La Rochelle

Cette exécution provoqua l'émoi de l'opinion publique, choquée par la sévérité des juges. Les journaux libéraux et les jeunes artistes romantiques dénoncèrent le sort fait à de simples militants devenus des martyrs.

Les traces de leur passage dans la Tour de La Rochelle sont encore visibles et leur geôle donne lieu à de véritables pèlerinages. Il existe une importante iconographie à leur sujet et de nombreuses chansons dites populaires leur ont été consacrées.

Un demi-siècle après la décapitation des quatre jeunes hommes, des vengeurs profiteront des troubles de la Commune pour assassiner le mouchard qui avait dénoncé ses camarades pour sauver sa propre tête : un certain GOUPILLON, ancien sergent, qui allait alors sur ses quatre-vingts ans.

En 1822, par la voix du Frère Jules VERNHES, le rite avait refusé son intégration forcée au sein du Grand Orient de France qui par son avocat Jean MALLINGER, battit tous les records de méchanceté, allant jusqu'à dénoncer le rite de MISRAÏM et provoquer des perquisitions ainsi que des poursuites contre ce rite et ses adeptes, afin de rendre à ce dernier toutes existences impossibles. Pour comprendre les raisons des persécutions   dont   il   est   l'objet,   il   faut   se   rappeler   que   sous  la

      Exécution des quatre Sergents de la Rochelle               restauration, la franc-maçonnerie était une institution mondaine.

                          en place de Grève                                            En refusant l'intégration au Grand Orient de France, le Rite de MISRAÏM avait attiré les opposants et mis en échec la politique de son Grand Maître, le maréchal MAGNAN ...

Maréchal Bernard Pierre MAGNAN Grand Maître du Grand Orient de France 1862/1865

Le 13 août 1822, s’adressant au Préfet du Bas Rhin, le grand Orient de France, par l’intermédiaire de journalistes dont le dénommé Jean Marie RICHARD, membre de l’Académie des Sciences, fut à l’origine de la diffamation, de la persécution et des dénonciations des BEDARRIDE, des Misraïmites et du Rite de MISRAÏM comme « ennemi de l’Etat, de l’Autel et du Trône ».

 

Texte de la dénonciation

 

Monsieur le Préfet, Il s’est formé, depuis quelques années, dans la capitale, une nouvelle maçonnerie connue sous la dénomination de Puissance de Misraïm, absolument étrangère au Grand Orient de France, et dont la tendance est évidemment révolutionnaire. Les informations dont elle a été l’objet, assurent que l’association a fondé un grand nombre de loges dans la plupart des départements et qu’elle met ainsi beaucoup d’activité à se propager. Jusqu’ici le département du Bas Rhin paraissait avoir échappé au zèle des propagandistes, mais il résulte des renseignements qui me parviennent que cette présomption n’était pas fondée, et qu’au contraire la ville de Strasbourg et plusieurs autres villes du département comptent un grand nombre de loges qui se font remarquer par l’activité de leurs travaux.

J’ai lieu de croire que les premières loges du Bas Rhin ont été fondées par un les Frères Bédarrides (Ils sont au nombre de trois) qui résident à Paris, et qui voyagent ordinairement sous la qualification de négociant, ou de «  » marchande. C’est la seule indication que je puisse vous donner quant à présent. S’il me parvient par la suite quelque renseignement plus précis, j’aurais plaisir de vous les communiquer.

J’attache beaucoup d’intérêt à connaître les loges qui peuvent exister dans le Bas Rhin, et les personnes qui les dirigent. Si la recherche que je vous prie de prescrire produisait quelques résultats vous m’en donnerez communication sans le moindre retard.

 

 

ORIGINAL DE LA DENONCIATION
AU PREFET DU BAS RHIN LE 13 AOÛT 1922

 

Le Rite eut même des ennemis outre-Manche. On aurait pu penser que la Grande Loge d’Irlande, était animée d’excellentes intentions envers le rite lorsque le Grand Maître le Duc de LEINSTER ainsi que son adjoint, John FOWLER se font initier au 90e degré de MISRAÏM, le 21 février 1821. Le Grand Hiérophante Michel BEDARRIDE les aida même à constituer un Conseil complet de 17 membres tous élevés au 77e. En réalité, ils ne cherchaient pas à poursuivre une voie initiatique et ésotérique, mais comme ils ne le cachaient nullement, ils s’étaient fait initier « … visiblement en vue de garder le Rite sous contrôle et de le laisser mourir d’inanition. »

Même perfidie du côté de la blonde Albion. Le Grand Maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre, le Duc de SUSSEX, reçut le 90e degré du Rite de MISRAÏM et fut investi des pleins pouvoirs pour l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande. Il figurait, dans la liste des membres de MISRAÏM pour l’année 1821-22, à côté du Duc d’ATHOLL, un ancien Grand-maître de la Grande Loge des Anciens ou des Schismatiques. Il fallait tuer le Rite.

En France, le Rite fut interdit par la police de la restauration qui ferma la dizaine de Loges qui le composait et confisqua une grande partie de ses archives, qui se trouvent aujourd’hui aux Archives Nationales. C’est pourquoi certains dignitaires misraïmites parisiens eurent laannées 1818, faiblesse de renoncer à certains de leurs grades supérieurs et tentèrent de se mettre au pas volontairement, en donnant aux matérialistes qui les critiquaient des gages de conformisme athée véritablement déplorables — à ce prix, ils se firent facilement reconnaître.  

Cf. Claude-Antoine THORY : « Acta Latomorum», tome 2 ; cf. années 1818,

                             Le Duc de Sussex                                 1819, 1821, 1822, 1836, où des exclusives, dénonciations, saisies eurent lieu en France et aux Pays-Bas. Cf. l'intéressante étude parue en avril-mai 1935 dans le « Bulletin Mensuel des Ateliers Supérieurs du Suprême Conseil de France » — 8, rue Puteaux, Paris — numéros 4 et 5, sous la plume du Frère Fernand Chapuis, sur l'histoire et les tribulations de la loge misraïmite de Besançon, en 1822. Il signale qu'en 1822, le rite avait en tout en France 73 ateliers de grades divers, notamment à Paris 7 loges et 15 Conseils. Cf. Rite Oriental de Misraïm ou d'Egypte.

Le frère MORRISON de GREENFIEL (1780-1849) joua un rôle notable dans l'histoire du Rite Oriental de MISRAÏM. Originaire d'Écosse, ancien médecin militaire des armées britanniques pendant les guerres napoléoniennes, il s'établit à Paris en 1822. Passionné par les hauts grades maçonniques, il fut dignitaire de tous les systèmes de hauts grades existant à l'époque à Paris et contribua à la reconstitution du rite.

Le 24 juin 1822, le journaliste Jean Marie RICHARD, sous sa robe de Grand Orateur du Grand Orient de France, jugea opportun de rappeler que MISRAÏM avait été présenté au Grand Orient par des frères qui, prévoyant l’abus qu’on se disposait d’en faire, crurent qu’il serait avantageux, pour l’autorité maçonnique de l’adopter. Il s’attira cette réponse, plus que juste de la part du Frère Jean François VERNHES de Montpellier, 87e de MISRAÏM, éditée dans son livre sur la, Défense de MISRAÏM et quelques aperçus sur les divers Rites maçonniques en France,

 

 

Défense du rite de Misraïm par Jean François VERNHES (1822)

 

 

GLOIRE AU TOUT-PUISSANT.

SALUT SUR TOUS LES POINTS DU TRIANGLE,

RESPECT A L'ORDRE.

 

A tous les Maçons de tous tes rites. « Depuis longtemps la calomnie s'est déchainée contre L'ordre de Misraïm ; des discours virulents ont été prononcés dans le Grand-Orient, des circulaires ont été lancées par lui. Si rien n'a été répondu, jusqu'à ce jour, à toutes ces diatribes, c'est que, forts de leur conscience et de leur dévouement au gouvernement, les enfants de Misraïm dédaignaient ces odieuses diffamations, dont tout le blâme devait retomber sur ceux qui en faisaient retentir les voûtes des temples maçonniques.

Mais les calomniateurs, enhardis par le silence des Misraïmites, sont parvenus à inspirer des soupçons à l'autorité civile. La saisie des archives a eu lieu sur plusieurs points de nos vallées, et le public, instruit de ce fait par les journaux, a pu croire un moment que les maçons Misraïmites étaient des ennemis de l'État de vrais conspirateurs. Or, comme il appartient à un enfant de défendre l'honneur de sa famille et d'empêcher qu'aucun doute ne s'élève sur les intentions de ses membres, nous avons pensé que le meilleur moyen d'y parvenir était de faire imprimer une réponse au discours de l'orateur du Grand-Orient, afin de rendre tous les maçons juges de la conduite de leurs Frères, les Misraïmites et de celle des Grands Orientistes.

Très Illustres Frères, pour répondre victorieusement et en peu de mots au discours du Frère Jean Marie Richard, il suffirait de transcrire ici, et en regard des divers paragraphes qui le composent, les définitions des vertus maçonniques ; les voici : elles y formeront un bien singulier contraste. –

La première de ces vertus est la tolérance –

La deuxième, la vérité –

La troisième, l'humanité –

La quatrième, la bienfaisance –

La cinquième, la fraternité.

Or, rien n'est moins tolérant que les principes contenus dans 1e discours du Frère Richard.

Rien n'est moins vrai que les faits qu'il y avance.

Rien de moins humain que ses vagues et mensongères accusations. Rien de moins bienfaisant que sa fausse bienveillance.

Rien de moins fraternel que ses perfides délations.

Mais entrons dans quelques détails qui feront encore mieux ressortir l'absurdité des divagations du Frère Jean Marie Richard.

La maçonnerie, dit-il, est seulement tolérée en France ; donc le Grand-Orient est la seule autorité maçonnique légitime. C'est un bien grand abus du mot si respectable de légitimité, que de l'appliquer à une seule autorité maçonnique ; mais passons sur cet excès d'inconvenance. En raisonnant d'une manière tout opposée à celle du Frère Richard, nous sommes sûrs de raisonner juste. Or, il est bien évident que dès que le gouvernement ne fait que tolérer la maçonnerie, toute autorité maçonnique qui n'est pas spécialement défendue par le gouvernement, est aussi légitime que le Grand-Orient. Les réunions qu'il tient sous sa dépendance, ajoute-t-il, les Loges qui se conforment à son rit sont les seules dont il veuille être responsable. Mais cette responsabilité n'est-elle pas purement morale et les diverses puissances maçonniques des autres rites n'offrent-elles pas à l'autorité civile une semblable garantie pour toutes les Loges et Conseils qui dépendent d’elles ?

D'ailleurs, pourquoi toutes ces vaines distinctions, ces subtilités insidieuses ? Tous les ordres maçonniques ont un but commun, tous doivent avoir pour base la tolérance, cette vertu sublime qui est le guide de tous les maçons : voilà leur vrai centre, leur point d'union. C'est à ce principe qu'ils doivent se rallier, et non à une seule et unique puissance qui, de son autorité privée, veut faire courber tous les maçons sous son joug, et qui, semblables à ces faux dévots qui crient au blasphème et lancent l'anathème contre ceux qui n'adorent pas Dieu à leur manière, voudrait voir crouler tous les temples à l'édification desquels elle n'a pas contribué.

La maçonnerie est une, quel que soit d'ailleurs le rit que l'on y professe. Les mystères diffèrent entre eux ; mais le fond, le but, les effets sont tout-à-fait les mêmes. Tous les maçons reconnaissent une suprême intelligence, respectent le gouvernement et se soumettent aux lois de leur pays ; et si quelque Maçon s'est écarté de ces principes, ce n'est pas dans l’ordre de Misraïm qu'on peut le trouver.

 Le discours du Frère Richard est plus qu'intolérant, il est délateur ; car il cherche à déverser le blâme sur tous les rites étrangers au Grand-Orient, à exciter la haine contre eux, à appeler plus particulièrement l'attention du gouvernement sur celui de Misraïm, qu'il se plaît à dénigrer et à dénoncer. Lui Frère Richard qui, pour être élevé au 81e degré dans ce même ordre, a, malgré ses hauts grades dans le Grand- Orient, prêté serment de fidélité en ces termesP:

« Je, Jean-Marie Richard, âgé de 59ans, natif de Coucy-le-Château, Souverain Grand-Prince du 77° degré du rit maçonnique de Misraïm, jure, promets et m'engage, sur la foi de mes précédentes obligations, sur mon honneur, sur le livre sacré de la loi et entre les mains du Supérieur Grand-Conservateur de l’ordre maçonnique de Misraïm et de ses quatre séries pour la France, des Souverains Grands Princes ici présents, de ne jamais communiquer à aucun maçon des degrés inférieurs, ou appartenant à un autre rit, les mystères de la 4e série qui me seront communiques, dût-il m'en coûter ma fortune et ma vie: promettant en outre la fidélité la plus absolue au rit de Misraïm, que je n'abandonnerai en aucun temps, même dans le cas où cette condition me serait imposée par tout autre rit dans lequel je suis ou pourrais être agrégé, m'obligeant à renoncer plutôt au rit qui me prescrirait de me séparer de celui de Misraïm, auquel je jure à jamais le plus inviolable attachement et obéissance à ses statuts généraux, me soumettant, en cas d'infraction, à la honte et au déshonneur que mérite le parjure. Fait et signé, sur mon honneur et conscience, à la Vallée du Monde, sous un point fixe de l'étoile polaire, répondant au 48° D. \ 50 m. \ 14 S. Lat. \ septent. \ À « L’O.de Paris, le 14e jour du 1er mois, anno lucis 5816 (14 mars 1816). « Signé, RICHARD. »

Ceci n'est point de la calomnie, Frère Richard ! C’est une vérité palpable, c'est une pièce existante, écrite en entier de votre main, consentie de votre libre volonté, signée de vous, et déposée dans les archives de la puissance suprême de Misraïm ; et, si vous osiez la démentir, on pourrait en faire imprimer le fac-similé, et renvoyer à tous les Ateliers maçonniques.

Et c'est vous, Frère Richard, vous qui, en 1816, avez sollicité la faveur d'être promu au sublime grade du 81° degré, c'est vous, Frère Richard, qui trahissez aujourd'hui tous vos serments, et devenez le dénonciateur de l'ordre de Misraïm ! C'est vous qui le calomniez et le dénoncez comme troublant le repos des magistrats ! Vous lancez les anathèmes contre un rit qui vous a accueilli fraternellement et qui vous avait assigné une place distinguée et honorable parmi ses membres !

Pour confondre toutes vos calomnies et répondre à tous vos mensonges, Frère Richard, il suffira de faire connaître à tous les maçons ce que vous-même feignez d'ignorer, en prétendant que Misraïm s'est réuni aux débris des deux sociétés écossaises.

Depuis longtemps l'ordre de Misraïm était connu en France, et il existait même des Misraïmites, parmi les fiers disciples du Grand Orient. C'est en 1803, que, sous la protection des lois, ces Frères, se constituèrent en France, et quoique ce ne soit qu'en 1813, que les travaux du 70 degré aient été régularisés, ce Souverain Conseil, dans lequel vous avez, par la suite, prêté votre premier serment, existait bien longtemps avant qu'il fît la brillante acquisition du Frère Richard, et heureusement, la destinée de Misraïm ne dépend pas de l'absence ou de la présence de ce Frère

Bientôt, et peu à peu, divers temples se sont élevés, non sur de mobiles pyramides égyptiennes, mais sur des colonnes vraiment maçonniques. Les bases en sont inébranlables, impérissables, car ce sont les vertus elles-mêmes.

Vous ne savez plus quel nom donner à une société, de laquelle vous ayez désiré faire partie, et à laquelle vous avez prêté serment ! Quelle inconséquence de votre part, ou bien quelle mauvaise foi !!! Quel est donc votre aveuglement, Frère Richard, et comment tant de fiel entre-t-il dans l'âme... d'un maçon, orateur du Grand-Orient ?

 Mais tâchons de vous remettre sur la voie :  

En 1816, divers membres du Grand-Orient, au nombre desquels vous étiez, Frère Richard, sollicitèrent la faveur d'être initiés à nos mystères, et c'est ensuite qu'ils proposèrent individuellement une réunion au Grand-Orient. Mais les membres de la Puissance suprême connaissaient le concordat passé, en 1804, entre le Grand-Orient et le suprême Conseil écossais, et surtout la manière indécente avec laquelle il avait été rompu en 1805, époque à laquelle les membres du Grand-Orient, au mépris des devoirs les plus sacrés, violèrent le serment solennel qu'ils avaient prêté.

Ce fait est malheureusement trop fameux dans les annales maçonniques. Lorsque vous prétendez l'ignorer, Frère Richard, vous en imposez à votre propre conscience, et si votre mémoire oublie les faits, comme votre cœur oublie vos serments, vous pourrez du moins réparer le tort de celle-là, en consultant la brochure intitulée : Extrait du cinquième cahier de l'Encyclopédie maçonnique, etc., par le Frère Chemin-de-Pontes, page 358 et suivantes.

La connaissance de ce fait fut suffisante pour éclairer les vrais Misraïmites sur les vues ambitieuses du Grand-Orient. Les propositions verbales qui furent faites à quelques-uns d'entre eux furent repoussées avec indignation, et Misraïm resta dans toute sa pureté. Nous pouvons vous porter le défi, Frère Richard, de produire ou même de citer une seule démarche officielle faite par la Puissance suprême, auprès du Grand-Orient, pour qu'une semblable fusion s'opérât, à moins que cette démarche ne fût l'œuvre de quelques parjures ou transfuges de votre espèce qui, sans aucune instruction, sans aucun pouvoir, se seraient arrogés cette mission.

C'est dès lors que vous et les vôtres n'avez cessé d'attiser les brandons de la discorde, et d'exciter à la guerre les paisibles maçons; mais vos efforts ont été vains : la Puissance suprême est restée calme, et ses enfants, ralliés autour de l'autel sacré, ont adressé leurs vœux au Tout-Puissant pour qu'il dissipât vos erreurs, et fit cesser votre aveuglement.

Mais, dites-vous, le 27e jour, 10e mois 5811, le Grand-Orient a pris un arrêté en 7 articles par lequel, etc.

Et de quel droit, s'il vous plaît, le Grand-Orient a-t-il agité la question d'adopter un rit qui ne lui a pas été offert ? D'où émanent ses pouvoirs ? Quels sont ses titres pour se déclarer ainsi le chef suprême de toute la maçonnerie en France ? S'il eût été bon père de famille, ii n'aurait pas été abandonné par ses propres enfants, il ne chercherait pas à ravir ceux des autres.

Vous prétendez que le Grand-Orient n’a pas voulu de nous ! Si cela était, il n’aurait fait que devancer nos désirs, car nous n’avons jamais voulu de lui. Si cela était, il n’aurait pas accueilli avec empressement la plupart des Frères qui, pour délits maçonniques, avaient été repoussés de notre sein.

Désespérant de rompre la chaîne maçonnique des enfants de Misraïm, le Grand-Orient, ou pour mieux dire, les meneurs de cette puissance, se disant seule légitime, ont attaqué tous ceux qu’ils n’avaient pu séduire, ont calomnié tous ceux qu’ils n’avaient pu convaincre ; leur rage s’est exaltée contre le rit Ecossais et contre celui de Misraïm.

C’est à l’Ecossisme à défendre sa cause ; les membres de ce Suprême Conseil sont doués d’assez de lumières et de vertus pour lutter victorieusement contre le Grand-Orient. L’attachement et l’affection toute fraternelle que nous portons aux Respectables et Illustres Frères Ecossais n’avaient pas besoin d’être cimentés par la haine commune dont le Grand-Orient nous gratifie. Nous marchons avec eux dans la plus parfaite harmonie ; mais aussi nous prospérons, chacun de notre côté, dans la plus absolue indépendance les uns des autres.

La prétendue fusion de ces deux rites n’est donc qu’une fable de plus, inventée par vous Frère Richard.

On doit cependant vous savoir quelque gré, Frère Richard, de la grande faveur que vous nous faites en convenant que le rit de Misraïm ne présente à la vérité rien de répréhensible, et qu'il renferme des principes de morale et de philosophie.

Mais comment allier cette charité, cette apparente douceur, dont vous faites tant d'ostentation, avec les injures et les outrages dont vous blessez sans cesse vos propres Frères. Votre fausse bienveillance n'est donc que de l'hypocrisie, et celle-ci vient tout naturellement au secours de la calomnie.

Vous accusez les membres de la puissance suprême de ne pas connaître ce qu'ils prétendent enseigner ?

Mais vous, Frère Richard, savez-vous bien ce que vous vous mêlez de professer ?

Êtes-vous aussi bon maître d'école dans le monde profane, que vous êtes bon rhéteur en maçonnerie ? Professez-vous la logique, Frère Richard ? Ah ! Dieu garde vos élèves de faire des progrès sous votre direction. Vous fausseriez leur judiciaire, vous n'en feriez que des pédants, des cuistres et des dénonciateurs. Et, en effet, ne dénoncez-vous pas vos Frères Misraïmites comme éveillant les soupçons des magistrats, et se faisant emprisonner journellement ? Sommé de fournir les preuves d'un tel fait, pourriez-vous les administrer ? Et ne tremblez-vous pas d'être honteusement démenti par ceux qui peuvent vous prouver qu'au lieu d'être incarcérés, tous les maçons Misraïmites ont été reçus partout de la manière la plus fraternelle ?

Si du moins, vous étiez conséquent dans vos inventions, vous ne retomberiez pas sans cesse dans des contradictions manifestes, vous n'auriez pas affirmé avec tant d'assurance que les cahiers du premier rit de Misraïm n'existaient pas, pour déclarer ensuite effrontément qu'ils étaient en votre possession, que nous n'en avions que des copies. Le contraire serait bien plus vrai, Frère Richard ? Et avouez même, que si vous en avez des copies, le moyen par lequel vous les avez eues n'est pas trop licite, et que cette manière de s'instruire n'est pas celle d'un franc-maçon.

C'est avec la même impudeur que vous niez l'existence de nos 90 degrés, tandis que votre Grand-Orient, qui, pour vous, doit être l'oracle suprême, a proclamé par sa circulaire du 27e j.\ 10e mois 5817, que de ces 90 degrés, il en possédait au moins 68.

Vous désignez les délégués Misraïmites comme des êtres rapaces qui vendent à tous prix ces 90 degrés ; vous prétendez qu'ils recrutent leurs adeptes dans les lieux publics ; vous comparez leur style emphatique à celui de Cagliostro ; enfin, vous cherchez par tous les moyens possibles à ridiculiser une association maçonnique dont vous fîtes partie, et peut-être par cela seul que vous n'êtes plus digne d'y figurer. Mais répondez franchement à cette question (si toutefois cela vous est possible) : Comment le Grand-Orient fait-il pour payer son local, et solder ses secrétaires ? Les meneurs de sa HAUTE PUISSANCE fouillent sans doute dans leur poche, et, par une suite de cette même générosité, toutes les loges et tous les maçons de leur dépendance, reçoivent gratis les lettres constitutives, diplômes, instructions, etc., etc. Qu'en dites-vous, Frère Richard ?

Malheureusement on sait le contraire, et l'on pourrait citer des Loges qui se plaignent d'avoir envoyé des fonds, et de n'avoir jamais reçu du Grand-Orient les objets qu'ils avaient demandés.

Beaucoup plus francs que vous, nous vous dirons : que nos chargés de pouvoir, qui, par une double ironie bien déplacée, sont qualifiés par vous de missionnaires, ont créé sur les divers points du triangle des loges et des conseils, composés en grande partie de maçons très éclairés que l'intolérance du Grand-Orient a éloignés de son sein ; que les néophytes admis par eux à nos mystères ont toujours été choisis parmi des hommes dont la morale et la probité étaient à toute épreuve ; que tous ces Frères ont payé le juste tribut administratif de l'ordre ; mais qu'en échange, la Puissance Suprême a accompli envers eux tous ses engagements, et que chaque jour, ces Frères se félicitent de leurs relations maçonniques avec elle.

A quoi tendent donc, Frère Richard, toutes ces vagues diffamations ? Auriez-vous cru, par hasard, qu'en nous désignant pour victimes, vous échapperiez au sacrifice ? C'est là le rôle du délateur, vous en seriez-vous chargé ? Et comment n'avez-vous pas senti qu'en voulant renverser les temples de Misraim, vous ébranliez vous-même les colonnes de votre Orient. Le gouvernement est trop juste pour ne pas protéger ou frapper également.

Si tel a été votre aveuglement, Frère Richard, si dominé par le fatal esprit de secte, vous avez espéré susciter contre nous une persécution spéciale, votre but a été rempli en partie et vous devez avoir éprouvé une certaine satisfaction, en voyant que vos calomnies et vos diffamations ont en effet éveillé l'attention de l'autorité civile et lui ont inspiré des soupçons contre nous; mais votre joie ne sera qu'éphémère ; modérez-en les transports; ne vous enorgueillissez pas du succès. Nouveau Jupiter-Scapin, vous croyez peut-être avoir foudroyé Misraïm, et vous avez, au contraire, préparé son grand triomphe.

C'est dans le temple de la justice que l'on compulse les papiers nombreux qui appartiennent à notre ordre, leur examen prouvera la pureté de nos actions, l'antiquité de notre institution, la régularité de nos travaux, la tolérance qui accompagne toutes nos actions, notre dévouement aux lois et au gouvernement paternel qui nous régit.

Croyez cependant que, rentrés en possession de ces mêmes papiers, et rendus au libre exercice de leurs mystères, les Misraïmites n'en seront ni plus vains ni moins tolérants. Si même, les membres du Grand-Orient, revenus de leurs erreurs, renoncent à leur système oppressif et tyrannique, les enfants de Misraïm, qui ne les ont jamais exclus de leurs temples, les verront avec plaisir se rapprocher d'eux et dans leurs épanchements mutuels, renoueront avec une douce satisfaction la chaîne d'union qu'ils n'ont jamais rompue, et qui doit resserrer les liens de la fraternité maçonnique.

Voilà nos vœux ; puissent-ils se réaliser ! Puissions-nous voir les maçons de tous les rites, éclairés du flambeau de la vérité, prospérer sous les lois de la tolérance et de la charité fraternelle, et adresser des concerts de louanges au Tout-Puissant, pour qu'il répande ses bénédictions sur nos travaux, qui n'ont pour but, que la gloire de son nom, la pratique des vertus, et le bien de l'humanité.

 

Alleluya           Alleluya          Alleluya

     VERNHES, 87e

 

Le 7 septembre 1822, Marc BEDARRIDE fut gratifié d’une perquisition en règle, à son domicile du 20 de la rue des jeûneurs ; le 9 octobre, les archives de la loge de Besançon furent confisquées, et la même scène se reproduisit dans quelques villes de France ; perquisitions chez les principaux dignitaires et confiscation des archives des Loges. Ces Loges ne sont d’ailleurs jamais bien importantes, quoi qu’elles soient nombreuses. En 1822 on en compte 22 pour la seule capitale, 6 à Lyon, 6 à Metz, 5 à Toulouse, 3 à Bordeaux, et une au moins dans les départements des Ardennes, du Bas-Rhin, de la Meurthe, du Doubs, du Nord, de la Loire, du Puy de Dôme, de la Loire Inférieure, de l’Isère, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l’Hérault, de l’Aude, du Tarn-et-Garonne. En Suisse, Lausanne et Genève en abritent chacune trois.

Le Rite Oriental de MISRAÏM, dénoncé aux forces de police comme un repaire de séditieux, « antimonarchiques et anti-religieux », prêts pour l'insurrection, devint l'espace de rencontre de tous les opposants au régime, ce qui entraîna progressivement son déclin.

Le 18 janvier 1823, le tribunal correctionnel condamna Marc BEDARRIDE à une amende pour infraction aux articles 291 et 292 du Code pénal, interdisant les réunions de plus de vingt personnes sans autorisation, et prononça la dissolution de l’Ordre de MISRAÏM qui entra en sommeil durant quelques années.

Le 18 janvier 1823, une perquisition chez le Frère Jean François VERNHES, à Montpellier, avait permis de découvrir des documents anticléricaux. Les autorités confisquèrent une grande partie de ses archives, qui se trouvent aujourd'hui aux Archives Nationales. C’est pourquoi, entre autres, que le Rite fut dissout, probablement en raison des sympathies napoléoniennes des frères BEDARRIDE, demi-soldes de l'armée impériale.

Sans doute, au moment où NAPOLEON avait fait sa campagne d'Egypte, l'on savait encore très peu sur la religion, l'écriture, le symbolisme de l'ancienne Egypte : CHAMPOLLION n'avait pas encore découvert la clé des hiéroglyphes : il ne devait faire sa première et sensationnelle communication sur l'alphabet égyptien qu'à la date du 17 décembre 1822. Que connaissait-on de l'Egypte à cette époque? De véritables fables couraient sur elle ; ses initiations sacerdotales étaient décrites de façon romanesque et invraisemblable ; deux Allemands, pleins d'imagination, von KÔPPEN et von HYMMEN avaient lancé depuis 1770 un rite théâtral, appelé: Crata Repoa, qu'ils traduisaient fort faussement par : Silence des Dieux, où l'initiation antique qui se donnait dans la Grande Pyramide était « fidèlement reproduite » par une réception symbolique à sept degrés successifs (Pastophore ; Néocore ; Mélanophore ; Christophore ; etc.) d'une lamentable fantaisie. Deux Français, BAILLEUL et DESETANGS devaient en diffuser une version française en 1821.

De son côté, l'abbé TERRASSON avait déjà montré la voie, dans son roman initiatique : Sethos. Cf. une version française des Crata Repoa dans la revue HIRAM, dirigée par le Dr PAPUS, fascicules 4 à 7 du 1er avril 1909 au 1er juillet 1909, Paris ; un résumé détaillé. La « mode » des initiations « à l’égyptienne » avait d'ailleurs conquis Paris et devait provoquer l'inquiétude, puis la réaction sévère des autorités maçonniques de l'époque.

De tout temps, les « Arcanes » des quatre derniers degrés s’étaient transmis de façon régulière. Pouvait-on lire dans une revue de vulgarisation destinée au monde profane, esquissé en ses grandes lignes un bref résumé de ce qui pourrait s’appeler : la philosophie de ce Rite ? C’eut sans doute été une œuvre nécessaire car précisément Misraïm se distinguait des autres Ordres maçonniques par la richesse de son enseignement ésotérique. Un simple coup d'œil sur son organisation et sur son symbolisme suffisait à définir son caractère.

1) Ses statuts authentiques — ceux de 1818 — montraient que cet Ordre était basé, non sur le nombre mais sur la sélection ; non sur le vote de la masse mais sur l'autorité de ses instructeurs. Le Grand-Maître, Souverain Grand Conservateur Général du Rite, Puissance Suprême, avait tout pouvoir dogmatique et administratif au sein de l'Ordre. Il était son régent, ad vitam. Tout membre du 90e degré pouvait être initié individuellement et sous sa propre responsabilité à tous les degrés successifs de l'Echelle du Rite. Au premier degré, un vote était exigé de l'atelier sur toute candidature de profane qui lui était soumise, la majorité étant requise pour qu'une admission soit agréée. Cette organisation était conforme aux traditions initiatiques. L'Hiérophante était le Père et l'instructeur de ses enfants spirituels. Il ne dépendait pas d'eux, ce n’étaient pas les enfants qui élisaient leurs parents. Ses collaborateurs  directs,  titulaires  du  dernier  degré,  avaient  le  pouvoir  d'initiation

individuelle, en dehors de tout temple et de toute organisation. C'était là le précieux principe de l'Initiation Libre, qui avait permis tant de diffusion à d'autres Fraternités initiatiques, telles que le Pythagorisme et le Martinisme.

2) Ses symboles particuliers ne manquent pas d'intérêt : on y retrouve: d'une part le Triangle rayonnant, d'autre part, le secret des Pythagoriciens, ainsi que le double Carré — Matière-Esprit — tous emboîtés les uns dans les autres. Les trois mondes sont symbolisés par trois cercles concentriques. La Kabbale y est représentée par l'Echelle de Jacob et les tables de la Loi, le courant égypto-hellénique, par le dieu-Bélier Amon et l'Olivier sacré.

3) Ses enseignements n’étaient pas seulement un compendium traditionnel des Vérités de l'ésotérisme. Ils conféraient de véritables secrets et assuraient un Lien vivant avec l'Invisible. Le parallélisme entre certains passages des Arcana et les traditions du rituel de CAGLIOSTRO était étonnant : par exemple : le 89e degré de Naples donnait, dit Jean Marie RAGON, une explication détaillée des rapports de l'homme avec la Divinité, par la médiation des esprits célestes. Et il ajoutait : « Ce grade, le plus étonnant et le plus sublime de tous, exige la plus grande force d'esprit, la plus grande pureté de mœurs, et la foi la plus absolue. »

 

 

 

       Le grand sceau du rite de Misraïm,

              édité à Bruxelles en 1818

 

Ecoutons maintenant CAGLIOSTRO :

 

« Redoublez à vos efforts pour vous purifier, non par des austérités, des privations ou des pénitences extérieures ; car ce n'est pas le corps qu'il s'agit de mortifier et de faire souffrir ; mais ce sont l'âme et le cœur qu'il faut rendre bons et purs, en chassant de votre intérieur tous les vices et en vous embrasant de la vertu. II n'y a qu'un seul Etre Suprême, un seul Dieu éternel. Il est l'Un, qu'il faut aimer et qu'il faut servir. Tous les êtres, soit spirituels soit immortels qui ont existé, sont ses créatures, ses sujets, ses serviteurs, ses inférieurs. Etre Suprême et Souverain, nous vous supplions du plus profond de notre cœur, en vertu du pouvoir qu'il vous a plus d'accorder à notre initiateur, de nous permettre de faire usage et de jouir de la portion de grâce qu'il nous a transmise, en invoquant les sept anges qui sont aux pieds de votre trône et de les faire opérer sans enfreindre vos volontés et sans blesser notre innocence. »  Jean Marie Ragon : Tuileur universel, page 307, 1856. 23 Cf. « Rituel de Cagliostro », pages 54, 55, 61, 62.

Ces rituels tendaient tous au même but : purifier les assistants ; les plonger dans une vivifiante ambiance spirituelle ; les mettre en relation et en résonance sur les plans supérieurs à la débilité humaine ; les charger des grâces d'En-Haut. C'était là, au fond, reprendre tout ce que le vieux courant égypto-grec avait enseigné à ses prêtres : Apollon descendait à Delphes et inspirait la Pythie ; Amon-Ra descendait à Thèbes et animait son image ; l'Invisible touche le visible, dans une osmose ineffable. Tel n'était-il pas le seul, l'immense, l'indicible effet de l'Initiation véritable ? Donner à la vie un sens. Mener l'initié à la communion avec le Cosmos. Le ramener à sa Patrie céleste. Et si les rites modernes n'avaient pas la puissance et le rayonnement des liturgies antiques, ils avaient cependant cet avantage précieux de nous mettre sur le chemin de la Vérité et de nous donner une joyeuse confiance en nos destins...

Jean MALLINGER, Avocat à la Cour d'Appel de Bruxelles, précise que l’enseignement des Arcana arcanorum est totalement étranger aux doctrines du Régime de Naples ; c'est celui inséré au 3e degré d'adoption de CAGLIOSTRO où il donne (cf. pages 140-142) les détails pratiques d'une opération, devant durer quarante jours et provoquer un rajeunissement complet de tous les organes physiques de l’adepte ! C'est là, évidemment, un symbole, que les gens crédules ont cru bon de prendre à la lettre : non seulement, aucun d'eux n'a pu réussir cette cure « d'élixir de longue vie » mais CAGLIOSTRO lui-même a avoué un jour n'avoir jamais expérimenté ni réussi la méthode, dont il se faisait le propagandiste ! (Cf. Vie de Balsamo, page 206, 1791.) Les plus belles prières des Rites égyptiens.

 

Invocation pour l'ouverture des travaux au premier degré 

« Puissance Souveraine qu'on invoque sous des noms divers et qui règnes seule, Tout-Puissant et immuable, Père de la Nature, Source de la Lumière, Loi Suprême de l'Univers, nous Te saluons ! » Reçois, ô mon Dieu, l'hommage de notre amour, de notre admiration et de notre culte ! » « Nous nous prosternons devant les Lois éternelles de Ta Sagesse. Daigne diriger nos Travaux ; éclaire-les de Tes lumières ; dissipe les ténèbres qui voilent la Vérité et laisse-nous entrevoir quelques-uns des Plans Parfaits de cette Sagesse, dont Tu gouvernes le monde, afin que, devenus de plus en plus dignes de Toi, nous puissions célébrer en des hymnes sans fin l'universelle Harmonie que Ta Présence imprime à la Nature. » Extrait de : Le Sanctuaire de Memphis, par le Frère Jean Etienne Marconis de Nègre, pages 62-63, Paris, Bruyer, 1849. II.

 

Prière de clôture des travaux au premier degré

 « — Dieu Souverain, qu'on invoque sous des noms divers et qui règnes seul, Tout-Puissant et immuable, Père de la Nature, Source de la Lumière, Loi suprême de l'Univers, nous Te saluons ! » « Pleins de reconnaissance pour Ta Bonté infinie, nous Te rendons mille actions de grâces, et au moment de suspendre nos travaux, qui n'ont d'autre but que la gloire de Ton Nom et le bien de l'humanité, nous Te supplions de veiller sans cesse sur Tes enfants. » « Ecarte de leurs yeux le voile fatal de l'inexpérience ; éclaire leur âme ; laisse-leur entrevoir quelques-uns des Plans Parfaits de cette Sagesse, avec laquelle Tu gouvernes le monde, afin que, dignes de Toi, nous puissions chanter avec des hymnes sans fin Tes ouvrages merveilleux et célébrer, en un chœur éternel, l'universelle Harmonie que Ta Présence imprime à la Nature. » « Gloire à Toi, Seigneur, gloire à Ton Nom, gloire à Tes Œuvres ! » Id. : page 102. III. Prière d'ouverture du Souverain Chapitre « Seigneur, Père de Lumière et de Vérité, nos pensées et nos cœurs s'élèvent jusqu'au pied de Ton trône céleste, pour rendre hommage à Ta Majesté Suprême.» « Nous Te remercions d'avoir rendu à nos vœux ardents Ta Parole vivifiante et régénératrice : Gloire à Toi ! » « Elle a fait luire la Lumière au milieu des ténèbres de notre intelligence : Gloire à Toi ! » « Accumule encore Tes dons sur nous et que, par la science et par l'amour, nous devenions aux yeux de l'univers, Tes parfaites images !» Id. : page 135 IV.

 

Prière de clôture du Souverain Chapitre

« Dieu Souverain, Ta bonté paternelle nous appelle au repos. Reçois l'hommage de notre reconnaissance et de notre amour. Et pendant que le sommeil fermera nos paupières, que l'œil de l'âme, éclairé de Tes splendeurs, plonge de plus en plus dans les profondeurs de Tes divins Mystères ! » Id. : page 137. V.

 

Prière sur un initié

« Mon Dieu, créez un cœur pur en lui et renouvelez l'esprit de Justice en ses entrailles ! Ne le rejetez point de devant Votre face ! Rendez-lui la joie de Votre assistance salutaire. Et fortifiez-le par un esprit, qui le fasse volontairement agir. Il apprendra Votre voie aux injustes ; et les impies se retourneront vers Vous... » Cagliostro : « Rituel du 3e degré », page 65 (Editions des Cahiers astrologiques, Nice 1948). VI.

 

Prière finale

« Suprême Architecte des Mondes, Source de toutes les perfections et de toutes les vertus, Ame de l'Univers, que Tu remplis de Ta gloire et de Tes bienfaits, nous adorons Ta Majesté Suprême ; nous nous inclinons devant Ta Sagesse Infinie, qui créa et qui conserve toutes choses. » « Daigne, Etre des êtres, recevoir nos prières et l'hommage de notre amour ! Bénis nos travaux et rends-les conformes à Ta Loi ! » « Eclaire-les de Ta Lumière Divine. Qu'ils n'aient d'autre but que la gloire de Ton Nom, la prospérité de l'Ordre et le bien de l'humanité. » « Veuille unir les humains, que l'intérêt et les préjugés séparent les uns des autres ; écarte le bandeau de l'erreur, qui recouvre leurs yeux. Et que, ramené à la Vérité par la Philosophie, le genre humain ne présente plus devant Toi qu'un peuple de frères, qui T'offre de toutes parts un encens pur et digne de Toi ! »

 

Extrait de : Marc BEDARRIDE : De l'Ordre Maçonnique de MISRAÏM, tome II, page 419, Paris, Bénard, 1845.

 

 

 

DISCOURS ADRESSE PAR L’ORATEUR

AU NOUVEL INITIE, RITUEL DE 1839

 

 

0 toi qui viens d'être initié aux mystères de la franc-maçonnerie, prête à nos accents une oreille attentive et que ton âme s'ouvre aux préceptes mâles de la vérité ! Nous t'enseignerons le chemin qui mène à la vie heureuse; nous t'apprendrons à plaire au Tout-Puissant dont le nom ineffable ne doit être prononcé qu'avec recueillement et respect; nous t'apprendrons à développer tous les moyens que la Providence te confie, pour te rendre utile aux hommes et vivre heureux toi-même.

Ton premier hommage appartient à Dieu.  Adore l'EtreSuprême qui créa l'univers par un acte de sa volonté, qui le conserve par un effet de son action continue, qui remplit ton coeur, mais que l'esprit humain ne peut concevoir ni définir.

Plains le triste délire de celui qui ferme les yeux à la lumière et marche au milieu d'épaisses ténèbres; mais sois tolérant, garde toi de haïr ou de persécuter : la divinité ne t'a pas commis le soin de venger ses injures.

Elève souvent ta pensée au-dessus des êtres matériels qui t'environnent, et jette un regard de désir dans les régions supérieures qui sont ton héritage et ta vraie patrie ; car la vie terrestre, crois-le bien, n'est pas la fin de l'homme : Assieds-toi donc aii banquet de la vie : ne t’y accoude pas.  Si ton premier hommage appartient au Sublime Architecte des mondes, le second revient à ta patrie.  Tu dois la chérir et 1'honorer comme un fils vertueux chérit et honore sa mère ; soumis aux lois de ton pays, rien ne saurait te dispenser de ce devoir, quelle que soit la condition où le hasard t'ait placé, lors même que la patrie aurait été marâtre ou ingrate envers toi.

Après avoir satisfait à tes devoirs envers Dieu et la patrie, considère ta famille : fils, époux et père, chacun de ces états comporte des obligations nombreuses et sacrées, applique-toi à les remplir, elles te deviendront faciles.

Pourrais-tu jamais oublier ce que tu dois aux auteurs de tes jours ! Dans l'âge mûr, honore, respecte ton père, mais rends surtout à ta mère, en égards, en tendresse, le prix des soins dont elle entoura ton jeune âge ; et s'il en est besoin, à l'exemple du pieux fils de Noé, couvre leurs défauts du manteau de l'amour filial : tu en seras béni !

Un amour parle à ton coeur.  Elève de la sagesse, loin de toi les désirs corrupteurs ! Loin de toi les plaisirs faciles ! Ne choisis pas ta compagne parmi les plus belles et les plus riches, tâche d'obtenir la plus vertueuse.  Efforce-toi ensuite d'être digne de l'avoir obtenue ; car l'amour seul est le salaire de l'amour et le vice ne peut sympathiser avec la vertu.

Si le ciel a béni ton hymen, souviens-toi que l'enfant au berceau est un citoyen que la patrie te confie : fais germer dans cette jeune âme le principe de toutes les vertus.  C'est une noble tâche !

Chef de famille, tu dois protéger et instruire cette nouvelle tribu.  Citoyen, un noble orgueil t'est permis : sois le premier de la race, n'en sois pas le dernier !

N'oublie jamais le respect dû à la vieillesse, si tu veux, vieillard à ton tour, recevoir les hommages des jeunes hommes.  Les vieillards sont les témoins des anciens jours.  Loin de mépriser et de comparer ta sagesse naissante à la leur, ne t'assieds jamais en leur présence, sans en avoir obtenu la permission.  Ne passe point entre un vieillard et le soleil.  Si un vieillard t'appelle, retourne sur tes pas, quand même tu serais attendu par la femme qui le plaît.

Le lieu où tu as vu le jour est ta patrie ; l'homme et la femme qui te donnèrent la vie sont tes parents, ce cercle ne doit pas remplir exclusivement ton activité.  L’univers est la patrie du Maçon.  Rien de ce qui regarde l'homme ne lui est étranger.  Tous les hommes doivent donc être frères, comme toi ils ont une âme immortelle, les mêmes organes, le même besoin d'aimer. le même désir d'être utiles.  Viens donc dans nos temples, car la sainte humanité y a son autel.  Vois avec respect cet édifice majestueux destiné à resserrer les liens trop relâchés de la morale et de la fraternité.  Unis par un langage mystérieux, les maçons répandus sur tout le globe, partout où les lumières ont pénétré, ne forment qu'une seule famille, un seul peuple de frères.  Un lien sublime réunit ce peuple innombrable, c'est la bienfaisance ; la bienfaisance, qui n'est pas la vertu, mais sans laquelle la vertu ne saurait être.  La bienfaisance, émanation de la divinité, rosée féconde, prépare l'âme à recevoir le germe de la sagesse.

Tout être qui souffre a des droits sacrés sur toi.  N'attends point que le cri perçant de la misère le sollicite ; préviens et rassure l'infortune timide ; n'empoisonne pas par l'ostentation de tes dons, les sources d'eau vive où le malheureux doit se désaltérer.  Ne cherche pas le prix de ta bienfaisance dans de vains applaudissements, mais dans le suffrage tranquille de ta conscience.  Si la Providence libérale t’a accordé quelque superflu, au lieu d'en faire un usage frivole ou criminel, elle veut que par un mouvement libre et spontané de ton âme généreuse, tu rendes moins sensible la distribution inégale des biens ; jouis de cette prérogative ; que jamais l'avarice, cette passion sordide, n'avilisse ton caractère : que ton coeur se soulève aux calculs froids et arides qu'elle suggère ! Que ta bienfaisance soit active, ingénieuse, mais surtout éclairée par une prudente sagesse ! Ton coeur voudrait embrasser les besoins de l'humanité entière : ton esprit doit choisir les plus pressants, les plus importants.

La bienfaisance ne consiste pas seulement à donner un peu d'or.  L'hommee ne vit pas seulement de pain.  Vois la misère impuissante de l'enfance, elle réclame ton appui.  Considère l'inexpérience funeste de l'adolescence, elle sollicite tes conseils.  Mets ta félicité à la préserver des erreurs et des séductions qui la menacent; excite, autant que tu pourras, dans de jeunes coeurs, les étincelles du feu divin du génie, de la vertu ; aide à les développer pour le bonheur du monde ! Honte à qui veut mettre la lumière sous le boisseau Sers-toi du don sublime de la parole. signe extérieur de la domination de l'homme sur la nature, pour aller au-devant des besoins d'autrui, et pour exciter dans tous les coeurs le feu sacré de la vertu.  Instruis, protège, donne, soulage tour à tour ! Ne crois jamais avoir assez fait, et ne te repose que pour reprendre une nouvelle énergie.  Une journée sans bien fait était perdue pour Titus ; aie le noble orgueil de ressembler à Titus.  En te livrant ainsi aux élans de cette passion sublime, une source intarissable de jouissances jaillira sur toi, ton âme s'agrandira et tous les instants de ta vie seront dignement remplis.

Si tu sens ton impuissance à suffire seul au bien que tu voudrais faire, viens encore dans nos temples, apporte une branche au faisceau sacré de bienfaits qui nous unit.  Concours selon tes facultés, aux plans et aux établissements utiles que l'association maçonnique te présentera.  Tu apprécieras bientôt les fruits de la combinaison des forces, et de leur concentration sur un même objet.

Que ta bonté s'étende sur toute la nature: l'insecte même, qui n'est pas nuisible, à droit de vivre Ne l'écrase point sans raison.  Ne sois donc pas cruel envers les animaux ; compatis au contraire à leurs souffrances, et ne crains pas d'être ridicule, en les défendant contre la brutalité stupide.

Ne te laisse pas rebuter par le tableau des devoirs qui se déroule en ce moment devant tes yeux.  La nature et la société t'imposent d'autres devoirs encore envers les hommes tes égaux : ils ne sont pas moins sacrés que les précédents ; ils sont de plus, indispensables à son bonheur personnel.

Sois affable et officieux envers tout le monde, édifie par ton exemple, aime ton prochain; prends part à la félicité d'autrui; ne permets jamais à l'envie de s'élever un instant dans ton sein: ton âme serait bientôt en proie à la plus triste des furies.

Il te faut un ami: choisis-le de bonne heure, car la vie est courte.  Qu'il soit le plus digne entre tous ceux que tu connais, il sera ton Mentor.  Dieu te garde qu'il descende au rôle de complaisant, il deviendrait bientôt le complice de tes passions, loin de t'aider à les vaincre. Un véritable ami est un trésor.  Trois fois heureux qui l'obtient ! Lent à former les noeuds de l'amitié, sois encore plus lent à les délier.

Pardonne à ton ennemi ; ne te venge que par des bienfaits.  Ce sacrifice généreux te procurera les plaisirs les plus purs, et tu redeviendras la vive image de la Divinité.  Rappelle-toi que c'est là le triomphe le plus beau de la raison sur l'instinct.  Maçon ! Oublie les injures, mais jamais les bienfaits.

En te dévouant aux autres, n'oublie point ce que tu te dois à toi-même.  Que ta volonté ferme et constante soit d'arriver autant que possible à la perfection morale de ton être.  N'aie qu'un seul but dans cette vie, d'acquérir la science par la vertu, et la vertu par la science.  Ne néglige donc pas de satisfaire les besoins d'une âme immortelle.  Descends souvent dans ton coeur pour y sonder les replis les plus cachés.  Connais-toi toi-même. Cette connaissance est le grand pivot des préceptes maçonniques.  Apprenti, ton âme est la pierre brute que tu dois dégrossir ; compagnon, tu la poliras ; maître, tu y traceras des plans parfaits.

Tout homme se doit à la société ; applique-toi à concevoir une idée noble et grande, et consacre la vie à la réaliser.  Ainsi ton passage sur cette terre n'aura pas été stérile.  Ainsi tu auras accompli une mission providentielle ; mais n'oublie pas que tu dois te proposer un but utile à l'humanité en général.

Que l'idée sublime de la toute-puissance de Dieu te fortifie et te soutienne.  Offre-lui chaque jour l'hommage de tes affections réglées, de tes passions vaincues.  Veille et prie.  Renouvelle chaque matin le voeu de devenir meilleur, et lorsque le soir ton coeur satisfait te rappellera une bonne action, une victoire remportée sur toi-même, alors seulement repose en paix dans le sein de la Providence, et reprends de nouvelles forces.

Que jamais ta bouche n'altère les pensées secrètes de ton coeur ; qu'elle en soit toujours l'organe vrai et fidèle ; mais sache garder un silence prudent et qui ne permette pas même de soupçonner le dépôt du secret confié à ta foi.  Ainsi tu éviteras toute importunité, et le mensonge ne souillera jamais tes lèvres.  Ne confie pas non plus sans nécessité ton propre secret : de quel droit voudrais-tu exiger d'un autre plus de fidélité à le garder, que tu n'en as eu toi-même ?

Enfin que des moeurs, chastes et sévères, soient tes compagnes inséparables.  Que ton âme soit pure, droite et vraie. Que la modestie soit ta loi.  Ne considère jamais le terme où tu es venu, ta course en serait ralentie, mais celui où tu dois arriver.  La courte durée de ton existence te laisse à peine l'espoir d'y atteindre.

Ce tableau de tes devoirs ne doit pas t'effrayer.  La route de la vertu est aussi facile que celle du vice.  Il suffit d'y entrer et de marcher.  Cette marche sera aisée si, de bonne heure, tu t'es sourms au joug de cette autre vertu qu'on appelle tempérance, et sans laquelle il n'y a point de sagesse.  La tempérance est la médecine universelle, au physique comme au moral.  Sois sobre, frugal et modéré, tu préviendras ainsi les maux du corps et de l'esprit.

Jeune initié, écoute encore et prête-moi toute ton attention.

L'allégorie est la voix de la sagesse.  Etudie le sens des hiéroglyphes et des emblèmes, que l'Ordre te présentera à chaque degré. Enfermé dans un lieu sombre, livré à une méditation profonde, en face d'objets lugubres, tu as dû réfléchir sur la vanité des choses de ce monde périssable.  Tu as sans doute compris aussi que, par cette allégorie, l'ordre maçonnique t'apprenait que pour entrer dans son sein, il fallait, dépouillant le vieil homme mourir au vice pour renaître à la vertu.

Le bandeau qui couvrait tes yeux, est l'emblème des ténèbres où les profanes sont plongés.

Le soleil éclaire l'univers.  C'est à toi d'imiter cet astre bienfaisant. La lune adoucit le deuil que les ténèbres de la nuit jettent sur la terre, elle guide nos pas tremblants au milieu de l'obscurité, par sa présence elle annonce qu'il n'est point de ténèbres assez épaisses pour dérober le crime à l'oeil de Jéhovah.

Ainsi en est-il de tous nos emblèmes.

Le compas indique l'exactitude et la droiture de nos moeurs.

L'équerre sert à mesurer la justice de nos actions.

Le niveau montre que tous les hommes sont égaux.

Respecte dans la société civile les distances établies ou tolérées par la loi.  Souvent une sotte vanité les imagina : il y en aurait à les fronder et à vouloir les méconnaître.  Mais garde-toi de les transporter parmi nous.  Dans le temple de la sagesse, on ne révère que les dignités maçonniques.  Laisse tes dignités et tes décorations profanes à la porte; n'entre qu'avec l'escorte de tes vertus.  Ne rougis jamais d'un homme obscur mais honnête, que, dans nos asiles, tu embrassas comme un frère quelques instants auparavant.  A son tour l'Ordre rougirait de toi.

La perpendiculaire démontre la stabilité de l'Ordre élevé sur toutes les vertus. Sers-toi de la truelle pour cacher les défauts de tes frères, et suivant le conseil du sage Pythagore sème la mauve. ne la mange pas.  Un autre sage a dit : « Ne pèse jamais tes semblables dans un seul bassin, et si celui du mal l'emporte, ôte-en ce que la faiblesse humaine y a mis de charge, et que la charité complète le poids du bien.  Tu réjouiras ainsi l'auteur de toute bonté. »

Apprends aussi que la pierre brute est l'emblème de ton âme, susceptible de bonnes ou de mauvaises impressions.

Enfin cette houppe dentelée qui s'entrelace, désigne l'union de tous les frères, et le secret qui doit encadrer nos mystérieuses cérémonies.

Bien d'autres emblèmes te seront développés : il n'en est pas encore temps.  Médite sur ceux qu'il t'est donné de connaître aujourd'hui.

Mon frère ! Tous ces devoirs qui viennent de t'être rapidement esquissés, tu dois les remplir envers tous les hommes : ils sont encore plus sacrés envers tes frères ; car dans la foule immense des êtres dont cet univers est peuplé, tu as choisi. par un voeu libre, les Maçons pour tes frères.  Tout Maçon, de quelque religion, pays ou condition qu'il soit, en te présentant la main droite, symbole de franchise et d'égalité, a des droits sacrés sur ton amitié et ton assistance.  S'il est en danger, vole à son secours et ne crains pas d'exposer pour lui ta vie. Un signe sacré, qui te sera révélé si tu en es digne, te montrera un frère implorant ton secours.  S'il est dans le besoin, verse sur lui tes trésors et réjouis-toi d'en pouvoir faire un tel emploi.  Tu as juré d'exercer la bienfaisance envers les hommes en général, tu la dois de préférence à ton frère qui gémit.  S'il est dans l'affliction, console-le par tous les moyens que l'esprit ingénieux de l'humanité te suggérera.  S'il est dans l'erreur, loin de t'éloigner et de le maudire, viens à lui avec les lumières du sentiment de la raison, de la persuasion.  S'il est en butte aux traits de la calomnie, ne crains pas de t'avouer son ami ; sois son défenseur en public, et tu ramèneras peut-être l'opinion égarée, prévenue.  Il est beau, il est saint de rappeler à la vertu celui qui chancelle, de relever celui qui est tombé mais il est presque d'un Dieu d'être le protecteur de l'innocence méconnue.  Si ton coeur ulcéré par des offenses vraies ou imaginaires nourrissait quelque inimitié contre un de tes frères, dissipe à l'instant ce nuage, et si ta raison n'est pas assez forte, appelle un arbitre, réclame sa médiation fraternelle, mais ne passe jamais le seuil du temple avant d'avoir déposé tout sentiment de haine ou de vengeance.

En vain tu invoquerais le Nom de l'Eternel pour qu'il daigne habiter un temple qui ne serait pas purifié par la vertu, sanctifié par la concorde.

En échange de ton admission dans l'ordre maçonnique, tu as abandonné une partie de ta liberté naturelle : accomplis strictement les nouvelles obligations qui te sont imposées.  Des statuts généraux gouvernent cet Ordre antique et vénéré; des règlements particuliers régissent cette R. L. Conforme toi aux uns et aux autres.  Tu serais un mauvais frère si tu méconnaissais la subordination nécessaire dans toute société et la nôtre serait obligée de t'exclure de son sein.

Il est surtout une loi dont tu as promis à la face des cieux la scrupuleuse observance.  C'est celle du secret le plus rigoureux sur nos rituels, nos cérémonies, nos signes et la forme de notre association.  Libre en prononçant le serment solennel sous la foi duquel nous t'avons admis, tu ne l'es plus aujourd'hui de le rompre, l'Eternel que tu invoquas comme témoin, l'a ratifié.  Crains les peines attachées au parjure.  Tu n'échapperais jamais au supplice de ton coeur, et tu perdrais l'estime et la confiance d'une société nombreuse, qui en te rejetant, te déclarerait sans foi et sans honneur.

Si ces leçons se gravent profondément dans ton âme docile et ouverte aux impressions de la vertu, si les maximes salutaires qui marqueront pour ainsi dire chaque pas que tu feras dans la carrière maçonnique, deviennent tes propres principes et la règle invariable de tes actions : 0 mon frère, quelle sera notre joie ! Tu accompliras ta sublime destinée : tu retrouveras cette ressemblance divine qui fut le partage de l'homme prinùtif, dans cet état d'innocence que les poètes ont célébré sous le nom d'âge d'or et dont l'initiation maçonnique fait son objet principal.  Tu deviendras la créature chérie du ciel, ses bénédictions fécondes s'arrêteront sur toi, et méritant le titre glorieux de sage, toujours libre et heureux, tu marcheras sur cette terre l'égal des rois, le bienfaiteur des hommes et le modèle de tes frères !

 

En France, la police a donc exercé très tôt sa surveillance sur les loges misraïmites où elle a placé quelques mouchards, depuis qu’elle tient pour suspectes les sympathies napoléoniennes des BEDARRIDE et de leurs affiliés. Dans les derniers mois de l’année 1822, une offensive générale est déclenchée contre les loges misraïmites. Le 7 septembre 1822, Marc BEDARRIDE est gratifié d’une perquisition en règle, à son domicile, 20 rue des Jeûneurs ; le 9 octobre, les archives de la loge de Besançon sont confisquées, et la même scène se reproduit dans quelques villes de France : perquisitions chez les principaux dignitaires et confiscation des archives.

Le coup de grâce est porté le 8 janvier 1823, lorsque le Tribunal correctionnel condamne Marc BEDARRIDE à une amende pour infraction aux articles 291 et 292 du Code Pénal, interdisant les réunions de plus de vingt personnes sans autorisation, et prononce la dissolution de l’Ordre de MISRAÏM qui entre aussitôt en sommeil.

La révolution de 1830 et l’avènement de LOUIS-PHILIPPE offrent à MISRAÏM un climat plus favorable. Clandestin pendant dix-huit années, le rite obtint le droit de se reconstituer en 1831, sous la Monarchie de juillet. Ainsi Michel BEDARRIDE obtient ainsi du Ministre de l’Intérieur la réouverture des loges parisiennes L’Arc en Ciel, Les pyramides et le Buisson Ardent, qui reprennent force et vigueur en 1831.

Les deux rites (Misraïm et premier Memphis) furent réunis au moment de la proclamation du Royaume d'Italie par NAPOLEON. L'empereur les reconnut alors comme Ordre Oriental Ancien et Primitif de MISRAÏM et de MEMPHIS. En retour, tout naturellement, l'Ordre se montra favorable à l’Empereur et à sa politique.

En 1932, Adolphe CREMIEUX (1796-1880) fut élevé au 81e degré (il devint plus tard 90e degré honoraire).

MARCONIS de NEGRE, expulsé de MISRAÏM en 1838, voulu prendre aux frères BEDARRIDE un peu de leur notoriété en constituant le Rite de MEMPHIS, plagiat du rite de MISRAÏM.

MARCONIS de NEGRE improvise au plus vite une création maçonnique et s’empresse d’ouvrir une Loge à Lyon. Puis, aussitôt après, il cherche à la faire reconnaître par le Grand Orient, en vain. Il ouvre alors une autre Loge au même patronyme « La Bienveillance » à l’Orient de Bruxelles, puis « Osiris » à l’Orient de paris. Trois Loges sont constituées : il peut alors créer alors un Souverain Sanctuaire du Rite Oriental de MEMPHIS en 95 degrés au mois de juillet de la même année. Ainsi est lancé ce que, par abréviation, l’on appellera le Rite de MEMPHIS. MARCONIS de NEGRE voulut affermir et enraciner sa jeune création dans un terreau hermétique, égyptophile et templier et gagner à sa cause ainsi toujours plus des sympathisants de MISRAÏM. Or, le Rite de MEMPHIS est venu se soucher sur le Rite de MISRAÏM pour profiter de sa notoriété, c’est aujourd’hui un fait indéniable. Si, sur le plan initiatique, d’après les plaquettes qu’écrit son créateur, le Rite de MEMPHIS se réapproprie l’axiomatique occultiste, sur le plan administratif, il vivote en France, d’autant plus qu’il est dénoncé à son tour par les tenants de MISRAÏM aux autorités

                  Adolphe Crémieux                             du Grand Orient De France comme plagiat irrégulier.

Paradoxalement, c’est quand il échappe à son créateur, (Marconis de Nègre), et quand il s’expatrie en Angleterre, que le Rite de MEMPHIS va enfin connaître son heure de gloire en amenant à lui tous les transfuges français en exil à Londres. A ce titre, on pourrait presque dire que MEMPHIS se fait prendre à son propre jeu de contrefaçon. Car MISRAÏM attirait en France les républicains clandestins. MEMPHIS cherche à le copier, et échoue. Quand MEMPHIS à son tour s’échappe de France, il va devenir un asile sûr pour les socialistes londoniens qui, à défaut d’avoir MISRAÏM, vont se rabattre sur MEMPHIS dont ils connaissent cependant le caractère fictif et mensonger, puisqu’ils négligent les hauts grades et se cantonnent au travail en Loges Bleues.

En dépit des calomnies portées contre eux, les frères BEDARRIDE ne furent jamais conspirateurs, pas plus que favorables à la Charbonnerie. L’absence de preuve est totale et s’il advint que des propos contre l’un ou l’autre régime fussent prononcés

                   Marconis de Nègre                en Loge, ce ne furent que des paroles sans acte. D’aucuns ont aussi accusé les BEDARRIDE de faire commerce des grades maçonniques qui abondaient dans l’échelle de leur rite. C’est possible mais pas prouvé. Compte tenu qu’ils étaient perpétuellement à court d’argent, la tentation pouvait avoir été trop forte pour qu’ils puissent y succomber. Marc BEDARRIDE en particulier, s’est vu reprocher son autocratie et son manque de sérieux. Autocrate, il l’était sans doute en effet. Quant au manque de sérieux, son ouvrage « De l’Ordre maçonnique de Misraïm » de 1845 atteste du contraire.

Restauré en 1838, MISRAÏM sort de la clandestinité. Et procède à la création d’une Grande loge d’adoption qui existe toujours sous le Second Empire. Sous ce dernier, les loges d’adoption connaissent une évolution générale vers un modèle « festif » lié le plus souvent à des baptêmes maçonniques. On peut citer cependant l’exemple original de la loge du « temple des familles » qui pratique une maçonnerie d’adoption « familiale » qu’on peut aussi qualifier « d’organisation para- maçonnique mixte ». Cet atelier accueille ainsi une vingtaine de personnalités féminines plutôt bourgeoises aisées, cultivées et féministes dont Angélique ARNAUD-BASSINr, Jenny P. d’HERICOURT, la comédienne MAXIME, la pédagogue MARCHEF-GIRARD, Madame Richard-GARDON, Marie GUERRIER d’HAUPT, Hélène Le-VASSAL-ROGER… la Grande loge d’adoption de MISRAÏM durant les premières années de l’Empire, à au moins une trentaine d’adhérentes. Ce chiffre monte même à 45 en 1857. La grande maîtresse est alors la poétesse Marie PLOCQ de BERTIER et on trouve parmi les inscrites des proches d’adhérents du rite de MISRAÏM telles que les sœurs BEDARRIDE mais aussi la féministe Jenny P. d’HERICOURT et la comédienne MAXIME, citées un peu plus haut pour la loge du « temple des familles ». Parallèlement à l’existence de ces loges d’adoption, les ateliers parisiens ont pu, en outre, s’impliquer dans des discours contestataires sur les femmes. C’est le cas pour la loge « l’alliance » (suprême conseil du rites écossais anciens et acceptés) qui considère que « l’exclusion des femmes de la maçonnerie est injustifiable » et quel est le « résultat des préjugés qu’elle a pour mission de défendre » et la « négation même de l’égalité des sexes qu’elle proclame ».

En 1840, Joseph BEDARRIDE rejoint l’Orient éternel.

MISRAÏM fut dissous à nouveau en 1841, mais en 1842, après avoir constitué un Temple mystique pour la garde des archives et la propagation du Rite à l’étranger, le Gouvernement de l’Ordre se met encore en sommeil.

En 1843, François-Timoleon BEGUE CLAVEL, dans son Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie, écrivait à propos de MISRAÏM : « C'est en 1805, que plusieurs Frères de mœurs décriées, n'ayant pu être admis dans la composition du Suprême Conseil Ecossais, qui s'était fondé en cette année à Milan, imaginèrent le régime Misraïmite. Le Frère Charles LECHANGEUR fut chargé d'en recueillir les éléments, de les classer, de les coordonner et de rédiger un projet de statuts généraux. Dans ces commencements, les postulants ne pouvaient arriver que jusqu'au 87e degré, les trois autres qui complétaient le système étaient réservés à des Supérieurs inconnus ; et les noms mêmes de ces degrés étaient cachés aux Frères des grades inférieurs. C'est avec cette organisation que le Rite de MISRAÏM se répandit dans les royaumes d'Italie et de Naples. Il fut adopté notamment par un chapitre de Rose-Croix, appelé la Concorde, qui avait son siège dans les Abruzzes. Au bas d'un bref, ou diplôme délivré en 1811, par ce chapitre, au Frère François Timoleon BEGUE CLAVELl, commissaire des guerres, figure la signature d'un des chefs actuels du Rite, le Frère Marc BEDARRIDE, qui n'avait alors que le 77e degré. » Ce passage est particulièrement important malgré son ton diffamatoire (Frères de mœurs décriées, etc.), à cause de certains renseignements intéressants et de la confirmation que BEDARRIDE possédait en 1811 le 77e degré du Rite ».

En 1845 nous arrivons à la parution du livre de Marc BEDARRIDE sur MISRAÏM et les origines de la Maçonnerie qu'il fait remonter à Adam, affirmant que c'est Dieu lui-même qui donna le nom de Misraïm à cette institution « De l’Ordre Maçonnique de Misraïm, de son antiquité, de ses luttes et de ses progrès » Paris — Bénard, 1845 — en deux tomes. 2 Id. : Tome II, page 125. Histoire répétée, par John YARKER dans son livre « The Arcane Schools », page 488, Ed. William Tait, Belfast, 1909.

1848 : Parution des trois volumes de l’Ordre Maçonnique de MISRAÏM par Marc BEDARRIDE

Selon cet auteur, la maçonnerie serait aussi ancienne que le monde. Israélite pratiquant, Marc Bedarride s'en réfère à l'Ancien Testament.

Selon lui, c'était ADAM lui-même, qui aurait créé, avec ses enfants, la première loge de l'humanité ; SETH succédant à son père ; NOE la fit échapper au déluge. Par la suite, le deuxième des quatre fils de CHAM fut adopté par l'Ordre dès sa naissance et il fut lui-même appelé MISRAÏM (p. 40) ; puis il s'installa en Egypte dont il devint souverain et dont il remplaça derechef l’ancien nom de SEMIA par MISRAÏM (p. 41). C'est ce MISRAÏM, roi de MISRAÏM qui fut adoré comme un dieu sous les noms d'OSIRIS, ADONIS ou SERAPHIS et que l'histoire profane désigne du nom de MENES (pp. 42-43). Par conséquent, c'est de l'Egypte et des Egyptiens que descendrait la tradition secrète de l'ésotérisme. C'est à cette source unique que vinrent boire tous les pasteurs des peuples : MOÏSE, CECROPS, SOLON, LYCURGUE, PYTHAGORE, PLATON, Marc AURELE, MAÏMONIDE, etc., tous les instructeurs de l'antiquité ; tous les érudits israélites, grecs, romains et arabes. Le dernier maillon de cette chaîne ininterrompue aurait été le propre père de l'auteur, le pieux Gad BEDARRIDE, qui aurait reçu en 1782 la visite d'un mystérieux Initiateur égyp­tien, de passage en son Orient, grand conservateur égyptien dont l'on ne connaît que le « Nomen mysticum»  « le Sage Ananiah ».  C’est  cet  envoyé  qui

                             Marc Bédarride                                  l’aurait reçu à la Maçonnerie égyptienne.

En 1846, avant de décéder, Marc BEDARRIDE cède sa fonction de Sérénissime Grand Maître à son frère Michel. Jean-Simon BOUBEE, dignitaire du rite, entre en conflit avec Michel BEDARRIDE. Celui-ci ayant un comportement très contestable à plusieurs reprises (entre autres sur le plan financier), de nombreux frères quittèrent l'obédience et, ne pouvant créer une autre structure, entrèrent au Grand Orient de France où ils ouvrirent, entre autres, la Loge « Jérusalem des Vallées Egyptiennes ».

En 1848, le 5 mars, après la destitution de LOUIS PHILIPPE et 7 années de sommeil, le Rite reprend ses travaux en France, et trois Loges, un Chapitre et un Conseil sont remis en activité.

En 1849 furent Publiés des Statuts Généraux de l’Ordre. Le rite fut alors introduit en Roumanie.

Jean-Simon BOUBEE entre encore en conflit avec Michel BEDARRIDE et démissionne du rite le 4 avril 1851 pour fonder un éphémère Grand orient des Vallées égyptiennes, vite réduit au statut de loge chapitrale des Vallées égyptiennes, laquelle ne tarde pas à se rallier au Grand Orient de France.

Le rite maçonnique dit « de MISRAÏM » fut maintes fois condamné, voir interdit, pour avoir exprimé des pensées subversives contraires à l’éthique de la franc maçonnerie dont elle se réclamait, et fut longtemps soupçonnée de vouloir infiltrer cet Ordre pour y placer ses membres.

MISRAÏM est donc un Rite que nous oserions qualifier de libertaire en ce qu’il prend effectivement le maquis et s’oppose à son siècle tant sur la dimension horizontale de l’engagement politique que sur la dimension verticale de l’engagement spirituel. Son exploration d’une science qualitative et d’une anthropologie pré psychologique le met en porte-à-faux par rapport au paradigme dominant mécaniste et matérialiste des rationalistes de l’Encyclopédie, mais l’écarte aussi des prétentions à une reconnaissance de la part des traditionalistes christiques craignant la mise à l’Index de Rome. Sur le terrain social et politique, ses engagements lui valent persécutions, confiscations d’archives et fermetures de Loges parce qu’il diffuse l’idéal républicain et patriote, en plein Ancien Régime dans une France monarchiste et catholique, vendue à l’aristocratie internationale. Une telle contestation politique et spirituelle s’explique par des données essentiellement culturelles (dernier rite maçonnique romantique) et touchent à l’économie politique (conscience de classe pas encore consciemment politisée et transfigurée dans un positionnement religieux). Mais, nous estimons que la coloration rituélique, la spécificité du rituel de Misraïm a aussi son importance, puisque, comme nous le disions, il souche la mythologie maçonnique (Temple de Salomon et sacrifice d’Hiram) sur un Age d’Or extra occidental, dans une Egypte mythique qui, au 18ème siècle était perçue comme le berceau de la civilisation chrétienne sans avoir de compte à lui rendre.

Ce n’est pas par hasard que les premiers Misraïmites étudient le néoplatonisme et l’alchimie, l’âme de la nature, et la sophianité, versant féminin du Divin ? Ce n’est pas non plus un hasard si l’essence même du Rite est kabbalistique. La kabbale, en effet, comme méthode d’interprétation de la Bible, permet de faire surgir une nouvelle Bible entre les lignes de la première, dégagée dialectiquement par leur méthode rhétorique et mathématique. Car que cherche le kabbaliste misraïmite ? Extraire les noms secrets de dieu pour contrôler l’univers, car la maîtrise du mot sacré peut détruire ou construire le monde auquel il se rapporte. Ainsi donc, les kabbalistes misraïmites s’inscrivent-ils dans les marges de l’abrahamisme, dans une spiritualité où l’homme peut s’identifier, se faire dieu. Ainsi, les Maçons Misraïmites voulaient-ils fonder un ésotérisme de la nature et des corps magnétisés par l’occultisme, subvertir la Bible et se faire dieu par l’ésotérisme judaïque de leur Rite, pour bâtir une république universelle par leur activisme politique.

MISRAÏM était donc bien un Rite maçonnique d’inspiration hérétique, dont les quatre facteurs dominants étaient les suivants : romantisme, républicanisme, démocratisme, judaïsme, révolutionnarisme.

Dissous en 1850, MISRAÏM fut réveillé et reconnu par le Grand Orient de France en 1853.

En 1856, le Rite de MISRAÏM, était toujours directement gouverné par Michel BEDARRIDE, et ce, après de nombreuses vicissitudes. Avant sa mort intervenue le 10 février 1856, il transmit sa charge à J.T. HAYERE, désigné par lui comme son successeur « Supérieur Grand Conservateur et Grand Maître » du Rite de MISRAÏM, en date du 24 janvier précédent. Et lorsqu’en Avril 1862, le maréchal Bernard MAGNAN invita les rites maçonniques de France à se rallier au Grand Orient de France, HAYERE et les siens refusèrent fièrement de se soumettre à quiconque.

Entre 1856 et 1870 restent, toujours actives, certaines obédiences nationales de ce rite (voir la filiation de MALLINGER en Belgique) qui constituent le dépôt initiatique dénommé "ARCANA ARCANORUM".

La Loge Mère « l’Arc en Ciel », fut la seule à pratiquer le rite depuis 1856 jusque sa mise en sommeil en 1899.

En 1858, le Grand Maître du Grand Orient de France fit savoir que les frères de MISRAÏM ne pouvaient être reçus en visite dans les Loges du Grand Orient de France.

En 1860 Giuseppe GARIBALDI et certains de ses officiers sont initiés, à Palerme, dans une Loge du Rite de MEMPHIS.

En avril 1862, lorsque NAPOLEON III imposa par décret au Grand Orient, le Maréchal MAGNAN, celui-ci exigea du Rite qu’il reconnût son autorité. Malgré les pressions exercées sur le Rite de MISRAÏM par le Grand Maître du Grand Orient de France, J.T. HAYERE refuse l’ultimatum de MAGNAN. Le Grand Maître Hippolyte OSSELIN répondit : « Le Rite de MISRAÏM tient trop à son indépendance pour reconnaître vos pouvoirs et votre domination : si l’Empereur croit devoir nous supprimer, qu’il le fasse ; mais nous ne nous soumettrons jamais !.. »

Le Rite de MEMPHIS, par contre, suivit une autre voie. Le 17 mai 1862, MARCONIS de NEGRE, impécunieux et vieillissant, surtout préoccupé par la survie de son Rite (MEMPHIS), dont il est le Grand Hiérophante, saisit l’offre du Maréchal MAGNAN pour confier le Rite au Grand Orient. Ensemble, ils réduisent les 95 degrés à 33. Alors qu’il croit avoir sauvé son Rite, il meurt trop tôt pour savoir, comme nous le souligne l’auteur britannique Ellic HOWE, que le Grand Orient s’est approprié son propre rite pour le transformer en Rite français en sept degrés. HOXE triomphant ajoute que :

« Ce n’est pas le rite mais son cadavre qui fut légué au Grand Orient. Le Rite s’est éteint comme un pétard mouillé…Selon le Bulletin du Grand Orient de janvier 1868, il n’y a plus de loges de MEMPHIS en France.»

Pour le Grand Orient le Rite était mort et enterré. Il n’en voulait plus. Il n’en parlait plus. Pourtant, en août 1864, le Rite de MEMPHIS était toujours vivant et possédait des loges en activité : Le Sectateurs de Ménès et Les Disciples de Memphis, un Chapitre à Paris et une Loge de Chevaliers de Palestine à Marseille. Il était toujours à l’honneur dans le Royaume des Deux-Siciles et mais surtout en Egypte qui assurera sa survie.

Le 23 mai, 1862 un décret du Grand Orient dissout le Souverain Conseil de MISRAÏM.

Le 4 mai 1864, le Docteur GIRAULT succède à J. T. HAYERE et devient Grand Président du Souverain Grand Conseil Général. Trois loges en activité (l’Arc en Ciel, le Buisson Ardent et les Pyramides) plus une en Moldavie.

Le 21 décembre, une quarantaine de mécontents ayant constitué la Loge « l’Orient de MIOSRAÏM » demandent leur affiliation au Grand Orient de France. La Puissance Suprême du rite s’en inquiète, et dans deux lettres successives, datées des 24 décembre 1864 et 3 février 1865, avise le Grand Orient que plusieurs de ces Frères sont frappés de radiation.

Le 11 février 1865, refusant d’alimenter la querelle, le Grand Conseil des Rites du Grand Orient de France à qui l’affaire avait été transmise rejette la demande d’affiliation d’un rite en 90 degrés, mais accepte néanmoins de recevoir la Loge « L’Orient de MISRAÏM » à condition qu’elle se limite aux trois premiers degrés symboliques du rite de MISRAÏM.

Le 20 avril 1867 la Puissance suprême du Rite de MISRAÏM se réunit à Venise et promulgua le document suivant :

 

 

Gloire à l'Omnipotent

EMET
Respect à l'Ordre

PUISSANCE SUPREME

 

De l'Orient du Suprême Grand Conseil général des Sou­verains Grands Maîtres absolus de l'Ordre de MISRAÏM, de ses quatre séries et du 90° et dernier grade, siégeant dans la Vallée de la Lagune Vénitienne, sous un point fixe de l'Etoile polaire à 45° 26' 2" N. et 12° 20' 33" E., le 20' jour du IV' mois de l'année 5863 V.L.

A tous les Maçons réguliers

Salut sur tous les points du triangle.

Nous portons à votre connaissance que le Suprême Grand Conseil général du 90° et dernier grade du Rite de MISRAÏM, Puissance Suprême pour l'Italie, a décidé dans son assemblée générale extraordinaire du 19' jour du IV° mois de l'année 5863 de la Vraie Lumière (1867 Ere vul­gaire) de mettre en sommeil, en Italie, le Rite dans ses 4 séries et uniquement dans ses 16 premières classes jus­qu'au 86° degré, et cela jusqu'à ce que le réveil desdits degrés et classes soit considéré nécessaire ou opportun par la Puissance Suprême et son Suprême Grand Conser­vateur.  Pour cela un triangle a été constitué par trois Grands Conservateurs Grands Conservateurs en les personnes des Sublimes Frères Giuseppe DARRESIO 90°, Antonio ZECCHIN 90° et Luigi DELLA MIGNA 90°, afin qu'ils se chargent, quand le moment sera opportun, de passer les pouvoirs conservateurs suprêmes de l'Ordre et du Rite au Frère qu'ils jugeront le plus digne afin que la continuité de la transmission des pouvoirs soit maintenue ad aeternum. En vertu de ces décisions le Suprême Grand Conseil des Souverains Grands Maîtres absolus du 90° et dernier grade du Rite de MISRAÏM (ou d'Egypte) donne aux susnommés Très Illustres et Très Puissants Frères Giuseppe DARRESIO, Antonio ZECCHIN et Luigi DELLA MIGNA les pleins pouvoirs pour la nomination du Suprême Grand Conservateur de l'Ordre et du Rite.

Fait dans la Vallée de la Lagune Vénitienne le 20° jour du IV' mois de l'Année 5863 de MISRAÏM.

 

Le Suprême Grand Conservateur :

Giovanni Pallesi d'ALTAMURA 33e 66e 90e

 

Les Grands Conservateurs :

Giuseppe DARRESIO 33e 66e 90e

Antonio ZECCHIN 33e 66e 90e

Luigi DELLA MIGNA M.T. 33° 66e 90e

 

Le document porte au verso la signature des Suprêmes Grands Conservateurs qui se succédèrent de l'année 1867 à 1966.

 

 

 

ÉLOGE FUNÈBRE

DU PRÉSIDENT A. LINCOLN

FAIT PAR TRÈS-PUISSANT FRÈRE HAYÈRE,

 

 

Supérieur grand conservateur honoraire de l'Orient maçonnique oriental de Misraïrn pour la France, Grand commandeur des chevaliers défenseurs de la maçonnerie, dans la cérémonie funèbre qui a eu lieu le XVIe jour du IIIe mois, anno lucis 5869le 16e jour du mois de mai 1865, ère vulgaire, dans la tenue solennelle de deuil de la respectable mère loge de l'Arc-en-Ciel, à laquelle assistaient tous les Membres du Souverain Grand Conseil –général, puissance suprême de l'Ordre à la vallée de Paris.

 

Très Chers Frères

Un de ces malheurs que Dieu semble réserver aux hommes comme une grande épreuve ou comme un grand enseignement vient de frapper le monde de stupeur.

Le Très-illustre Frère président LINCOLN a été assassiné, et les États-Unis ont perdu l'une des plus considérables, l'une des plus pures de leurs illustrations. Au récit de cet événement, un cri d'indignation et d'horreur a retenti dans l'univers entier, et les expressions ont fait défaut pour flétrir, avec l'énergie du cœur, le crime odieux dont on reste encore épouvanté.

La mort de l'un de nos semblables, surtout lorsqu'elle est le résultat d'un crime, est toujours chose triste et bien pénible en soi ; mais cette mort s'élève jusqu'aux proportions d'une calamité publique lorsqu'elle frappe le chef suprême d'un pays, le représentant d'un principe.

LINCOLN était plus, mes chers Frères, que le président des États-Unis de l'Amérique ; il était l'âme de l'abolition progressive de l'esclavage et, ce titre, toute l'humanité lui doit des regrets et des pleurs.

Quelle grande page que l'histoire de l'Amérique; quelle grande figure que celle de LINCOLN !

LINCOLN comptera parmi les présidents dont la république américaine s'honore; il laissera un nom impérissable, et l'horrible assassinat dont il a été la victime sera pour lui son Sainte-Hélène, il sera son Calvaire!

Je n'ai point à faire ici, très-chers Frères, l'historique de la guerre désastreuse qui, depuis près de cinq ans déjà, ensanglante l'Amérique; la politique, vous le savez, est bannie de nos temples, et je n'ai pas à me prononcer entre les États américains du Sud et les États américains du Nord. Je prendrai la question de plus haut, et si je déplore, dans le fond de mon cœur, les désastres industriels et commerciaux que les dissensions américaines ont fait naitre en Europe, je ne veux parler que du grand principe de civilisation dont le triomphe ressortira de ce grand malheur public.

Mais honorons tout d'abord ce qui mérite si bien d'être honoré, revenons au président LINCOLN.

LINCOLN était un enfant du peuple, il fut le fils de ses œuvres, il se forma lui-même, et dans d'initiative indépendante qu'on appelle l'Amérique, les qualités naturelles dont le ciel l'avait si bien doué se développèrent avec une rapidité merveilleuse.

Il étudia les lois de son pays ; il en devina les besoins, il en comprit l'avenir, et le simple garçon de ferme fut nommé président de l'un des premiers peuples du globe.

Cette tâche était belle, elle était glorieuse; mais cette tâche était loin d'être facile, c'était une tâche immense. L'union, qui faisait la gloire et la force des États-Unis d'Amérique, était sur le point de se rompre et la guerre civile, le fléau des fléaux, allait placer la présidence LINCOLN au-milieu d'écueils qu'on pouvait croire inévitables. Ces écueils étaient: l'abandon du devoir et des complications sans fin, si le président LINCOLN était de nature à se laisser dominer par la crainte; ou un outrage l'humanité si, cédant aux idées de vengeance, il poussait la rigueur jusqu'à l'exagération, jusqu'au fanatisme. Ces écueils ont été évités et l'histoire dira ce qu'il a fallu au président LINCOLN de droiture d'esprit, d'élévation d'âme, de fermeté et de générosité de cœur tout à la fois, pour rester dans les sages limites de la droiture et de la raison.

Une conduite aussi honorable devait porter ses fruits, elle devait assurer le triomphe : et nous avons vu les défenseurs les plus dignes et les plus intrépides du Sud mettre bas les armes en reconnaissant la puissance du Nord.

Quelle n'a pas été la joie de tous en apprenant que cette longue effusion de sang américain allait enfin cesser. Quelles espérances de reprise dans les affaires commerciales et industrielles la reddition de Lee n'a-t-elle pas fait naitre ! Quels vastes projets d'avenir n'ont-ils pas vu le jour ! L'élan était universel, et pendant que les États américains du Nord rendaient grâces à Dieu du succès de leurs armes, l'Europe civilisée applaudissait, à son tour, à ce grand résultat. Les généraux du Nord étaient vantés partout ; LINCOLN était fêté, et pourtant c'est au milieu de sa gloire, c'est lorsqu'il demandait aux beaux-arts un moment de repos à de si nobles fatigues, qu'une mort criminelle est venue l'atteindre.

Aussi modeste dans le succès qu'il avait été grand dans la lutte, LINCOLN était là, près de sa femme, à côté de ses amis, au milieu de l'allégresse publique, quand cette tête, qui pendant plus de six années avait dirigé les destinées d'un monde, se courbait pour ne plus se relever ! Un misérable assassin l'avait frappé en lâche !

Je vous l'ai dit, mes très-chers Frères, la politique est et doit être à toujours bannie de tous nos temples; mais l'assassinat n'est pas de la politique, c'est un crime odieux que tous les honnêtes gens doivent flétrir et qui surexcite mon indignation d'homme et de maçon, comme elle surexcitera celle de tous les hommes d'honneur, de tous les frères.

Honte à qui, pour faire triompher une idée, quelle qu'elle soit, a recours au poignard. Je condamne Judith comme je condamne Brutus ; je ne crois pas aux saintes inspirations du crime, et je ne veux pas plus des Charlotte CORDAY que je ne veux des Wilkes BOOTH.

C'est par l'abnégation, par le dévouement et souvent aussi par le martyre, que les justes causes triomphent, jamais par l'infamie !

Gloire donc à LINCOLN, mes très-chers Frères, à LINCOLN que la mort a encore grandi, et dont le nom glorieux devient désormais inséparable du grand principe de l'abolition de l'esclavage.

L'esclavage ! Et penser qu'au XIXe siècle cette plaie sociale souille encore une partie du globe!

L'esclavage! Quand les hommes ont pu prononcer le nom si doux de frères, lorsqu'au contact de ces effluves magnétiques du bien que la nature a placées dans nos cœurs, l'humanité entière peut se régénérer; lorsque le Tout-Puissant a voulu l'homme libre et qu'il ne saurait exister de satisfaction plus intime et plus féconde à la fois que celle de voir un autre nous-mêmes dans nos semblables ; l'esclavage, enfin, quand le bonheur égoïste est un leurre et que la félicité durable n'existe que dans la justice et dans la vérité

 

Allelua  Allelua  Allelua

 Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

Par un acte que nous reproduisons ci-après, le premier jour du mois de Phamenot de l'année 5941 de la Vraie Lumière (1945 E.V.), le Suprême Grand Conservateur du moment, Marco Egidio ALLEGRI 90e, procéda au réveil du Rite :

« En l'an 1867 de l'Ere vulgaire l'Ordre du Temple de langue italienne mettant en sommeil la Puissance Su­prême du Rite Egyptien siégeant à Venise, instituait trois Grands Conservateurs du Rite en les personnes des Subli­mes Frères Giuseppe DARRESIO 90°, Antonio ZECCHIN 90° et Luigi DELLA MIGNA 90°. Leurs pouvoirs furent ensuite trans­mis au Très Puissant Suprême Grand Conservateur Alberto FRANCIS 90° qui à son tour les transmit au Sublime Frère Luigi BO... 90°.

Puis les pouvoirs furent confiés au Très Puissant Marco Egidio ALLEGRI promu Grand Conser­vateur à vie.

« Conformément donc à nos prérogatives, en nous servant des pouvoirs donnés par les articles 14 et 15 des Statuts (titre III, section 1), le premier jour du mois de Phamenot de l'année 5941 de la Vraie Lumière, Nous Marco Egidio ALLEGRI, 33° du Rite Ecossais, 33° 95° du Rite de MEMPHIS, Grand Maître à vie et Suprême Grand Conservateur de l'Ordre de MISRAÏM, avons décidé le réveil et l'installation du Souverain Conseil général du 90° et dernier degré, Puissance Suprême de l'Ordre et du Rite de MISRAÏM, ainsi que l'union de ce Rite et du Rite de MEMPHIS et avons appelé ces Très Chers et Distingués Frères à en faire partie : ... (suivent les noms de onze personnes) »

En décembre 1870, c’est le REAA qui veut annexer le rite de MISRAÏM et c’est Robert WENTWORTH LITTLE qui avait réintroduit le Rite à Londres qui dénonce la manœuvre.

Le 28 décembre 1870, dans le bastion même de la Maçonnerie anglo-saxonne dite régulière, LITTLE, collaborateur du Grand Secrétaire de la GLUDA, préside à la séance inaugurale assisté des Frères Comte de LIMERICK et Sigismond ROSENTHAL et du Major E H FINNEY, 90e. L’EARL ou Comte de BECTIVE est nommé Souverain Grand Maître. Un Suprême Conseil Général 90e du Rite de MISRAÏM est constitué avec LITTLE, LIMERICK et ROSENTHAL. Par la même occasion, plusieurs dizaines de Frères, entre 80 et 100 selon Br HOWE (1910-1991) furent créés 33e et 6 furent élus 66e du Rite.

 En France, le Rite est resté indépendant et autonome sans avoir jamais accepté d’être soumis ou intégré au Grand Orient, qui finira par le reconnaître entre 1882 et 1890.

En 1871, l'écrasement de la Commune contribua à l'essor des Loges, qui toutefois entameront leur déclin vers 1880 après la déclaration d'amnistie du nouveau gouvernement républicain français.

En 1874, dans la droite ligne des BEDARRIDE, la charge magistrale de MISRAÏM passe de GIRAULT à Hyppolyte OSSELIN (père) (1814-1887), précédemment grand Orateur de la Loge L’Arc en Ciel. Celui-ci désigne comme grand maître adjoint Emile COMBET de qui dépend à Marseille la loge « l’Avenir » dont il assume le secrétariat de 1872 à 1873. Celle-ci noue des relations officielles avec le Grand Orient de France, en vue d’échanges fraternels avec les autres loges du même Orient. D’ailleurs, à partir de 1875, L’Avenir sera hébergé à Marseille dans les locaux du Grand Orient.

L’œuvre d’OSSELIN aura permis au rite de MISRAÏM de tisser des relations avec les obédiences françaises. Le 27 décembre 1875, il est invité personnellement par le Suprême Conseil du rite écossais ancien accepté pour la France dans les locaux duquel les ateliers parisiens de MISRAÏM se réunissaient, semble-t-il depuis 1874. Le 10 octobre 1880, la loge l’Etoile du Sud, qui pratique le rite de MISRAÏM à l’Orient de Martigue, reçoit en visiteurs des frères de tous les rites, dont un, BREMONT, qui est 33e, membre du Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France.

En 1877, une nouvelle loge, l’Etoile d’Orient, ouvre ses travaux à Martigue, tandis que voient le jour des projets d’implantation à Saint Tropez et Salon-de-Provence ; mais seule aboutira, en 1878, la constitution de la loge l’Espérance misraïmite, à l’Orient de la Ciotat. Cette année-là une quinzaine d’ateliers de MISRAÏM est représentée à la fête du banquet de l’ordre, dont les loges parisiennes Buisson Ardent et l’Arc en Ciel, ainsi que les Enfants de la Vérité, à l’Orient de Tours.

Toujours en 1877, alors que les misraïmites français s’inquiètent des nouvelles orientations du Grand orient de France, le Grand Maître adjoint Emile COMBET entre en relation avec Ferdinand-François DELLI ODDI, Grand Maître du Grand orient National d’Egypte, qui pratique le rite de … MEMPHIS. Par un traîté de reconnaissance réciproque signé entre les deux puissances, Ferdinando ODDI transmit le 95° de Memphis à Emile COMBET, lequel transmit le 90° de MISRAÏM à Fernandino ODDI.

Emile COMBET, qui cumule désormais le 90e degré de MISRAÏM avec le 95e degré de MEMPHIS, sera tout naturellement le garant d’amitié de la puissance française auprès de la puissance égyptienne.

Comportant alors de très nombreuses Loges à l'étranger, le rite Oriental de MISRAÏM comptait des personnalités telles que Louis BLANC et GARIBALDI qui, dix-neuf années plus tard, sera l'artisan de l'unification de MEMPHIS et de MISRAÏM.

Ainsi sans être absorbé par le Grand Orient de France, le Rite de MISRAÏM sut rétablir des rapports de réciprocité entre les deux puissances maçonniques.

Un Rite Réformé de MISRAÏM aurait été « réveillé » (on ne sait avec quelle autorité) à Naples, aux alentours de 1880, par Giambattista PESSINA qui l'aurait ensuite uni à son Rite Réformé de MEMPHIS.

Jusqu'en 1881, les Rites de MEMPHIS et MISRAÏM cheminent parallèlement et de concert, dans un même climat particulier. Or, les deux Rites commencent à rassembler sous double appartenance des Maçons du Grand Orient de France et du Rite Écossais Ancien et Accepté qu'intéressent l'Ésotérisme de la Symbolique Maçonnique, la Gnose, la Kabbale, voire l'Hermétisme. En effet, outre leurs dépôts égyptiens, MISRAÏM et MEMPHIS sont toujours les héritiers et les conservateurs des vieilles Traditions Initiatiques du XVIIIème siècle : Philalèthes, Philadelphes, Rite Hermétique, Rite Primitif. MISRAÏM compte 90 Grades divers, et MEMPHIS, 95.

En 1881, les trois loges du Midi sont encore bien actives, sous la direction locale d’Emile COMBET, qui entretient avec le Grand Maître OSSELIN une volumineuse correspondance, relative tant aux affaires quotidiennes du rite qu’à son histoire, par exemple au sujet de quatre-vingt-quinze cahiers égyptiens – mais se rapportent-ils à MISRAÏM ou à MEMPHIS ? - retrouvés dans les archives d’une très ancienne loge, les vrais amis fidèles, à l’orient de Sète. D’autre part, des relations ont été nouées avec un parent des frères BEDARRIDE, avocat près de la cour d’appel et ancien maire d’Aix-en-provence.

En 1881, le Frère Giuseppe GARIBALDI déjà Grand Maître du Rite de MISRAÏM pour l’Italie dès 1860, est élu Grand Hiérophante Général Grand-Maître Général "ad vitam" pour chacune de ces deux Obédiences.  En vertu de ses pouvoirs souverains il unifie les deux Rites de MISRAÏM et MEMPHIS qui, sur le plan formel, étaient restés séparés jusqu'à cette date, sous la dénomination de : Ordre Maçonnique Oriental du Rite Ancien et primitif de MEMPHIS et MISRAÏM.

(Seul le Souverain Grand Conseil Général du Rite de MISRAÏM pour la France refusa d'entrer dans la Confédération des Rites-Unis de MEMPHIS-MISRAÏM, et conserva sa hiérarchie de 90°, comme Rite Oriental de MISRAÏM, avec Ferdinando ODDI comme Grand Maître.)

A partir de cette année 1881, où est né le courant garibaldien, aucune autorité, (émanant d’un Souverain Sanctuaire ou de Grands Patriarches de MEMPHIS ou de MISRAÏM, séparés ou unis en France ou en Italie), n’a accordé à quiconque et à quelque Obédience non égyptienne, le droit de parler en son nom ni de conférer en son nom les degrés qui sont les siens.

En 1883, le Grand Orient désigne comme garant d’amitié auprès de l’Ordre de MISRAÏM les frères CAMMAS, BLANCHON et PENCHINAT, tandis que MISRAÏM mandate trois des siens : BURCK, Jules OSSELIN et Emile COMBET, pour le représenter auprès du Grand Orient. La Grande Loge symbolique écossaise, fondée en 1880, suivra à son tour, en reçevant une délégation du rite de MISRAÏM en décembre 1883.

Nous savons de source sûre qu’un certain Maurice JOLY, maçon Misraïmite, avocat juif et opposant au régime politique de NAPOLEON III, fils de Albert JOLY, avocat Versaillais, bâtisseur de la République et apôtre de la Laïcité, maçon du Grand Orient de France, petit-fils du François JOLY qui, à Naples, avait reçu la charte du Rite de MISRAÏM, était l’auteur d’un ouvrage s’intitulant «Dialogue aux enfer entre Machiavel et Montesquieu » dont fut tirés un grand nombre de paragraphes des « Protocoles des Sages de Sion». Ces textes avaient déjà été utilisés contre le pouvoir en place, ce qui avait conduit son auteur en prison.

Notons pour mémoire que Maurice JOLY était intime de Victor HUGO qui fut Grand Maître de l’Ordre du Prieuré de Sion, et qu’il était le protégé d’Adolphe CREMIEUX 90e degré de MISRAÏM, (le fondateur de l’Alliance Israélite Universelle).

Giuseppe Garibaldi « Grand Hiérophante » en 1881              Ces protocoles, schéma directeur présumé pour la conquête du monde

         des Rites Unis de Memphis et de Misraïm                     par le monde juif, avait circulé dès 1884, et transité entre les mains d’un membre de la Loge « l’Arc en Ciel » nommé SCHORST, dit SCHAPIRO, à laquelle appartenait le docteur ENCAUSSE dit PAPUS, qui par la suite allait devenir le grand maître du Rite de MISRAÏM. Monseigneur FRY, dans son ouvrage « le juif, notre Maître », précisait qu’en 1895, la fille du Général Russe, Mademoiselle GLINKA, avait envoyé de Paris, des renseignements politiques au Général TCHEREWINE, alors Ministre de l’intérieur, un exemplaire des Protocoles des Sages de Sion que lui aurait vendu pour 2500 francs un certain SCHAPIRO, membre de la Loge de MISRAÏM à Paris.

                                      Maurice Joly                                                                    Adolphe Crémieux

Entre 1882 et 1890, le Grand Orient de France finit cependant par reconnaître le Rite de MISRAÏM.

A la mort d’Hippolyte OSSELIN, le 12 avril 1887, à l’âge de 73 ans, le Souverain Grand Conseil Général pour la France a pour responsable mes frères PICARD, Grand orateur ; Placide COULY, Grand Chancelier ; DTUDER, Grand Capitaine des gardes ; RODE, Grand Examinateur ; BURCK, Grand Maître des Cérémonies ; Jules OSSELIN, son fils, Grand Secrétaire ; et Emile COMBET, Grand Maître Délégué près des Vallées du Midi. Esprit Eugène HUBERT, dans la Chaine d’Union (mai 1887), pouvait résumer ainsi l’œuvre maçonnique de son frère et ami défunt : « Par l’affabilité qui était innée en lui, par l’honorabilité de son caractère, par la fermeté constante qu’il avait apportée à maintenir les principes vraiment maçonniques dans son rite, il avait fait reconnaître et admettre le Rite Oriental de Misraïm sur un pied d’égalité par les différentes Obédiences Maçonniques françaises ; Suprême Conseil de France, Rite Ecossais Ancien Accepté ; Grand Orient de France et Grande Loge Symbolique. C’est grâce au frère Osselin père, je ne saurais insister trop à cet égard, que les maçons du Rite de Misraïm ont été reconnus et acceptés comme des Maçons complètement réguliers et qu’ils sont entrés dans la Grande Famille Maçonnique ».

Après la mort d’Hippolyte OSSELIN en 1887, son fils Jules lui succéda à la charge magistrale comme « Grand Président de l’Ordre Maçonnique Oriental de MISRAÏM ou d’Egypte ».

Dirigé par Jules OSSELIN, le rite de MISRAÏM avait initié une série d'Occultistes de valeur tels SEDIR (Yvon le Loup) et Mac HAVEN, René PHILIPON, Abel HAATAN (Abel Thomas) et son frère ALBERIC.... Par deux fois la loge « l’Arc en ciel » refusa la demande d'initiation de Gérard ENCAUSSE (Papus). Ce célèbre vulgarisateur de l'occultisme ne put jamais entrer dans la seule loge de MISRAÏM en activité à l'époque. 

En 1889, le Rite de MISRAÏM placé sous sa juridiction française comptait 3 Loges à Paris, 8 en province (cinq en Provence, deux à Tours et une à Libourne), 2 à New-York, 1 à Buenos-Aires et 1 à Alexandrie. À celles-ci, il convenait d'ajouter les loges de la juridiction italienne qui était alors indépendante. C’est donc en présence du Très Illustre Frère PROAL, Très Puissant Souverain Grand Commandeur et Grand Maître du REAA, et des invités dont le Frère OPPORTUN, membre du Conseil de l’Ordre du GODF, que le Grand Maître de l’Ordre de MISRAÏM, Très Illustre Frère OSSELIN et la Grande Loge Misraïmite célèbrent, avec les membres de ses Ateliers « l’Arc en Ciel, le Buisson Ardent et les Pyramides » la fête de l’Ordre, le 4 août 1889. Le Grand Secrétaire demande de tourner la page sur le passé et de travailler ensemble pour la gloire de la maçonnerie. Cependant, il ne sera pas entendu.

C’est justement le Grand Secrétaire, le Docteur H. CHAILLOUX qui sera à la source de la division lorsqu’il propose, en accord avec d’autres Frères de la direction, de remplacer les principes de croyance dans le Grand Architecte, l’immortalité de l’âme ou l’amour du prochain par ceux de l’autonomie de la personne humaine, de justice et d’altruisme, c’est-à-dire : liberté, égalité et fraternité.

 

Discours du Grand Secrétaire, le Docteur CHAILLOUX, du 4 août 1889 à Paris pendant la fête de l’Ordre de MISRAÏM :

 

« Mais vient l'instant où il lui est permis enfin de disposer de ses forces vives pour les mettre au service des idées de progrès ; cette institution est amenée par la force des choses à se transformer, à évoluer dans un sens progressif. La réorganisation a commencé par la refonte des rituels. Ces rituels ont été mis en harmonie, non seulement avec les principes maçonniques et démocratiques mais avec les données scientifiques les plus modernes (…) En supprimant complètement tout ce qui, de près ou de loin, pouvait rappeler le caractère si religieux de ce grade à son origine, la Maçonnerie n’ayant et ne devant avoir rien de commun avec la religion ‘…) Si on peut lire dans notre Déclaration de principe, imprimé en 1885 : Base fondamentale et immuable l’existence de l’Être Suprême, l’immortalité de l’âme, l’amour du prochain ; aujourd’hui on peut lire dans notre Constitution réformée : Autonomie de la personne humaine, justice, altruisme».

Une telle prise de position qui violait les statuts et les déclarations de principe de l’Ordre, étant donné qu’il ne s’agissait plus du même Rite, provoqua une scission entre ceux qui étaient fidèles à l’orthodoxie de MISRAÏM qui suivirent le Frère OSSELIN, et les autres, sensibilisés par les innovations démocratiques et opposés au Grand Architecte de l’Univers et à l’immortalité de l’âme, qui suivirent le Frère CHAILLOUX qui, n’ayant pu convaincre, est parti rejoindre le Grand Orient de France.

Les Constitutions, statuts et règlements généraux, adoptés « à la Vallée de Paris, le IXe jour du mois de juin 1890 » sont signés Jules OSSELIN, « grand président de la Puissance Suprême » ; COMBY, Grand Orateur ; Dr. CHAILLOUX, Grand Chancelier-Secrétaire ; DAURIAT, Premier Grand Examinateur ; BERRY, Deuxième Grand Examinateur ; LESIEUR, Grand Trésorier ; LEBEAU, Grand Garde des Sceaux ; MOREL, Grand Maître des Cérémonies ; RODE, Grand Elemosinaire ; STUDER, Grand capitaine des Gardes ; Emile COMBET, Grand Maître délégué près les Vallées du Midi.

Ordre du Jour de la tenue du 26 novembre 1894

De bonnes relations ont été nouées avec le Suprême Grand Conseil Général du Rite de MEMPHIS et MISRAÏM de la Vallée de Naples, dont deux dignitaires, LAVIARD d’ALSENA, Grand Maître honoraire, et Domenico MARGIOTTA, membre du Suprême Conseil, sont accueillis en tenue solennelle, à Paris, le 19 novembre 1891 par la loge le Buisson Ardent et Pyramide.

Le 6 septembre 1894, lorsqu’il aura quitté la puissance napolitaine de MISRAÏM, comme l’ensemble des ordres maçonniques, MARGIOTTA adressa une lettre à Jules OSSELIN datée de Bruxelles précisant ; Dans l’Ordre Oriental de MISRAÏM de Paris, je n’ai connu que d’honnêtes frères, et vous, je vous sais honnête homme. MARGIOTTA en profite aussi pour mettre en garde le grand maître français ; « Je crois devoir vous dire que, au point de vue de l’honneur, tel qu’il doit être compris par tout homme, en dehors de toute opinion politique ou religieuse, le Misraïmisme français qui vous a pour chef, devrait rompre absolument avec le Rite de Memphis et Misraïm de Naples, lequel n’a pas raison d’exister ; car c’est une honte d’appartenir à cette obédience, lorsque l’on sait que le chef de son Souverain Sanctuaire est un vulgaire flibustier. Arrivé à la Grande Maîtrise par la tromperie, le sieur Giambattista Pessina est un simple traficant, qui fait argent de tout ». MARGIOTTA n’est sans doute pas le seul de cet avis. Mais OSSELIN a-t-il pour autant suivi son conseil ?

Dans les toutes dernières années du XIXe siècle, le rite de MISRAÏM se trouve pratiqué en France par deux branches concurrentes : l’une, dite du rite « ancien », sous la direction de Jacques VILLAREAL, qui compte encore plusieurs loges, l’autre qui rassemble les ateliers parisiens du rite de MISRAÏM l’Arc en Ciel, le Buisson Ardent, et les Pyramides, unis sous les auspices d’une Grande Loge misraîmite dirigée par Jules OSSELIN.

A Paris, en tout cas, les misraïmites rassemblés autour d’OSSELIN sont aussi des hommes de désir. « C’est là – se souvient en 1934 J. DURAND – qu’Emmanuel LALANDE et ses amis se firent un devoir de porter la vraie lumière. Ils furent écoutés d’abord avec étonnement, puis avec sympathie, enfin avec confiance. L’atelier acquit grâce à leurs efforts une heureuse réputation d’activité et de haute culture, si bien que des frères appartenant au Rite Ecossais ou même au Grand Orient et parfois des maçons étrangers vinrent prendre part à ses travaux. Le succès fut constant pendant longtemps et si la décadence survint, c’est que le destin se plut à disperser les bons ouvriers avant que l’œuvre ne fût achevée ».

Les derniers Maçons du Rite attachés à leurs principes déistes et spiritualistes se regroupèrent dans la seule Loge Arc-en-Ciel (Loge Mère du Rite) dirigé par le Grand Président Jules OSSELIN. En étaient membres des ésotéristes de haute valeur et c’est sous son patronage que parait la « Bibliothèque Rosicrucienne », cette dernière rééditant un certain nombre de grands classiques de l’occulte. Des Martinistes de renom comme Marc HAVEN (le docteur Emmanuel LALANDE) ou Paul SEDIR (Yvon LELOUP) vinrent le rejoindre, ainsi que René PHILIPON dit Jean TABRIS, Abel THOMAS dit Abel HAATAN, astrologue et alchimiste, son frère Albéric THOMAS, dit MARNES.

            Paul Sedir                         Marc Haven                     René Philipon                               Abel Haatan

En 1896, Gérard ENCAUSSE, dit PAPUS, vient à l’Arc en Ciel porter la bonne parole, par une conférence sur la tradition Martiniste et l’ordre du même nom qu’il représente es-qualité, avant de frapper lui-même sans succès à la porte du temple en 1896 et 1897. Sa demande fut rejetée à deux reprises, par le Vénérable Maître Abel HATAAN THOMAS, René PHILIPPON et Albéric THOMAS, qui lui reprochaient « son œcuménisme envahissant et un certain manque de sérieux dans ses recherches ». Mécontents, les Martinistes, amis de PAPUS démissionnèrent de l’Arc en Ciel en 1898.

Gérard Encausse « Papus »

En 1898, le tableau des membres de la Grande Loge misraïmite, qui tient ses assemblées au 42, rue Rochechouart, à paris, comprend les officiers dignitaires suivants : Abel THOMAS-HAATAN, Vénérable ; assisté d’Henri CHACORNAC, GARAUD, Albéric THOMAS, J. DURAND, CHAPUIS, MAULOIS, MONGIN, ELZER, VASSEUR, DESPONTS, A. FROMAGEOT, M. SOYER. LALANDE, 10 rue Durans-Claye, figure encore parmi les membres, mais SEDIR, lui, aurait-il déjà quitté MISRAIM ?

    Ordre du Jour de la tenue du 26 novembre 1896                  Tableau des Membres de la Grande Loge Misraïmite (1896)

Les problèmes ne s’arrêtèrent pas là. L’année suivante, fin 1899, alors que MISRAÏM comptait une vingtaine de frères au sein de « l’Arc en Ciel » un conflit éclata entre Abel THOMAS-HAATAN, « soutenu par la Loge l’Arc en Ciel » dont il est Vénérable, et le Président Jules OSSELIN et MOREL, à qui HAATAN reproche de monopoliser la direction du rite. OSSELIN ferma alors la Grande loge Misraïmite.

Entre les dissidents de la Grande Loge misraïmite et le rite dit ancien de MISRAÏM, un accord fut conclu en 1901 et les détails imprimés à cette occasion dans la Revue maçonnique (février 1901, pp. 25-26) sur l’état de MISRAÏM méritaient d’être reproduits. Le regroupement des loges du rite ancien de MISRAÏM et de l’Arc en Ciel, furent désormais placées sous la présidence de Jacques de VILLAREAL.

 

 

MOUVEMENT DE RITE

 

Depuis deux ans, les membres parisiens du Rite de MISRAÏM poursuivaient la conclusion d’un accord entre les Loges de leur obédience et les Loges séparées, dites du Rite ancien de MISRAÏM. Les premières négociations traînèrent en longueur par suite de la maladie et de la mort du Grand-Conservateur du Rite ancien, et le projet de fusion ne fut repris par son successeur, le Frère De VILLAREAL, qu’au mois d’août 1900. 

Aujourd’hui, une communication du Frère Secrétaire de la R.M.L Arc en Ciel, nous informe que le frère De VILLEREAL, Souverain Grand Maître 90e et dernier degré et Grand Conservateur du Rite de MISRAÏM pour les Loges séparées, vient d’accepter la direction de la Puissance Suprême du Rite à Paris. L’acceptation du Frère De VILLEREAL est de la plus haute importance pour cette Puissance Suprême sous l’obédience de laquelle se rangent désormais onze nouvelles Loges des Vallées étrangères, dont une à la vallée de Metz, et les deux Loges françaises, qui créées vers 1864, à la suite de dissensions qu’il est inutile de rappeler, n’avaient conservé aucun rapport avec la Puissance Suprême de Paris.

Les conditions de l’accord qui régularise ces Loges ont été arrêtées définitivement en comité extraordinaire tenu le 30 décembre dernier, au domicile privé du Frère Abel THOMAS, entre les Frères ALLAIN, BACHELIER, CHEVALIER, Julien et Paul DUCOUDRAY, GABAROUX, LEFEVRE, MUNIER et Albéric THOMAS, plénipotentiaires des Respectables Loges contractantes.

La Respectable Loge Enfants du Progrès, de Libourne, s’était fait représenter par le Frère ALLAIN ; et les Respectables Loges Inséparables, Isis, Mont-Thabor et Thebah, n’ayant pu envoyer de délégués, avaient également désigné comme mandataires les Frères CHEVALIER, DULAAR et Albéric THOMAS. Force a été de joindre simplement aux actes de l’Assemblée les pleins pouvoirs que les Respectables Loges Isis d’Alexandrie, et El Wafa, de Port Saïd, avaient envoyés trop tardivement au Frère Albéric THOMAS. Quant à la Respectable Loge Enfants de la Vérité et Sincérité Misraïmite réunies, qui n’a pas cru devoir s’associer à l’effort de ses Souveraines Loges, elle reste, de ce fait, en dehors de l’accord, en attendant qu’il soit statué à son égard.

 

Les principaux articles du traité sont les suivants :

 1)- La quatrième série initiatique est rétablie dans les limites fixées par l’article 11 des statuts généraux de l’ordre Maçonnique de MISRAÏM, revêtus depuis 1816, des signatures successives des Très Puissants Frères Michel BEDARRIDE, HAYERE. GIRAULT et OSSELIN père, d’une part, et des Très Puissants Frères Michel BEDARRIDE, HAYERE, Gad BEDARRIDE et Jacques de VILLEREAL, d’autre part ; 

2)- Le Très Puissant Frère De VILLEREAL reste nanti des droits et prérogatives attachés à son titre de Grand Conservateur par l’article 12 de ces statuts généraux. Il exercera ses pouvoirs de Souverain Grand Conservateur de concert avec les Souverains Grands Maîtres 90e élevés par lui à la dignité de Grands Conservateurs, conformément à l’article 14 des mêmes Statuts Généraux. 

3)- Toutes les dispositions financières relatives aux degrés supérieurs au 3e degré sont abrogées conformément au vœu du XVe Congrès régional des Loges du Midi.

Disons en terminant que le Frère De VILLERAL, dont un ancêtre vint chercher asile dans notre pays lors des sanglantes persécutions que les francs-maçons d’Espagne et du Portugal subirent de la part d’un clergé fanatique et maître des pouvoirs publics, appartient à une famille dont tous les chefs ont été francs-maçons depuis 1807. Le cas est assez rare pour mériter d’être cité.

Fin 1899, la Grande Loge de MISRAÏM pour la France, alors présidée par Jacques de VILLEREAL, cessa également ses travaux, et les Frères désireux de continuer de travailler s’affilièrent au Suprême Conseil de France.

Le 30 mars 1900 proclamé mort en France, le Rite de MISRAÏM va s’établir au sein du Grand Orient National d’Egypte présidé par Ferdinando ODDI qui était reconnu détenteur de la double juridiction suprême de MEMPHIS et de MISRAÏM.

Après la scission qui s’était produite à la fin du siècle dernier dans le Rite de MISRAÏM entre les partisans du docteur CHAILLOUX, auteur du fameux discours qui reniait le Grand Architecte de l'Univers, et les «spiritualistes » guidés par le Frère OSSELIN, ce dernier groupe avait sans cesse résisté aux pressions du Grand Orient et bien que peu nombreux (et cela est naturel car les «hommes de désir » sont rares) a poursuivi l'antique tradition maçonnique et donc « la recherche des lois de la Nature et de ses rapports avec les Hommes et le Plan divin ».

En 1902, à la suite de divers conflits au sein du Grand Orient National d’Égypte, le Grand Conservateur Général des Rites de MEMPHIS et de MISRAÏM, Ferdinando ODDI démissionna de ses fonctions. John YARKER (1833-1913), " ancien vice Grand Hiérophante pour l'Europe", se considéra de facto comme le "nouveau Grand Conservateur mondial de MEMPHIS et de MISRAÏM".

John Yarker

En Europe, John YARKER, dont le nom est indissociable d’une foule d’organisations ésotériques, et surtout de la « fringe masonry » des années 1870 à 1913, sera le principal artisan, ou du moins l’un des plus actifs, dans le rapprochement de MISRAÏM et de MEMPHIS. Curieux personnage assurément que cet occultiste qui a voué sa vie à l’initiation et aux sociétés mystériques. Il a servi l’initiation, et ce faisant il a servi ses frères, qu’importent ses extravagances, il a au fond beaucoup servi la franc-maçonnerie, fut-elle marginale.

 

John YARKER

 Né le 17 avril 1833 à Swindale Sharp, dans le Westmorland, sa famille s’installe à Lancashire en 1840, puis à Manchester, en 1849, où il devient négociant en import-export. Il fait de fréquents voyages en Amérique, aux Indes néerlandaises et à Cuba. En 1857, il épouse une certaine Eliza Jane LUND, de YORK. Très tôt, la franc-maçonnerie le séduit : à 21 ans, il reçoit la lumière à Manchester, le 25 octobre 1854, dans la loge Intégrity n°159, sous les auspices de la Très Officielle Grande Loge Unie d’Angleterre, puis il s’affilie, le 29 avril 1855, à la loge Fidélity n° 623 de Duckinfield, où il est élevé à la maîtrise le 11 juillet 1856. Exalté au chapitre de l’Industrie n° 465, à Hyde, le 6 avril 1856, il s’affilie la même année au chapitre de Saint Jean n° 407, à Eccles, et figure en 1860 parmi les fondateurs du chapitre Fidelity n° 63.

Le 11 juillet 1856, il entre au Jérusalem conclave des Knights templar, à Manchester, dont il devient commandeur en 1862-1863. Il rejoint aussi le Love and friendship Encampement, en 1860, dont le voilà commandeur en 1861. La même année, il est promu grand Vice-chancelier provincial du grand conclave de Lancashire ; En 1864, il est Grand Constable au Grand Conseil d’Angleterre, Reçu Suprême Grand Maréchal, il quittera en 1873 les Knighs Templar, dont il a d’ailleurs publié l’histoire en 1869.

YARKER fréquente aussi les hauts grades du rite écossais ancien accepté, où il est reçu en 1862 dans un chapitre de Manchester. Mais le 19 novembre 1870, ses relations avec certains Suprêmes Conseils « irréguliers » entrainent sa radiation du Suprême Conseil du REAA pour l’Angleterre.

Le 10 juillet 1871, F.G. IRWIN propose sa candidature au Bristol college de la sociétas Rosicruciana in Anglia (SRIA) et il figure en 1891 parmi les membres d’honneur du Métropolitan college, Membre d’honneur de la société Théosophique, en 1879, le 24 novembre 1877 il remettra à son tour à Helene BLAVATSKY le grade de « princesse couronnée », dernier degré d’adoption de MEMPHIS-MISRAÏM. Peut-être sera-t-il reçu quelques années plus tard encore dans la fameuse Golden Dawn, fondée en 1888 par Samuel Liddell Mac Gregor MATHERS (1854-1918) et son ami William WYNN WESTCOTT (1848-1925), qui associe néo-rosicrucianisme, nostalgie d’une initiation égyptienne de désir et néo ou pseudo-kabbale.

 En 1881, le voilà docteur en sciences hermétiques de l’école que PAPUS dirige à Paris. En 1893 ou 1894, il est admis dans l’Ordre Martiniste dont il reçoit une charte pour l’Angleterre. Et à combien d’autres groupes encore a-t-il adhéré, telle la singulière maçonnerie « arabe » du rite of Ishmael, fondé par K.R.H. MAC KENZIE et F.G. IRWIN, auquel il succédera à la tête de cet ordre, à la mort de ce dernier, en 1893. En 1872, il reçoit du même IRWIN l’Order of the Red Branch of Eri, que celui-ci avait lui-même reçu à Gibraltar, en 1858. De 1871 à 1872, il est co-sponsor du Royal Order and Sat B’hai. La liste est encore longue…

Auteur prolifique, ses études sont à prendre avec réserve. Il collabore de même à la plupart des revues maçonniques anglaises, dont The Freemasons magazine, The Freemason, The Risicrucian, Notes and Querries.

Dès 1862, YARKER prend ses distances avec la Grande Loge Unie d’Angleterre pour ne plus conserver que des relations avec la fameuse loge Quatuor Coronats dans les Transactions de laquelle il publie encore de temps à autre quelques communications. Mais il fréquente déjà les courants marginaux de la maçonnerie illuministe, qu’il va largement contribuer à répandre en Grande Bretagne et à travers le monde.

Que reste-t-il alors des rites égyptiens en Grande Bretagne ? En 1850, la loge des Sectateurs de Ménès, implantée à Londres sous patente de MARCONIS de NEGRE, devenue Grande Loge des Philadelphes en 1853, sous la grande maîtrise de Jean-Philippe BERJEAU, avait donné le jour à de nouvelles loges de MEMPHIS, à Londres et Birmingham. En 1857, une scission s’était produite entre BERJEAU et Benoît DESQUESNESN fondateur d’un ordre maçonnique réformé de MEMPHIS. Mais en 1866, le groupe de BERJEAU était entré en sommeil et MEMPHIS disparut d’Angleterre

Quant au Suprême Conseil général de MISRAÏM, fondé à Londres le 28 décembre 1870, par quatre maçons anglais, parmi lesquels Robert W LITTLE, qui se réclame curieusement d’Adolphe CREMIEUX, il n’aura guère de lendemain. Dans ces circonstances, comment John YARKER hérite-t-il en 1871 dit-on, de la grande maîtrise de MISRAÏM pour l’Angleterre ?

Pour MEMPHIS, en revanche, l’histoire est plus claire. : en 1871, l’Américain Harry J. SEYMOUR, grand maître du Souverain Sanctuaire de MEMPHIS pour les Etats Unis, député en Grande Bretagne, le frère Benjamin D. HYAM, ancien grand maître de la grande loge de californie, se réunissent pour recevoir aux 33e et 95e degrés des frères de Manchester et de Londres, tandis que John YARKER, reçu lui-même dans le rite de MEMPHIS – mais par qui et à quelle date ? – est mandaté pour élever aux hauts grades quelques autres frères du Nord de l’Angleterre.

Harry J. Seymour

De Londres, Michael CASPARI et A.D. LOEWENSTACK adressent alors une requête au Souverain Sanctuaire Américain, en vue d’établir officiellement une nouvelle puissance de MEMPHIS en Angleterre, dont la charge magistrale est aussitôt proposée à YARKER.

Ainsi, avant de se démettre de ses fonctions au profit d’Alexander B. MOTT, le 4 juin 1872, Harry SEYMOUR délivre à John YARKER la charte constitutive d’un Souverain Sanctuaire de MEMPHIS pour l’Angleterre et l’Irlande, dont la revue Hiram donne la composition comme suit : John YARKER, 33e, 96e, Souverain Grand Maître Général ; Michael CASPARI, 33e, 95e, Grand Chancelier Général ; A.D. LOEWENSTACK, 33e, 95e, Grand Secrétaire Général ; P.J. GRAHAM, 33e, 95e, Grand Gardien du Livre d’Or ; S.P. LEATHER, 33e, 95e, Grand Trésorier Général ; CH. SCOTT, 33e, 95e, Grand Inspecteur Général.

C’est aussi l’occasion pour SEYMOUR et son Grand Conseil Royal des anciens rites de délivrer à à YARKER et à ses collaborateurs une charte du rite écossais Cerneau, version du rite écossais ancien accepté, en trente-trois grades, fondé à New York en 1813, par Joseph CERNEAU, qui revendique la légitimité contre le Suprême Conseil de Charleston.

SEYMOUR aurait-il en la même circonstance délivré à yarker quelque patente d’autres rites, dont celui de MISRAÏM, dont il aurait détenu des pouvoirs depuis 1865 ? En tout cas, dès 1872, YARKER semble pratiquer le rite de MISRAÏM en association avec celui de MEMPHIS.

A l’aube des années 1880, le rite de MEMPHIS, en sommeil sur le sol français qui l’a vu naître, se trouve encore représenté en Amérique, en Grand Bretagne, en Egypte et en Italie. Sa réunification partielle se fera à Naples, berceau prétendu du rite de MISRAÏM.

A Naples, en 1880, YARKER a désigné comme délégué Giambattista PESSINA qui semble d’ailleurs cumuler les lignées égyptiennes.

 N’est-il pas le fondateur d’un certain rite égyptien réformé, ou rite réformé de MEMPHIS en trente-trois degrés, dont Gastone VENTURA nous apprend la constitution, à Catane en 1876. Selon Léon de MOULIN-PEUILLET : « Ce groupe était animé, à l’Orient de Catane, par les Illustres frères Sébastiano CANNIZZARO, professeur ; Guglielmo PISANI ; Baron CIANCIA ; Rocco CAMERATA ; Baron SCAVAZZO, sénateur du royaume, etc. Le Grand Maître en était le Duc Francesco IMBERT, Grand Maître effectif et Grand Hiérophante et le Maître honoraire Giuseppe GARIBALDI, héros de l’union italienne ». Le Grand Maître Adjoint était Giambattista PESSINA.

PESSINA préside aussi un « ancien rite égyptien réformé » de MISRAÏM, dont The Kneph donne en 1881, la composition du Supême Conseil placé sous la présidence d’honneur de GARIBALDI.

Il fut établi plus tard que PESSINA n’avait aucune autorité légitime pour se prétendre successeur de la Puissance napolitaine de MISRAÏM.

Giambattista Pessina

En tous cas, l’unification du rite de MEMPHIS est désormais en marche, dont Guiseppe GARIBALDI passe pour l’artisan. Passé Grand Maître du Grand orient d’Italie, membre honoraire du Souverain sanctuaire américain depuis 1865, de celui de Grande Bretagne depuis 1872, du Grand Orient d’Egypte depuis 1876, et du rite réformé de MEMPHIS de PESSINA, l’unificateur italien est un candidat rêvé pour l’unification tant espérée du rite de MEMPHIS. A Naples, en septembre 1881, une confédération voit donc le jour, composée des Souverains Sanctuaires de New York (Mott), Londres (YARKER) et Naples (PESSINA), qui procèdent à l’élection de GARIBALDI comme Grand Hiérophante de MEMPHIS, en succession directe de MARCONI. Absence remarquée : le Souverain Sanctuaire pour l’Egypte qui a déjà procédé dès 1874, à l’élection de Saluttore A. ZOLA à la même fonction. Le 24 décembre 1881, la Roumanie vient rejoindre le trio initial, quand PESSINA, probablement délivre à Constantin MORAIN la charte constitutive d’un Souverain sanctuaire de MEMPHIS et MISRAÏM, qui reconnait aussitôt GARIBALDI comme grand Hiérophante.

A partir de 1881, The Kneph, official journalof the Antient and Primitive Rite Masonry, organe du Souverain Sanctuaire anglais, répand sur la surface du globe les nouvelles du rite ancien et primitif. Cette année-là, YARKER publie d’ailleurs un Manual of the degrees of the Antien et Primitive Rite of Masonry, qui contient l’ensemble des rituels des trente-trois grades pratiqués par son Souverain Sanctuaire. Dès 1875, celui-ci avait déjà édité, à Londres, les Constitutions, Statutes, Cérémonials et History of the Antient et Primitive Rite of Masonry, et deux autres publications : Publics and Cérémonials et A Sketch of the history of Antient and Primitive of Masonry, qui seront désormais prises pour référence par la plupart des Souverains sanctuaires. Dans la même veine suivront les Rituels of the Rite of Misraïm ; The Royal Oriental Order, et enfin en 1903, The Laws and Regulations of the Grand Mystic Temple

A partir de 1882, date à laquelle il devient Grand Chancelier des Rites Confédérés sous l’autorité de GARIBALDI, un accord aurait été passé entre YARKER et la Grande Loge Unie d’Angleterre, selon lequel l’obédience anglaise aurait eu tous les droits sur les grades symboliques, tandis que YARKER pouvait travailler dans les hauts grades avec les maîtres maçons réguliers.Il parait plus vraisemblable d’imaginer que l’obédience anglaise, dont YARKER prenait soin de ne point enfreindre les prérogatives, ne se souciait guère des hauts grades en tous genre qu’il pouvait conférer, dès l’instant où il n’empiétait pas sur les grades symboliques.

John Yarker

1886 : Réédition des Constitutions, Statuts et Règlements Généraux

Lorsque GARIBALDI rejoint l’orient éternel, le 2 juin 1882, YARKER refuse l’élection de Giambattista PESSINA à la Grande Hiérophanie vacante. YARKER s’impose désormais en Europe comme la plus haute autorité des rites égyptiens.

Cependant, Le frère Ellic HOWE de la loge Quator Coronati lodge de Londres et le professeur Helmut MÖLLER de l’université de Göttingen affirment que YARKER aurait acquis les rites de MEMPHIS et de MISRAÏM, d’une source américaine douteuse en 1872 -(Fringe masonry- the Quator Coronati lodge, vol.85, 91, 92,109 London 1972, 78, 79,97). Cette nomination ne fut pas entérinée par l’Égypte et en 1902, car Ferdinando ODDI avait transmis ses titres de Grand Commandeur-Grand Maître du Grand Orient National d’Égypte (Grand Collège des Rites) et de Souverain Grand Conservateur Général des Rites de MEMPHIS et de MISRAÏM au T.S. Frère Idris Bey RAGHEB, et à son successeurs le prince Mohamed Aly TEWFIK, petit-fils du khédive Mehemet ALY, et Youssef ZAKQ grand chancelier - dont filiation jusqu'à nos jours.

Selon Philippe ENCAUSSE, son père, Gérard ENCAUSSE (PAPUS), aurait reçu en 1907 deux diplômes maçonniques émanant de l’« Ordre Maçonnique Oriental de MISRAÏM pour l'Italie », le Rite légitime de MISRAÏM étant alors en sommeil en Italie ; mais l'on ne connaît ni le contenu, ni l'origine de ces diplômes.

John YARKER fut le dernier Grand Hiérophante de cette lignée hybride. Après sa mort, le 20 mars 1913, le Souverain Grand Sanctuaire (Theodore REUSS, Aleister CROWLEY, Henry QUILLIAM, Léon Engers-KENNEDY) se réunit à Londres le 30 juin 1913.

Diplôme du 90e grade du rite de Memphis-Misraïm délivré à Georges Bogé de Lagrèze par John Yarker en septembre 1909

A l’unanimité, le frère Henry MEYER, habitant 25 Longton Grove, Sydenham, S.E., County de Kent, fut nommé Souverain Grand Maître Général. Théodore REUSS, Souverain Grand Maître Général ad Vitam pour l’Empire Germanique et Grand Inspecteur Général, participait à cette réunion.

Les minutes de la convocation précisent qu’Aleister CROWLEY proposa la nomination de Henry MEYER aux fonctions de Grand Maître Général, appuyée par Théodore REUSS qui l’approuva et la signa.

Theodore REUSS, Grand Maître du Souverain Sanctuaire d'Allemagne par une charte reçue le 24 septembre 1902 de John YARKER, qui dirigeait également l'O.T.O. (Ordo Templi Orientis) et diverses petites sociétés paramaçonniques prit la succession comme Grand Hiérophante Universel de 1914 à 1923. Sans avoir l'autorité pour le faire (il n'était pas Grand Maître Général), il accorda en date du 24 juin 1908 à Berlin la constitution à Paris d'un Suprême Grand Conseil et Grand Orient du Rite Ancien et Primitif. Pourtant, John YARKER, chef mondial du " rite " était seul habilité à créer de nouveaux Souverains Sanctuaires, (si l'on ferme les yeux sur les origines illicites de sa filiation du Rite de MEMPHIS, et sur son auto-nomination comme Grand Hiérophante de ce "rite " ainsi que sur l’absence de patente du Rite de MISRAÏM). Outre la triple illégitimité de son origine, ce Suprême Grand Conseil français se trouvait dans une position ambiguë. Il n'avait pas rang de Souverain Grand Sanctuaire (nom donné aux Grandes Loges dans le Rite Ancien et Primitif) et ne pouvait donc pas fonder de nouvelles loges. Le texte de la patente berlinoise, perdue, est connu par le compte rendu du convent de Juin 1908. Il ne prévoyait pas la possibilité de créer des organismes subordonnés (loges, chapitres, etc.).

                        Théodore Reuss

 

 

LE CONVENT DE 1908

 

En 1908, s’était en effet tenu le « Convent maçonnique des rites spiritualistes » dont Serge CAILLET enregistre les résultats. Il en utilise la résolution finale. D’après le compte rendu publié en 1910, et devenu rarissime (mais dont de longs extraits parurent dans « l’Autre Monde » n° 96 et 97, puis à reparaître en 1988 aux éditions Chanteloup). Ce texte imprimé donne seulement les initiales des noms des signataires, page 221. Il n’était pas difficile d’identifier les grands personnages ; d’autres noms restaient incertains. L’Acacia, page 48, en janvier 1909, a donné la décision finale avec les noms complets des signataires et leurs grades, sous la forme suivante :

« Gérard ENCAUSSE (PAPUS), 33°, 90°, 96°. – Adolphe Mederic BEAUDELOT, 33°, 90°. – Barthélémy BONNET, 33°, 90°. – Henri-Jean BROUILLOUX, 33°, 90°. – Louis GASTIN, 33°, 90°. – Ernest DALHAYE fils, 33°, 90°. - E. GARIN (Saint Quentin), 33°, 90°. – Charles-DETRE (TEDER) 33°, 90°, 95°. - Paul SCHMID (Ed. Dacq), 33°, 90°. – Victor BLANCHARD, 33°, 90°. - René GUENON, 33°, 90°. – Jean DESJOBERT, 33°, 90°. – Lorenzo PERETTI, 33°, 90°. – Theudore Reuss, 33°, 90°, 96°. »

Les grades supérieurs au 33e degré appartiennent en propre à l’échelle de MEMPHIS-MISRAÏM.

Lors de deux réunions, respectivement tenues le 23 et le 24 juin 1908, le Souverain Sanctuaire et Grand Orient de Berlin examina la résolution votée par le convent. Et le 24, il décida à l’unanimité de ses membres d’accorder aux quatorze signataires du procès-verbal une patente constitutive d’un Suprême Grand Conseil général des rites unis et Grand Orient pour la France et ses dépendances. La patente fut signée et scellée ce jour-là à Berlin.

Les rites unis, ce sont les rites de MEMPHIS et de MISRAÏM, souvent désignés dès cette époque comme « rite de MEMPHIS-MISRAÏM », qui furent donc de retour à Paris sous cette nouvelle forme sociale, alors que le projet primitif du convent ne prévoyait que l’installation en France du seul rite ancien et primitif de MEMPHIS.

Du Suprême Grand Conseil des rites unis pour la France, PAPUS fut le premier grand maître, 33e, 90e, 96e, Ce dernier avait par ailleurs été désigné comme chef du secrétariat de la Fédération maçonnique universelle, dont le projet avorta.

Deux ans plus tard, PAPUS publie un petit livre utile en son temps : « Ce que doit savoir un maître maçon ».

Assez discrètement il y fera allusion à certains rites : « Certains Maçons rattachés à des sociétés de Rose-Croix ou s’adonnant d’une manière spéciale à l’étude de la science Maçonnique, ont voulu approfondir cette science en y adaptant des grades kabbalistiques et mystiques.

Ce genre de Maçonnerie a toujours été réservé à une élite et souvent ne comprend que des hauts grades laissant aux autres rites le soin de préparer les initiés futurs.

Le plus connu de ces Rites est le Rite de MISRAÏM, puis le Rite de MEMPHIS, fondés tous les deux en vue d’un but spécial. Ils ont souvent formé des Puissances unies en 96 degrés sous le nom de MEMPHIS-MISRAÏM. Cependant ces deux rites réunis garderont leurs spécificités et leur échelle de grades. 

                  Gérard Encausse (Papus)                                                   Convent de la Maçonnerie spiritualiste, en juin 1908

  1. René GUENON au Congrès et Convent de la Maçonnerie spiritualiste en juin 1908 (le premier, au second rang en partant de la gauche, portant un sautoir maçonnique) : à sa gauche, Amélie GEDALGE (1865-1931) de la Maçonnerie mixte du « Droit Humain » et à la gauche de celle-ci, Marie MARTIN (1848-1914), l’épouse du Docteur Georges MARTIN, le fondateur du « Droit Humain ». A l’autre extrémité du second rang, en noir, Victor BLANCHARD (1877-1953). Au premier rang, en partant de la gauche : Albert JOUNET (1863-1923), Theodor REUSS (PEREGRIMUS) (1879-1923). Docteur Gérard ENCAUSSE (PAPUS ; 1865-1916) et Charles DETRE (TEDER) (1855-1918). Debout, l’Orateur est Georges DESCORMIER (PHANEG) (1866-1945) et à sa gauche se trouve le Docteur Fernand ROZIER (1839_1922). Lors de ce Convent, le 9 juin, TEDER, 33e, 90e, 95e, Inspecteur Général du Martinisme en Angleterre, etc., déclara : « Je vous présente à tous, le salut fraternel et l’assurance de la sympathie profonde de notre Président d’Honneur, l’Illustre Frère John YARKER, Grand Maître Général du Rite Ancien et Primitif pour l’Angleterre et l’Irlande, dont j’ai l’honneur d’être, pour aujourd’hui, le substitut en France. Seul, le grand âge de notre vénérable ami, qui fut le camarade et le compagnon d’arme de l’Illustre Frère GARIBALDI et de l’Illustre Frère MAZZANI, l’a empêché de venir prendre part aux travaux du Convent, mais il m’a chargé de vous dire qu’il était de coeur parmi vous ». (Le Monde illustré, juin 1908)
  2. Mais ces hauts grades, comment ont-ils été conférés ? Par initiation rituelle, par communication ou par simple charte envoyée de l’étranger ? Au temps de Papus cette dernière pratique n’était pas exceptionnelle.
  3. Le 10 septembre 1908, se considérant comme Grand Maître Général mondial de cet amalgame MEMPHIS-MISRAÏM, Théodore REYSS autorisa PAPUS et TEDER à ouvrir la Loge Humanidas qui devint la Loge mère du Rite Oriental de MEMPHIS-MISRAÏM, et délivra à Jean BRICAUD une charte pour la reconstitution en France et dépendances, d'un « Souverain Sanctuaire de MEMPHIS-MISRAÏM ».
  4. En 1914, PAPUS engagea des pourparlers avec Edouard de RIBAUCOURT, Grand Maître de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière (fondée en 1913 et aussitôt reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre), qui travaillait au rite écossais rectifié, pour lequel PAPUS ne pouvait avoir que sympathie. Aussi chercha-t-il à constituer en son sein quelque atelier maçonnique. Le projet resta en plan et la Grande Guerre survint. PAPUS se porta aussitôt volontaire sur le front où il servit comme médecin-chef, avant d’être évacué après avoir contracté la tuberculose dont il mourut, le 25 octobre 1916.PAPUS ayant rejoint l’Orient éternel, il était normal que lui succédât le plus proche de ses collaborateurs. Charles-DETRE-TEDER fut élu à la présidence par le Suprême Conseil.

S’en suivit naturellement sa désignation à la grande maîtrise du Suprême Grand Conseil général des rites unis pour la France, dont TEDER avait d’ailleurs été jusque-là grand maître adjoint.  Mais lorsque Charles DETRE-TEDER succéda à PAPUS, les rites de MEMPHIS et de MISRAÏM étaient en sommeil en France et en Allemagne.

Sa Grand Maîtrise ne dura que deux ans de guerre et ne se caractérisa par aucun fait marquant. Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1918, après avoir subi l’ablation d’un pied suite à une phlébite, Charles-Henri DETRE-TEDER décéde.

Dès le 29 septembre 1918, dans un document intérieur que Robert AMBELAIN a jadis reproduit (Le Martinisme contemporain et ses véritables origines, Les cahiers de Destin, Paris 1948 pp. 26-27), Jean BRICAUD annonce aux responsables et aux membres de l’Ordre Martiniste le passage à l’Orient éternel de la première lumière de l’ordre. Il se prévaut alors de sa succession, accompagnant sa signature des degrés 33, 90 et 95.

             Henri-Detre-Teder

Jean Bricaud

Ces grades des rites unis, comme on disait alors, BRICAUD ne les a certes pas usurpés. Il en était déjà revêtu du temps de PAPUS, ainsi que l’atteste la signature de son article nécrologique de l’hiérophante John YARKER, dans le n°36 du Réveil gnostique, en 1913.

Mais comment BRICAUD a-t-il succédé à Charles DETRE ? Reginald GAMBIER MAC BEAN a reproduit quelques notes que lui avait communiquées BRICAUD. De ces lignes nous extrayons le passage suivant :

« PAPUS mourut en 1916 (25 octobre), TEDER lui succéda comme Grand Maître, puis il mourut à son tour en septembre 1918 en me transmettant (à moi Jean BRICAUD) ses pouvoirs. Mais le rite était en sommeil. En 1919, je demandais à Theodor REUSS, en raison de la situation en France et selon mon désir, de faire revivre le Rite avec les membres qui restaient. Théodor REUSS, les 10 septembre 1919, me remit une patente datée de Bâle, où il résidait, me conférant tous pouvoirs pour constituer un Souverain Sanctuaire en France, et d’un autre côté le Grand Conseil des Rites Confédérés d’Ecosse me délivra le 30 septembre 1910 une patente me permettant d’établir en France tous les Rites du Grand Conseil (Rite Ecossais, MISRAÏM, MEMPHIS-MISRAÏM, Sanctuaire Mystique (Mystic Shrine), Ordre Royal d’Ecosse, etc… »

Dans une lettre en date du 2 novembre 1928, Jean BRICAUD écrit : « Par suite de diverses circonstances, le rite de MEMPHIS-MISRAÏM n’a pas prospéré, et lorsqu’éclata la guerre de 1914, il était presque en sommeil ; seule la loge « Humanidah » fonctionnait tant bien que mal. La guerre désorganisa tout. Après la mort de PAPUS, TEDER s’occupa avec moi, à Clermont Ferrand, à réorganiser le rite (sur papier tout au moins, car il fallait attendre la fin de la guerre pour reprendre l’activité). En 1918 TEDER mourut. Je dus attendre la signature du Traité de paix pour faire part à REUSS-PEREGRINUS qui était allemand, de la mort de PAPUS et de TEDER. Après examen de la situation Théodor REUSS me transmit le 96e degré et me délivra le 10 septembre 1919 une patente imprimée en latin, me conférant tous les pouvoirs pour organiser en France un Souverain Sanctuaire, 95e degré du rite de MEMPHIS-MISRAÏM et un Suprême Conseil 33e degré du rite écosais (Cerneau). De plus, après entente de REUSS PEREGRINUS avec T.M.F. THOMSON, de Salt Lake City (Amérique) Souverain Grand Maître du Suprême Conseil des rites confédérés. Toutes ces patentes sont en ma possession. C’est alors que j’ai entrepris la réorganisation de MEMPHIS-MISRAÏM en France ».

Un Souverain Sanctuaire du rite Oriental Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM a donc été constitué en France avec l’autorisation de la Puissance Suprême du Rite : Grand Maître Général ; Très Illustre Frère Jean II BRICAUD, 96; Grand Chancelier : Très Illustre Frère baron de THOREN, 95; Grand Secrétaire : Très illustre Frère ITHIER, 95e.

Le Suprême Conseil Confédéré et Grand Conseil des Anciens Rites Ecossais pour les Etats-unis d’Amérique, a délivré au Très Illustre Frère BRICAUD une Patente, en date du 31 août 1919, l’autorisant à établir pour la France et ses dépendances un Suprême Conseil des Anciens Rites d’Ecosse (Early Grand National Scottish Rite) et Grand Conseil des rites, avec pouvoir et autorité pour gouverner les mêmes rites et Ordres que le Suprême and Grand Concil of Rite d’Ecosse. Les trois premières lumières en étaient les Très Illustres Frères Jean II BRICAUD, 33e, 90e, 95e, XLVII, X, Dép. Grand Commandeur ; Edmond ITHIER, 33e, 90e, 95e, XLVI, IX, Grand Secrétaire.

Jean BRICAUD se considéra donc légitime héritier des rites confédérés et transforma le titre de Grand Hiérophante en Grand Maître Général. Les Souverains Sanctuaires nationaux ont cessé de se rencontrer pour désigner leur Primus inter Pares. C’est seulement au Convent du Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM à Bruxelles de 1936 que Guerino TROILO devient Grand Hiérophante Mondial 98e, avec G. BOGE de LAGREZE, comme son Substitut.

                    Jean II Bricaud                       Lorsque BRICAUD devient le premier Grand Maître de France, il n’existait pas en France de Grandes Constitutions et Règlements Généraux. BRICAUD hérita des Constitutions, Statuts et Règlements Généraux du Convent du Rite de MISRAÏM de 1886. Cependant en tant que responsable de la confusion entre maçonnerie égyptienne, gnostique et martinisme, il n’a pas pratiqué le Rite de MISRAÏM en France.

Dès 1920, BRICAUD constitue de nouvelles loges des rites égyptiens sous les auspices de son Souverain Sanctuaire, en France et dans les colonies françaises.

En 1923, l’Eminent Frère Marco EGIDIO ALLEGRI, était devenu Puissance Suprême du rite de MISRAÏM de Venise ainsi que Grand Conservateur à vie du Rite de MEMPHIS de Palerme, tombé ensuite en sommeil en 1925.

Marco Egidio Allegri

Sensiblement préjudiciable fut la persécution systématique menée au siècle dernier par le gouvernement autrichien dans la Lombardie et la Vénétie et par les autres gouvernements dans les différents petits états de la péninsule, par l’Eglise en général et, à notre siècle, par le régime fasciste ; également préjudiciable fut la lutte conduite par les différents Grands Orients, qui ont essayé par tous les moyens d’absorber le rite de MISRAÏM. Malgré tout, les documents les plus importants ont été conservés et transmis jusqu’à nos jours.

Diplôme du Suprême Conseil animé par Jean Bricaud en 1930

 Le martinisme revu et corrigé par BRICAUD, et le Rite de MEMPHIS-MISRAÏM se développeront donc en France en étroite association. Il advint même que des Loges pratiquent, comme ce fut le cas pour la Jérusalem des vallées égyptiennes, les deux « rites ».

Jean BRICAUD constitua une loge d’adoption féminine, à l’Orient de Lyon, placée sous une autorité différente de la sienne, un peu comme CAGLIOSTRO avait en son temps délégué à sa compagne, la Grande Maîtrise de ses propres loges féminines.

D’autre part, Jean BRICAUD qui se tient informé de l’évolution de ses rites à l’international, informe ROMBAUTS que les activités des frères Belges ne permettent plus de les considérer désormais comme rattachés au Souverain Sanctuaire français. Et sans plus tarder, le 5 septembre 1933, le comité permanent du Suprême Sanctuaire lyonnais prononce la radiation des Disciples de Pythagore, l’annulation de la charte de cette loge, déclare irréguliers les autres ateliers belges et révoque la patente de 95e accordé à ROMBAUTS comme représentant pour la Belgique.

Le 21 février 1934, Jean BRICAUD retourne à l’Orient éternel après une maladie de quelques mois. En vue de sa succession, il avait instruit et préparé le plus sûr, le plus éclairé de ses compagnons de sentier, un frère d’un an son aîné : Constant CHEVILLON. L’ami, le compagnon, le disciple de Jean BRICAUD, patron des occultistes Lyonnais dont l’histoire a surtout retenu le nom à cause de sa fin tragique, offre un modèle de science et de sagesse.

Son orientation vers l’occultiste, CHEVILLON la doit, selon Eugénie BRICAUD, à sa rencontre avec un compagnon de BRICAUD, le poète astrologue Jean-Baptiste ROCHE, impliqué dans la direction des ordres Lyonnais, qui met CHEVILLON en rapport avec les occultistes de son temps, dont le plus célèbre d’entre eux, PAPUS : « J’ai connu votre père avant la guerre – écrivait CHEVILLON au Dr Philippe ENCAUSSE, en décembre 1938 -, et c’est là le plus précieux de tous mes souvenirs ».

Constant Chevillon

 

S’agissant de MEMPHIS-MISRAÏM, voici la proclamation officielle de sa nomination :

 

« A tous les Maçons réguliers répandus dans les deux Hémisphères, Force, Paix, Sagesse ».

« Nous, Sublimes Princes Patriarches Grands Conservateurs constituant le Souverain Sanctuaire du Rite Oriental Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM pour la France et ses dépendances, en accord avec la volonté nettement exprimée du Souverain Grand Maître Jean BRICAUD, retourné à l’Orient Eternel le 21 février de la présente année, reconnaissons le Très Illustre et Souverain Frère Constant CHEVILLON, comme Souverain Grand Maître ad-vitam 33, 90, 95e degrés avec tous les Devoirs, Droits et Prérogatives attachés à ce titre ».

« Nous mandons à tous les Ateliers, tant du terriroire métropolitain quedes Colonies et Protectorats Français, de respecter les directives qu’il donnera pour la Prospérité et le Bien de l’Ordre ».

« En foi de quoi, nous avons signé la présente Proclamation, en vertu des Pouvoirs qui nous sont conférés par les Constitutions et Règlementsde notre Rite Bien-Aimé ».

« Emile COMBET, 33-95 ; Et. Barassat, 33-95 ; J. Ch. Duprat, 33-95 ; Padovani 33-95 ; A. Fayolle, 33-95 ; H. Dupont, 33-95 ; M. Cotte, 33-95 ».

 

Dès 1934 CHEVILLON prend une série de directives quant à l’administration du rite.

De 1936 à 1939, le « rite de MISRAÏM » connut une période prospère, pendant laquelle Constant CHEVILLON ouvrit de nombreuses loges en Belgique et à l’étranger. Pendant la guerre, la franc-maçonnerie et les autres sociétés initiatiques furent interdites. Les successeurs d’OSSELIN pratiquaient encore leur Rite avant la dernière Guerre dans la Loge-mère Arc-en-ciel, nom glorieux du premier Chapitre fondé en Belgique par les frères BEDARRIDE.

Robert AMBELAIN, éminent ésotériste, favorable au maintien de la tradition initiatique, telle qu’elle existait à travers PAPUS et Eliphas LEVI, symboliste doté d’une bonne logique et d’un esprit critique, fut initiés à la Maçonnerie Traditionnelle, par le Frère Constant CHEVILLON 96ème, au début de l’année 1939, à la Loge Humanidad à Lyon. Le 26 mars de cette même année, sous le parrainage du Grand Maître Constant CHEVILLON, il fut également reçu apprenti dans une loge parisienne du rite de MEMPHIS-MISRAÏM, la Jérusalem des Vallées égyptiennes, dirigée par le Frère NAUWELAERS.

Robert Ambelain 1939

Le 2 Août 1940, le sort des sociétés initiatique de la France occupée, se joue. Le Conseil des Ministres charge le Garde des Sceaux d’établir un projet de loi tendant à la dissolution des sociétés secrètes ; le 7 août, le Président du Conseil de l’Ordre du Grand Orient en interrompt les travaux, et le 13 tombe la loi portant interdiction des associations secrètes. Dernier acte, le 19 août, le Maréchal PETAIN signe le décret de dissolution du Grand Orient de France et de la Grande Loge de France. Un autre décret, en date du 27 février 1941, prononcera la dissolution de toutes les autres « sociétés secrètes », maçonniques au premier chef, dont MISRAÏM et MEMPHIS-MISRAÏM.

Les loges n’ont pas d’autre avenir immédiat que d’entrer en sommeil, compte tenu de l’absence de nombre de participants, puis d’une chasse aux Francs-maçons orchestrée par Vichy. Leurs archives sont un peu partout récupérées par le service des sociétés secrètes, sous la direction de Bernard FAY, professeur au Collège de France, nommé le 7 août 1940 administrateur général de la Bibliothèque Nationale, chargé, à partir du 12 novembre 1940 de centraliser et d’inventorier les archives maçonniques.

Prisonnier au camp d’Epinal, dans la caserne de Courcy, Robert AMBELAIN reçut la maîtrise le 27 juin 1940 au cours d’une tenue clandestine de maçons, détenus avec lui. La légitimité de cette réception avait été reconnue, comme l’atteste son diplôme daté du 24 juin 1941.

Le 17 septembre 1941, par décret signé par le Maréchal PETAIN, (chef de l’Etat Français), de l’Amiral de la Flotte, Vice Président du Conseil, F. DARLAN, du Ministre Secrétaire d’Etat à l’Intérieur et le Secrétaire d’Etat à l’Education Nationale, l’administrateur de la Bibliothèque Nationale Bernard FAY, est chargé de rechercher, réunir, conserver et éditer tous les documents maçonniques en vue de l’application de la Loi du 11 août 1941 qui ordonne la publication au Journal officiel des noms des anciens dignitaires et leur interdit l’accès à la haute fonction publique ainsi qu’aux charges et emplois déjà interdits aux juifs par la loi du 2 juin, ce à quoi s’emploient activement les services de Bernard FAY, sous la direction de l’inspecteur de police MOERSHEL, en publiant une liste de quatorze mille noms. Ces listes sont systématiquement fournies aux occupants, qui envoient les archives les plus importantes à l’École des cadres du parti nazi, la Hohe Schule, à Francfort.

Georges LAGREZE, qui avait mis en sommeil les loges symboliques de sa juridiction, se contentait alors d’affilier ou de recevoir des maîtres maçons dans les hauts grades.

Georges Bogé de Lagrèze

Compte tenu des circonstances générales, les précieuses archives des rites confédérés de MISRAÏM, de MEMPHIS, de MEMPHIS-MISRAÏM, Early Grand Scottish Ecossais (Cernau) furent confiées à Robert AMBELAIN qui, durant toute la guerre, les cacha dans sa cave.

C’est ainsi que les Rites confédérés traverseront deux guerres mondiales, y compris le nazisme, qui a assassiné ses chefs, pour renaître, tel le Phoenix, au milieu du XXe siècle.

Constant CHEVILLON et Robert AMBELAIN en son domicile parisien, 12 Square du Limousin (13e) réussirent quand même à rouvrir clandestinement la loge maçonnique, Alexandrie d’Égypte. C’est là que Robert AMADOU fut reçu en 1943.

Ce fut la seule Loge de toute l’Europe occupée à maintenir vivant le flambeau de la Maçonnerie dans la clandestinité. Robert AMBELAIN au péril de sa vie et des siens réunissait des Frères comme Georges LAGREZE, André CHABRO, Cyrille NOVOSSELHOF, Camille ZANOLINI, André OUVRARD, Charles MULLER, Jules BOUCHER, Roger MENARD, Edouard GESTA et Robert AMADOU pendant quatre années d’occupation.

         Jules Boucher                               Robert Amadou

Robert Ambelain 1940

En septembre 1941, au cours d’une perquisition aux domiciles de Madame BRICAUD et de Constant CHEVILLON à Lyon, des archives de PAPUS-TEDER, des manuscrits de CHEVILLON, des livres et des objets divers sont saisis par les autorités d’occupation.

Constant CHEVILLON, qui voyageait comme Inspecteur de Banque, se trouvait en mission à Clermont-Ferrand. Un matin, un inspecteur de police vint le chercher à son bureau, l’emmena à son hôtel, visita sa chambre et rafla tout ce qui était à lui, valise, papiers, manuscrits qu’il préparait pour l’édition. Ramené à la Sûreté, il y fut interrogé tout le jour avec des intervalles où il est mis en cellule avec des détenus de droit commun au nom de son idéal de liberté et de fraternité.

Constant Chevillon

Après cette première arrestation, Constant CHEVILLON « devint presque muet, on ne pouvait obtenir de lui un sourire ». Il continue pourtant de venir passer à Lyon ses jours de repos, et de travailler à ses œuvres en cours.

Le 20 août 1942 LAGREZE élève Robert AMBELAIN au 33e degré, puis il lui confère les grades spécifiques des rites égyptiens ; le 66e, le 8 août 1943, le 90e et enfin le 95e degré de l’Ordre Initiatique Oriental du Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM le 15 août 1944, pour raison de force majeure en temps de guerre et pour services rendus à l’Ordre durant cette période d’occupation, avec la fonction de substitut grand maître de son propre Souverain Sanctuaire.

Mais le danger était venu d’une autre police. Le 25 mars 1944 au soir, CHEVILLON dîne chez Madame BRICAUD, en compagnie d’une amie de celle-ci. Quatre hommes sonnent, se présentent comme « la Police » tout en refusant de montrer leur carte, font irruption dans la maison, perquisitionnent, raflent ses papiers et l’emmènent « pour interrogatoire ». Madame BRICAUD se souvient ; « Nous lui donnons pardessus et cache-col, et nous l’avons embrassé toutes les deux. Il m’a bien regardé, tout pâle, tout triste. On le fit monter en voiture. Les deux voitures partirent tous feux éteints dans la direction « descente de Choulans ».

Vers 9 heures, le lendemain, la police judiciaire venue à son tour chercher Madame BRICAUD, finit, après de multiples questions, par lui apprendre ce qu’elle redoute ; le corps de Constant CHEVILLON a été retrouvé la veille, vers 22 heures 45, encore chaud et criblé de balles par des miliciens vichystes, en banlieur Lyonnaise, à Saint Fons, montée des Clochettes, en bordure de route, à l’endroit même où d’autres assassinats du même genre ont été perpétrés.

Le Grand Maître de Belgique DELAIVE quant à lui fut décapité par les nazis.

NOUS, Grand Maître Général, Président du Souverain Sanctuaire pour la France et ses Dépendances de l’Ordre International Oriental du Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM, membre du Suprême Conseil International, Grand Hiérophante Substitut décrétons ce qui suit. En date de ce jour, élevons et proclamons Notre T\ Ill\ F\ Robert AMBELAIN : 95ème degré de Notre Rite, et Membre du Souverain Sanctuaire de France, en qualité de Substitut Grand Maître, et ordonne à tout Membre du Rite de le reconnaître comme tel, lui donne pouvoir de créer, installer, diriger, tout collège symbolique, capitulaire, et mystique de notre Ordre y compris les Grands Conseils des Sublimes Maîtres du Grand Œuvre 90ème degré, de notre Hiérarchie.

En foi de quoi la présente patente lui est remise pour lui servir de titre authentique et régulier auprès de tous Membres de l’Ordre et des Frat\ affiliées.

Donnée en la Vall\ Egyp\ de Memphis, au Zénith de Paris, timbrée et scellée par nous, le 15 août 1939.

Signé : Le Grand Maître Général, Grand Hiérophante Substitut : Georges BOGÉ de LAGREZE 33ème 96ème 97ème.

 

Robert AMBELAIN avait été choisi par Georges Bogé de LAGREZE, allié des organisateurs du Convent de 1934 et Grand Maître pour le Souverain Sanctuaire de France, parce que celui-ci avait constaté qu’en 1942, toutes les Obédiences maçonniques s’étaient mises en sommeil. Après s’être assuré que Constant CHEVILLON ne souhaitait pas maintenir clandestinement ses Rites confédérés, il avait décidé de réveiller une Maçonnerie clandestine sous les auspices du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM, en se servant à cet effet de son titre de 33e du Rite Ecossais Ancien et Accepté, de 33e du Grand Orient de France, de Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte (derniers degrés de l’Ordre Chevaleresque du Rite Ecossais Rectifié) et surtout de la patente reçue à Londres en 1909 de John YARKER.

Il charge alors Robert AMBELAIN de cette tâche. Et c’est donc à cet effet qu’il lui remet durant les années 1942-43 toutes les charges et les patentes appropriées ainsi que divers titres Maçonniques et diverses initiations non-maçonniques. Par cet acte de transmission, LAGREZE au travers de Robert AMBELAIN, a permis aux Rites égyptiens de continuer à vivre sous la terreur nazie.

Par bonheur, Robert AMBELAIN est alors inconnu des services de répression des sociétés Secrètes. C’est ainsi que, dès 1943, sous le patronage de LAGREZE, il peut constituer sans être inquiété, de diriger la loge clandestine « Alexandrie d’Egypte », à son domicile parisien, 12 square du Limousin, où ne tardent pas à être initiés plusieurs nouveaux frères. Jusqu’à la libération, en 1944, la loge y tiendra ses assises avec les décors et les insignes d’usage, deux fois par mois. Y assistaient ; Georges LAGREZE, André CHABRO, Cyrille NOVOSSELHOF, Camille ZANOLINI, André OUVRARD, Charles MULLER, Jules BOUCHER et Robert MENARD, Edouard GESTA, Serge CAILLET et Robert AMADOU.

Le 15 août 1944 (sous l’occupation) le Frère Georges Bogé de LAGREZE Grand Hiérophante Substitut 97ème, et le Grand Hiérophante Mondial Guerino TROILO 98ème donnent patente au Très Illustre Frère Robert AMBELAIN.

                                                                          Georges Bogé Lagreze               Robert Ambelain

 Aucun autre rite maçonnique que celui de MISRAÏM n’a autant été persécuté au cours de son histoire. Tous les gouvernements, toutes les polices de la Restauration à celles de Vichy, se sont acharnée pour le supprimer, fut-ce du temps où MEMPHIS et MISRAÏM se combattaient avant de voguer de concert, Nul autre aussi, qui n’ait fait se côtoyer sur les colonnes de ses temples plus d’extravagants, pour ne pas dire de fripons, et qui n’ait entretenu en son sein plus de discorde ! Nul autre assurément qui n’ait été plus raillé et décrié, par des anti-maçons, mais aussi par des obédiences maçonniques et d’authentiques francs-maçons, las des querelles et des fantaisies. Ses propres hauts dignitaires, comme Jean-Henri PROBST-BIRABEN et Jean BRICAUD n’ont pas manqué de critiquer ce rite d’aventuriers et de trafiquants de grades maçonniques. Cependant tous les hauts grades venaient s’y affilier car en son sein se cachait aussi un authentique mystère initiatique, un enseignement vrai où se maintenaient de vrais « Initiés ».

A sa façon, PAPUS en dit l’essentiel lorsqu’il écrit : « Certains Maçons rattachés à des sociétés de Rose-Croix ou s’adonnant d’une manière spéciale à l’étude de la Science Maçonnique, ont voulu approfondir cette Science en y adaptant des grades kabbalistiques et mystiques.

Ce genre de Maçonnerie a toujours été réservé à une élite et souvent ne comprend que des hauts grades laissant aux autres rites le soin de préparer les initiés futurs.

Le plus connu de ces rites est le Rite de MISRAÏM, puis le rite de MEMPHIS, fondés tous les deux en vue d’un but spécial. Ils ont souvent formé des puissances unies sous le nom de MEMPHIS-MISRAÏM ».

Robert AMBELAIN poursuit désormais au grand jour, et en toute indépendance, les travaux de l’Héroïque « Alexandrie d’Egypte », sous la forme d’une nouvelle loge, au titre distinctif Alexandrie, qui continuera de maintenir MEMPHIS-MISRAÏM en se réunissant à son domicile jusqu’en 1950.

En 1945, la Libération avait permi la reprise des activités de l'A.R.O.T., avec la constitution d'un Comité Directeur de reprise des travaux, comprenant trois membres qui sont, toujours par ordre alphabétique : Robert AMBELAIN, Jules BOUCHER et Robert CABORGNE. Ils créent une fondation rituelle et occulte, avec projection d'un germe d'égrégore en astral.

Le 27 avril 1946 Georges BOGE de LAGREZE passe à l’Orient éternel. Henri-Charles-DUPONT grand chancelier et grand administrateur du rite, adjoint de Constant CHEVILLON qui avait été reconnu comme son successeur, prit alors légitimement la direction de l'Ordre à la Libération jusqu'à l'élection de Pierre DEBEAUVAIS (90e du Rite de MISRAÏM et 96e du rite de MEMPHIS-MISRAÏM).

Henri-Charles Dupont

Le nouveau Grand Maître Pierre DEBEAUVAIS 96ème du Rite ne restera qu’une année à sa tête. Il démissionne et rend la Grande Maîtrise des Rites Unis à Charles-Henry-DUPONT 96ème.

Le réveil des Rites Egyptiens après la guerre, sera assuré en Italie par Marco Adegio ALLEGRI (FLAMELICUS), Grand Hiérophante de MEMPHIS en 1923 et Grand Hiérophante de MISRAÏM en 1925. Il unifie les rites en 95 degrés et fonde le Souverain Grand Sanctuaire Adriatique. Il aura pour successeur Ottavio ULDERICO ZAZIO (Artephius d’octobre1949 à janvier 1966.

En Belgique les Loges des Rites égyptiens se trouvaient en inactivité forcée depuis la mort de leur Grand Maître Constant CHEVILLON. Mais à partir de 1956, l’Ordre de MISRAÏM de MALLINGER et FROMANT acquièrent une grande vitalité en Belgique.

Lors d’un nouveau convent, tenu à Bruxelles au mois de décembre 1956, s’était retrouvés quelques anciens du convent de 1934. Ceux-ci formèrent un nouveau Suprême Conseil international, pour le Rite de MISRAÏM, et en vertu d’une Charte octroyée par le Grand Hiérophante Général du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM Guerano TROILO de ROSARIO, élirent Jean Henri PROBST BIRABEN, maçon orthodoxe et traditionaliste très érudit, Grand Hiérophante Mondial de MISRAÏM. Celui-ci reçoit de MALLINGER, une Patentes du Régime de Naples (Rite de MISRAÏM ou Scala di Napoli" (Arcana Arcanorum), donné par Jean Marie RAGON en 1861, et qu’il détenait de ROMBAUTS qui lui-même les avait reçus du mystérieux DAOUR. Cette nouvelle renaissance eut pour théatre la Belgique (avec les Frères Jean MALLINGER, Grand Chancelier, Ambrogio GEROSA, Grand Orateur ; et Ernest FROMENT, Grand Trésorier). La France (avec les Frères PROBST-BIRABEN et DUBOIS) et l’Italie (avec le Frère Ambrogio GEROSA, de Forence, qui détenait une branche de ce rite).

Nota : Le texte complet des Arcana Arcanorum donné par Jean Marie RAGON en 1861 est exact car ce texte fait partie d’une collection de documents rares portant la date de 1777. Ils sont tous de la même main, du même papier, de la même encre. Ils ne proviennent donc pas des Frères BEDARRIDE qui n’ont été eux-mêmes initiés au Rite de MISRAÏM que le siècle suivant lors de la campagne d’Italie. RAGON possédait également un tablier original, peint à la main, sur soie, et le cordon original peint à la main, qui allaient avec le manuscrit et qui correspondaient rigoureusement aux secrets du cahier manuscrit (90e degré).

Quelques hauts dignitaires de la loge Arc en Ciel, dissoute pendant la guerre et l'occupation allemande, auraient appuyé l'initiative du professeur Jean Henry PROBST ­BIRABEN.

Jean-Henry Probst-Biraben

Il faut ajouter que Probst-Biraben avait aussi réveillé en 1947 le Rite de MEMPHIS. Ce dernier Rite fut réuni en 1959 à celui de MISRAÏM (Régime de Naples), on ne sait pas exactement par qui «étant donné que PROBST-BIRABEN qui avait réveillé les deux Rites était déjà mort à l'âge vénérable de 92 ans à la fin de 1957 ».

Pour conclure sur cette initiative décisive des derniers représentants de cette branche orthodoxe de MISRAÏM (il est juste de qualifier ainsi n'importe quel groupe qui suit les Arcana Arcanorum du Régime de Naples), l'on doit spécifier que l'Ordre réveillé en décembre 1956 par PROBST-BIRABEN lors du Convent tenu à Bruxelles est encore actif maintenant — d'une manière autonome en tant que Rite Oriental de MISRAÏM ou d'Egypte — particulièrement en Belgique, même si son actuel Grand Hiérophante général est un Italien.

En 1956, Jean-Henri-PROBST-BIRABEN procède donc au réveil du rite de MISRAÏM en France, tandis que s’opère la même renaissance en Belgique, avec Jean MALLINGER et Ernest FROMENT, et en Italie, sous la direction d’Ambrogio GEROSA, de Florence. Mais il n’aura pas le temps de la conduire à son terme : âgé de 92 ans, il rejoint l’Orient éternel le 15 octobre 1957.

A la mort de PROBST-BIRABEN, Ambrogio GEROSA fut nommé à l'unanimité à la Grand Hiérophanie pour le remplacer, par le Suprême Grand Conseil de MISRAÏM, à cause de son âge maçonnique et profane, de sa sagesse, et de ce qu'il était le plus ancien et le plus élevé en grade parmi les membres de ce Suprême Grand Conseil.

En France, c’est Henri DUBOIS, élevé au 90e degré par PROBST-BIRABEN le 21 décembre 1956, qui recueille la direction des Ordres égyptiens de MEMPHIS et de MISRAÏM pour la France, dont il conservera les orientations respectives : mystères égyptiens pour MEMPHIS, hermétisme et kabbale hébraïque pour MISRAÏM.

En 1958 Le Frère Charles-Henri DUPONT installe à Lyon un Suprême Conseil des Ordres Maçonniques de MEMPHIS et de MISRAÏM réunis (les rituels restants distincts) dont la Grande Loge (Amon Râ) fusionne en 1960 avec les hauts grades de MEMPHIS et de MISRAÏM conservant leur individualité.

En 1959, Charles-Henri DUPONT désigne verbalement Robert AMBELAIN comme son successeur à la tête du Souverain Sanctuaire de France, dont il a hérité de CHEVILLON, et qui est alors en sommeil. Puis le 13 août 1960, à Coutance (Manche) où il réside, Le Grand Maître Général Charles-Henri DUPONT 96ème degré, confirme par écrit cette désignation en présence du Docteur Philippe ENCAUSSE et d’Irénée SEGURET.

Nota : La photocopie du certificat de Georges Bogé de LAGREZE reconnaissant Robert AMBELAIN comme Maître Maçon ; et les diplômes des 95e et 66e degrés de Robert AMBELAIN étant peu lisibles, voir (Fac. Similé, Bibliothèque du Grand Orient de France, Fonds Ragaigne),

Patente est établie et signée, pour prendre acte à son passage à l’Orient éternel, que DUPONT rejoint presque aussitôt le 1er octobre 1960. Le Frère Robert AMBELAIN 96ème, (déjà nommé Substitut Grand Maître du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM par Georges BOGE de LAGREZE, charte de John YARKER en 1909 et de Jean BRICAUD en 1921), comme son successeur à la Présidence des Rites Unis hérita ainsi des pouvoir magistraux de Charles-Henri DUPONT.

Robert Ambelain 1960

 Au Zénith De Coutances, le 13 août 1960, le Souv\ Sanct\ de Memphis-Misraïm et Sup\Gr\Cons\ des Rites Confédérés pour la France et ses Dépendances.

Nous, Souverain Grand Maître, du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM pour la France & ses Dépendances, Président du Souverain Sanctuaire de France, désireux de permettre le réveil et l’épanouissement du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM en France, confions à dater de ce jour, pour les Territoires susmentionnés, la Charge de GRAND-ADMINISTRA-TEUR du Rite au T\ Ill\ F\ ROBERT AMBELAIN, déjà 95ème du Rite depuis 1943, le dit Frère étant de ce fait et ipso facto désigné comme mon Successeur à la Charge de GRAND-MAÎTRE du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM pour la France et ses Dépendances.

 

Donné au Zénith de COUTANCES, ce 13ème jour d’Août 5960.

(Signé) HENRY-CHARLES DUPONT, Souverain Grand-Maître.

 

Comme Henry-Charles DUPONT et Henri DUBOIS l’avait déjà envisagé une union des Rites de MEMPHIS et de MISRAÏM pouvait être possible. Dans une correspondance avec Robert AMBELAIN, henri DUBOIS témoignait de leur volonté de retrouver enfin l’unité perdue en 1934. En 1960, René WIBAUX, Grand Commandeur honoraire du Rite Ecossais Ancien et Accepté remettra à Robert AMBELAIN les archives de Georges DELAIVE, dont on a vu qu’il fut supplicié et décapité par les nazis, et qui sont celles du Grand Magistère du Rite actuel de MEMPHIS-MISRAÏM. Fin 1960, Philippe ENCAUSSE, qui vient de rencontrer Henri DUBOIS, incite Robert AMBELAIN à faire de même.

Dans une lettre du 29 janvier 1961, Robert AMBELAIN rassure Henri  DUBOIS ; « Je suis absolument d’accord avec vous sur la nécessité absolue et impérieuse de l’unité ! Il n’a jamais été question pour moi que de la réaliser, aussi bien conformément aux vœux de LAGREZE que de Henri DUPONT ». Mais titulaire d’une Charte de Grand Maître substitut de LAGREZE datée du 15 août 1943, au titre de MEMPHIS-MISRAÏM, Robert AMBELAIN ne saurait accepter la dissociation des deux rites, opérée par ce dernier, et leur transmission à PROBST-BIRABEN dont Henri DUBOIS est l’héritier. Et voici ce qu’il lui propose :

1° Dissolution des rites séparés de MEMPHIS et de MISRAÏM :

2° Fusion des éléments isolés de ces rites avec le rite (traditionnel) depuis GARIBALDI, de MEMPHIS-MISRAÏM :

3° Désignation du Grand-Maître Henri DUBOIS, héritier des Rites séparés, comme Grand Maître d’honneur du « Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM », Président et Doyen d’âge du Souverain Sanctuaire du rite uni.

Robert AMBELAIN estime d’ailleurs que MEMPHIS-MISRAÏM pourrait se limiter « à une existence végétative, de façon à se perpétuer, et « (si besoin était, pouvoir se réveiller instantanément. (On ne sait jamais… il faut savoir où se réfugier quand le vent se lève). »

Pour Henri Dubois, l’unité ne saurait passer par la dissolution de son Suprême Conseil, qui compte alors neuf membres, mais une nouvelle lettre du 2 avril 1963 espère encore dans une rencontre qui arrangerait tout. Le 17 janvier 1965, dans une nouvelle missive à Robert AMBELAIN, Henri DUBOIS revient longuement sur sa carrière maçonnique, et s’explique sur ses liens avec Constant CHEVILLON, Henry-Charles DUPONT, PROBST-BIRABEN. Le 1er février suivant, après un long argumentaire, Robert AMBELAIN réitère à Henri DUBOIS sa proposition « je vous redit, très cher frère DUBOIS, que la place de grand maître d’honneur vous est toujours réservée. Le Souverain Sanctuaire n’attend que votre acceptation ! Et tout rentrera dans l’ordre, en rentrant dans l’Ordre ! ». Le 6 octobre 21965, Henri DUBOIS décline l’invitation de Robert AMBELAIN au convent prévu pour le 23 suivant, et insiste sur la nécessité d’une rencontre à son domicile, à Cousance, dans le Jura. Les pourparlers en vue de l’unité n’iront pas plus loin.

Le 10 novembre 1963, Henri DUBOIS décide que MISRAÏM et MEMPHIS « reprennent chacun leur autonomie et qu’en conséquence est annulé et considéré comme non avenu l’acte de réunion des deux puissances datées de l’équinoxe de Printemps de l’année 1959 du calendrier Grégorien ».

« Qu’à partir de ce jour est nommé Grand Maître de Memphis pour une durée de cinq ans, le Très Illustre Frère Pierre CONSTENTIN, est nommé Grand Orateur, le Très Illustre Frère Henri DUBOIS, et comme Grand Secrétaire, Chancelier et Administrateur Général, le Très Illustre Frère Albert AUDIARD. »

« Pour éviter tout conflit à l’avenir entre les hautes puissances de MEMPHIS et de MISRAÏM, il est convenu conformément à la charte commune aux deux rites, promulguée le vingt et unième jour du mois de Thot, correspondant au 21 mars 1962, du calendrier Grégorien, que le rite de MEMPHIS, perpétuera, en dehors des trois degrés symboliques, les degrés de Maître Egyptien et Rose-Crois Egyptienne le rite de MISRAÏM dont le Très Illustre Frère Henri DUBOIS est le Grand Maître ad vitam ne conférera que les quatre degrés du rite dit du Régime de Naples, portant les n° 87 à 90, et en outre que le 66e degré ne sera plus conféré par aucune des deux hautes puissances ci-dessus ».

Henri DUBOIS Grande maître du rite de MISRAÏM, finit par désigner à sa succession André LINGE comme Grand Maître, mais précise t-il à Robert AMBELAIN, en octobre 1965, « Je me suis désisté pour une durée limitée en raison de ma situation (âge, santé etc… argent) car Grand-Maître ad vitam, vous savez que je ne puis démissionner ». Ayant finalement repris la Grande Maîtrise de MISRAÏM, Henri DUBOIS nomme Albert AUDIARD (qui avait été reçu par lui 66e grade de Memphis-Misraïm le 22 octobre 1959, ainsi que 90e de MISRAÏM et 95e de Memphis le 1er septembre 1960) Grand Maître adjoint, le 25 janvier 1973, puis député Grand Maître et substitut, le 1er octobre 1973. Au décès de Henri DUBOIS, le 16 octobre 1975, Albert AUDIARD lui succède, et redonne force et vigueur à la loge Lyonnaise la Sagesse triomphante, qui reprend le titre de la loge de CAGLIOSTRO.

Depuis, Albert AUDIARD a remis la Grande Maîtrise de MISRAÏM à ACTURUS, et la charge du Souverain Sanctuaire des Patriarches de Melkitzedecq à REGULUS, qui lui ont officiellement succédé à son entrée dans la Grande loge d’en haut le 28 novembre 2001.

En quête lui aussi d’unité et de reconnaissance, depuis 1961, Robert AMBELAIN regarde du côté du Grand Orient de France, ainsi que l’atteste une lettre du 14 mars 1963 à Jean CORNELOUP, ancien Grand Commandeur du Grand Collège des rites :

« Devant ce désir général de revivifier le rite de MISRAÏM, me souvenant qu’il fut longtemps intégré au Grand Orient de France, qu’il en fut exclu en pleine terreur blanche, pour son aide à la Charbonnerie anti-royaliste, je crois qu’il serait utile que nous nous rencontrions. C’est le vif conseil que me donne le Frère André LAINE ».

« Si en effet les hauts grades pourraient être facilement perpétués parmi les Hauts-Dignitaires des diverses obédiences françaises, je ne vois, pour la Grande Loge Symbolique de ce rite, qu’un climat, celui du Grand Orient de France, et un seul lieu de recrutement : les Ateliers bleus de ce dernier ».

« On pourrait rassembler facilement les frères du Grand Orient de France épris d’ésotérisme et de symbolisme, il en existe plus que l’on ne croit communément ! Je sais que le Grand Orient en comprend environ 250, dispersés en ses ateliers parisiens… Le Grand Orient de France abriterait de nouveau un rite ancien, et respectable, qui ne fut mis à l’index par le Grand Orient que par suite de manœuvres guère honorables ».

« Pour cette réintégration du rite de MISRAÏM dans le sein du Grand Orient, il suffirait de constituer une loge fonctionnant au rite classique (j’ai les anciens rituels), avec un minimum de 30 à 35 Frères. Et les maçons symbolistes du Grand Orient y viendraient en visiteurs. Tout d’abord au moins. Cela n’apporterait aucun bouleversement dans leurs Ateliers actuels. Qu’en pensez-vous ? ».

Quoique les relations de Robert AMBELAIN et du Grand Orient de France aient été des meilleures, le projet n’aboutit pas alors. Pourtant, quelques trente-cinq ans plus tard …

Après avoir réveillé la loge Hermès, à l’Orient de Paris, le 22 juin 1963, Robert AMBELAIN constitue la Grande Loge Française de MEMPHIS-MISRAÏM, qui est déposée sous la loi associative de 1901, le 22 juin 1963. Celui-ci établit des liens avec le GODF, la GLDF, la GLTSO, et adresse une lettre-circulaire aux frères du rite qu’il appelle à la fondation de loges et de triangles dans leur Orient local, après le préalable que voici :

« Actuellement, notre rite bénéficie d’un regain particulier de considération de la part des hautes autorités maçonniques rectrices des grandes obédiences. C’est ainsi que nous avons un accord avec la Grande loge Nationale Française « Opéra », impliquant les visites réciproques, les garants d’amitié, et l’affiliation de nos membres aux Ateliers et Chapitres de sa hiérarchie, sans aucune difficulté. Avec le Grand Orient de France, nous sommes en cours de contacts fraternels, en vue du reéveil d’un ou plusieurs ateliers du dit Grand Orient de France au sein de cette obédience, atelier qui, par cumul de rite, travaillerait selon nos rituels et usages ».

Le 20 janvier 1964, une association est officiellement constituée à Paris, sous le titre « Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM », que dirige un comité directeur de trois membres à vie : Robert AMBELAIN, Philippe ENCAUSSE et Jean-Pierre T.. En 1964, un premier Convent national prend acte des premières réalisations.

C’est donc au travers de Robert AMBELAIN que se voient réunis tous les courants qui, au cours des années précédentes, s’étaient opposés. Devenu officiellement Grand Maître du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM, celui-ci va tenter de rassembler, dans une même Obédience mondiale, tous les Ordres se réclamant des rites égyptiens autour du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM.

Le Grand Maître Général Robert AMBELAIN (98e) Président des Rites Confédérés et grand Conservateur des Rites non fusionnés de MEMPHIS et de MISRAÏM parvient à établir des relations fraternelles avec la plupart des Obédiences françaises, mais ne réussit pas néanmoins à unifier certains Ordres se réclamant de MEMPHIS-MISRAÏM, ni les Rites de MEMPHIS-MISRAÏM d’Italie issu de la filiation du Souverain Sanctuaire d’Egypte.

Robert Ambelain 1963

Il est décidé que le siège de la Grande Maîtrise Générale sera obligatoirement Paris et que le Grand Maître devra, autant que possible, être francophone. En outre, en 1963, les trente-trois premiers degrés de MEMPHIS-MISRAÏM sont revus et corrigés pour les conformer au Rite Ecossais Ancien et Accepté et faciliter les contacts avec les autres Obédiences.

Robert AMBELAIN rétablit ainsi le Rite de MEMPHIS-MISRAÏM, réussissant au fil des ans, et après l’avoir détaché du gnosticisme et du Martinisme, à mettre sur pied une dizaine de loges au travail remarquable.

Est-ce à dire que l’unité du rite de MEMPHIS-MISRAÏM est enfin réalisée en France et à travers le monde ? Certes non.

Le 23 octobre 1965, lors d’un second convent organisé à Paris, où 22 loges égyptiennes sont déjà représentées, la décision est prise de publier les rituels des trois premiers degrés pratiqués par la grand Loge de MEMPHIS-MISRAÏM pour la France, ce dont se chargera Robert AMBELAIN. Celui-ci n’ayant que partiellement reçu les archives et les rituels de ses prédécesseurs, repris des archives datant de 1824 auxquelles PAPUS ne pouvait avoir eu accès, en se nourrissant d’une inspiration résolument moderne, aidé de plusieurs Frères du Souverain Sanctuaire, pour refondre les Rituels des Premier, Deuxième et Troisième degré spécifiques aux rites égyptiens sous le titre de : Cérémonies et rituels de la maçonnerie symbolique en 1967.  

Il place notamment les colonnes et les colonnettes à la manière du Rite français ; il invoque la batterie : « Liberté, Egalité, Fraternité » pour créer l'espace sacré.

En somme, il installe la Loge bleue de telle sorte que ces Rites travaillent comme des Rites Modernes, dans la juste filiation d'Anderson et dans celle de la Maçonnerie continentale, libérale et contestataire, celle qui fut autrefois appelée Maçonnerie de la main gauche.

Espace sacré au rite Oriental de Misraïm

 

Une conclusion s'impose donc : les Rites Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM et de MISRAÏM ne sont plus des Rites d'inspiration judéo-chrétienne. Leur attachement à l'ancienneté n'en fait pas les défenseurs de Rome, ni des opposants à la laïcité, car ils sont tellement anciens qu'ils en deviennent primitifs. Ils font éclater les dogmes étriqués des religions révélées et ouvrent vers une spiritualité absolument subversive pour quiconque frémit devant le Pape et veut fixer dieu dans le désert du Moyen-Orient.

Dès 1965, Robert AMBELAIN avait aussi produit à l’intention des maçons de tous orients un chef d’œuvre sur la Scala philosophorumou la symbolique des outils dans l’art royal.

Le 13 février 1965, Robert AMBELAIN ouvre le rite aux femmes qui fondent alors une première loge d’adoption, Hathor, fermée en 1970.

Le 26 janvier 1971, une nouvelle loge féminine, Delta, d’ailleurs reconnue en 1971 par le Grand Orient de France, permettra de poser les bases d’une Grande loge Féminine de MEMPHIS-MISRAÏM, qui à partir du 10 février 1981, fédèrera les loges d’adoption françaises et étrangères, sous la grande Maîtrise de Julienne BLEIER.

Dès lors que certaines loges égyptiennes représentées au convent de 1965 ne sont pas en territoire français, se repose inévitablement aussi la question de la Grande Maîtrise Mondiale. Cependant, Robert AMBELAIN n’avait pas été appelé par Henri DUPONT à une autre charge que celle de la Grande maîtrise pour la France. Ce pourquoi les Loges du Convent décident : « à l’unanimité absolue, que dans l’intérêt même du Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM, autant que pour souligner le principe de l’unité maçonnique universelle, une Autorité centrale soit établie au niveau des Souverains Sanctuaires nationaux, administrant les hauts grades de l’Ordre, et, en conséquence, confient à l’unanimité absolue au Très Illustre Frère Robert AMBELAIN les fonctions de Souverain Grand Maître Général pour l’Europe et les Etats susmentionnés et représentés au présent convent de 1965 ».

Cette fonction ne tardera pas à être transformée en une grande maîtrise mondiale que Robert AMBELAIN estime détenir de trois sources complémentaires : La charte de Grand Maître substitut qui lui a été délivrée le 15 août 1944 par Georges LAGREZE, Grand Maître Mondial substitut depuis le convent de Bruxelles, dix ans plus tôt ; Le convent de Paris de 1965, et enfin le ralliement de trois pays d’Amérique latine : Le Chili, la Bolivie et le Pérou, demandant que la charge suprême soit réservée à la France.

Par ailleurs, se ralliant à la proposition de Robert AMBELAIN, le même convent de 1965 décide qu’en tous les Etats où existent au moins trois loges régulières du rite, celles-ci pourront constituer une Grand Loge Indépendante. Quant aux hauts grades, ils dépendront de Souverains sanctuaires locaux, eux-mêmes rattachés à un Souverain Sanctuaire International, qui ne tarde pas de rayonner sur de nombreux pays du Globe, au Vénézuela, en Australie, au Chili, en Centrafrique et à Madagascar où les loges du rite ne sont certes pas toujours dans la possibilité de se constituer en Grande loge. Au cours de l’année 1966, voient également le jour les Grandes Loges du Chili, de la Bolivie et de l’Argentine, qui reconnaissent Robert AMBELAIN pour Grand Maître général. D’autres Grandes Loges encore se forment aux pays-Bas, en Italie, au Centrafrique et à Madagascar sous le même patronage, auxquelles il faut ajouter les loges non obédientielles, notamment en grande Bretagne et au Canada ? La Suisse et la Belgique ont été les premiers à franchir le pas en se constituant en Grandes Loges.

Dès 1963, Robert AMBELAIN mandate le Frère Claude R. TRIPET pour étudier les modalités d’une intégration de la loge Suisse qui, en réalité, n’est guère satisfaite de son grand Maître officiel. Celle-ci obtient aussitôt son rattachement à la toute nouvelle Grande Loge Française de MEMPHIS-MISRAÏM, et dans l’attente de la fondation d’une Grande Loge Suisse, Claude R. TRIPET est désigné délégué général pour la Suisse. En 1965, une seconde loge suisse, qui peut s’enorgueillir de compter sur ses colonnes un anciend’Humanidad, voit le jour à l’orient de Genève, sous le titre distinctif l’Etoile Flamboyante, que préside le Frère R.TRIPET. Enfin une troisième loge du nom d’Héliopolis, fondée à Zurich, permet aussitôt la constitution d’un Grand Loge Suisse, à la tête de laquelle Robert AMBELAIN place Claude R. TRIPET, avec la fonction de Grand Maître.

Dès 1967, Robert AMBELAIN démissionne de nombreux postes internes : « Au mois de mai 1967… je décidai, en toute honnêteté de quitter et l’Eglise gnostique et l’Ordre martiniste ». Or les motifs qu’il invoque un peu plus loin sont explicites : « La circulaire d’avril 1969 [de l’Ordre martiniste de Saint Martin] déclarait imposer la croyance en la divinité de Jésus de Nazareth, et l’obligation de la récitation du ‘Pater’ pendant la chaîne d’union finale. C’était donc pour fermer le seuil de l’Ordre à tout homme de désir venu du Judaïsme, de l’Islam ou de l’indouisme, du boudhisme ou de la Pensée, libre mais croyante. Au mépris des principes édictés, le 3 août 1913, par le Grand Maître Papus, assisté du secrétaire Phaneg ».

Il est donc significatif que Robert AMBELAIN critique dès 1967 la direction des ordres internes de MEMPHIS-MISRAÏM en invoquant la mémoire de PAPUS et en revendiquant un tolérantisme religieux apparemment refusé.

Rappelons qu’il existait en France une branche du seul rite de MISRAÏM, à laquelle était associé un Souverain Sanctuaire du rite des patriarches de Melkitzedeq et qui reste indépendante.

Une partie des Frères du Souverain Sanctuaire du rite de MISRAÏM pour la Belgique dirigé par Lucien FRANCOIS (qui avait succédé à René BARBAIX, successeur lui-même de Raymond BALTUS jadis charté par Constant CHEVILLON) non rattachés à Robert AMBELAIN se sont ralliés au Souverain Sanctuaire de MISRAÏM, représenté en Belgique par Jean MALLINGER et Maurice De SECK vers 1970.

Son grand maître Maurice de SECK ayant rejoint l’Orient éternel en 1971, aurait eu pour successeur François BRUYNINCKX, puis René de L. qui cumule cette charge avec la Grande Maîtrise de l’une des branches de l’OHTM.

 

Le Grand Sanctuaire Adriatique

D’emblée, les lignées italiennes des rites égyptiens se montrent peu favorables à la Grande Maîtrise générale de Robert AMBELAIN. Le Comte Ottavio ULDERICO ZASIO dit ARTEPHIUS, héritié lui-même depuis le 10 mars 1949, de la succession de Marco Egidio ALLEGRI, dit FLAMELICUS, qui a fondé le Souverain Sanctuaire adriarique des rites de MISRAÏM et MEMPHIS, le 16 mai 1947, revendique en effet l’indépendance et refuse par conséquent l’autorité de Robert AMBELAIN sur l’Europe.

Comte Ottavio Ulderico Zasio

 Le 16 février 1965, ZAsio désigne le Comte Gastone VENTURA, dit ALDEBARAN, à sa succession en qualité de Grand Hiérophante, laquelle devient effective à la mort de ZASIO, l’année suivante, à la tête du Souverain Sanctuaire adriatique de MISRAÏM et de MEMPHIS, qui continue de pratiquer séparément ces deux rites.

Gastone Ventura

Sa succession à la tête des deux ordres est revenue à sa mort en 1981 à Sebastiano CARACCIOLO, désigné comme Grand Hiérophante 97e degré par testament de VENTURA.

Mais certains Frères qui ont refusé de le reconnaître comme tel ont fondé un Souverain Sanctuaire méditerranéen de l’Ancien et Primitif rite de MISRAÏM dont le siège est à Palerme, sous la direction de Gaspare CANNIZZO. D’autre part, certains membres Bolonais de la loge Râ, d’abord restés fidèles à CARACCIOLO s’en sont séparés à leur tour en décembre 1989.

En Italie, subsiste encore aujourd’hui au moins deux branches de la franc-maçonnerie égyptienne. Le Souverain Sanctuaire adriatique des rites de MISRAÏM et de MEMPHIS, qui continue de pratiquer séparément ces deux rites, et le Souverain Sanctuaire du rite de MEMPHIS-MISRAÏM fondé sur l’impulsion de Robert AMBELAIN, qui eut pour premier grand maître Francesco BRUNELLI, et actuellement le Frère S… Cette fédération de la franc-maçonnerie égyptienne, qui ne cesse de se constituer et de se détruire depuis qu’existent les rites dits « égyptiens » de la maçonnerie, verra-t-elle jamais le jour ?

De ce grand arbre dont les racines se perdent dans la nuit des temps, chaque branche, chaque rameau, chaque bourgeon, chaque fruit est abreuvé de sève. Peu importe, en ce cas, d’appartenir à l’une ou à l’autre branche, tant que continue d’y couler cette sève, qui fait l’unité de la franc-maçonnerie égyptienne.

 

 

LE SUPRÊME CONSEIL DES RITES CONFEDERES

 

 En 1982, le Grand Maître Général Robert AMBELAIN (98e) Président des Rites Confédérés et grand Conservateur des Rites non fusionnés de MISRAÏM, de MEMPHIS, de MEMPHIS-MISRAÏM, Early Grand Scottish Ecossais (Cernau), Early (Grand York, 17e siècle) et Rite Écossais Primitif, nomme Gérard KLOPPEL, Substitut Grand Maître 98e degré du Rite Ancien et primitif de MEMPHIS-MISRAÏM.

Gérard Kloppel

Le 29 Octobre 1984, le Grand Maître Mondial Robert AMBELAIN 99e degré, reconnaît l'indépendance de la Grande Loge Féminine du Rite du 1er au 33e degré, et, dans la nuit du 31 Décembre 1984, transmet sa charge de Grand Maître « Ad Vitam » du rite de MEMPHIS-MISRAÏM à Gérard KLOPPEL, qui devient le Substitut Grand Maître Mondial 99e degré, mais il conserve la direction des Rites Confédérés qui lui avait été conféré en 1962 par le Grand Maître Jean BRICAUD qui lui-même en avait recu la charge en 1920, par le Suprême Conseil des Etats Unis.

                                                                                                     Jean II Bricaud

22 décembre 1984- Courrier de Robert Ambelain à Gérard Kloppel

 

Paris le 22 décembre 1984 E :. V :.

 

       T :.R :. F :. Gérard Kloppel

    Grand Maître Adjoint de France

Grand Maître Mondial Substitut du Rite

 

Très Respectable et Bien-Aimé Frère,

 

J’ai la satisfaction de te faire savoir que tu entreras en fonction de Grand Maître Mondial du Rite de Memphis Misraïm, Grand Maître de France, le 1er janvier 1985, à zéro heure solaire.

Par la même décision je cesserai totalement ces fonctions le lundi 31 décembre 1984, à minuit, à partir de cet instant je quitterai l’Obédience de Memphis Misraïm, que l’on m’a confiée en janvier 1941, avec les risques que cela comportait, et après quarante-sept ans d’activités maçonniques, dont cinq de clandestines.

Je conserve bien entendu l’inaliénable qualité maçonnique, ayant reçu de 1941 à 1954 tous les hauts grades de Rite Ecossais Ancien Accepté, du Rite Ecossais Rectifié, et du Rite de Memphis Misraïm. Je garde la haute main, par le Suprême Conseil des Rites Confédérés, hérité en 1962, sur les Rites de Cernau et Early (Grand York, 17e s.), conféré au grand Maître BRICAUD en 1920, par le Suprême Conseil des Etats Unis. A cela s’ajoute d’être, très certainement, le seul survivant des signitaires de l’ancienne Grande Loge Ecossaise Rectifiée, fondée jadis par les TT :. Ill :. FF :. Camille Savoire et René Wibaux, Obédience dont j’ai reçu tous les degrés comme dit plus haut, avec une patente de Loge bleue ad-vitam ainsi que des documents d’archives venant du Grand Prieuré d’Helvétie et que me remit le grand Prieur Camille Savoire aux fins de probation et de durée.

Je n’ai pas l’intention de me servir de tout cela ! Mais ces documents et patentes me rappelleront l’époque où il existait encore une Maçonnerie Initiatique et sévèrement structurée. Une note annexe te fera connaître les nombreuses raisons détaillées de mon départ. Nous conviendrons d'une date pour la remise des archives restantes, ainsi que des sceaux et timbres.

Je te prie de croire, Très respectable et Bien-Aimé Frère, à mes sentiments maçonniques affectionnés.

 

Robert Ambelain

Grand Maître Mondial du Rite

 

Le 10 mai 1986, dans sa lettre adressée au Frère Jacques –Jean SAVE concernant son abonnement à la revue de la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra, Robert AMBELAIN attirait l’attention sur le fait que Gérard KLOPPEL avait été désigné, ci devant, à sa mort, (et non avant sa mort) comme son successeur à la présidence du Suprême Conseil des Rites Confédérés, sous condition de maintenir leur indépendance totale. En conséquence, Robert AMBELAIN pouvait à son gré user de ses prérogatives de Grand Conservateur en exercice des Rites Unis, pour donner patente à qui bon lui semble sans avoir à en référer à quiconque. A ce propos, il citait les pages 234 à 236 de son livre « La Franc-maçonnerie oubliée » (édition Robert Laffont novembre 1985), précisant notamment que la patente de ce Suprême Grand Conseil des Rites Confédérés délivré au Grand Maître Jean BRICAUD (Grand Maître du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM) le 30 septembre 1919, comprenait les rites de : Cernau, Early Grand Scottish Rite, Royal Order of Scotland (Ordre Royal d’Ecosse) et MISRAÏM. (cf. A.Lantoine : La Franc-maçonnerie chez elle, page 298, erd.Slatkine, Genève, 1981)

Paris le 10 mai 1986 E. V.

 

 

  1. F. Jacques-Jean SAVE

C.R.E.O.S.

235 Faubourg Saint Martin

75010 PARIS

 

Très-cher et Bien-aimé Frère,

J’accuse réception de l’envoi de la revue de la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique « Opéra », et t’en remercie vivement. Tu voudras bien trouver ci-joint chèque bancaire de frs 65,00 en couverture de mon abonnement.

Toutefois, j’attire ton attention sur ce qui est dit page 79 au sujet du Suprême Conseil des Rites Confédérés. Les Rites don’t celui-ci est détenteur ne sont pas la propriété en France et ailleurs du Rite de Memphis-Misraïm en tant qu’obédience. Ils sont indépendants, et tu trouveras page 234-236 de mon livre La Franc-maçonnerie oubliée les éclaircissements nécessaires.

J’ai désigné le T.R.F. Gérard Kloppel, Grand Maître Général et son successeur, comme devant, à ma mort, me succéder à cette présidence du Suprême Conseil des Rites Confédérés, mais il devra, comme moi, maintenir leur indépendance totale. Aucun Atelier de Memphis-Misraîm ne pourra travailler à l’un de ces Rites, ou alors Memphis-Misraîm n’a plus de sens.

Le Rite Ecossais Primitif (Earl Grand Scottish Rite) a un logo et un chapitre « de tradition » qui travaillent en circuit fermé à mon domicile, où il y a tout le nécessaire pour celà, sous le nom de  « saint-André d’Ecosse ».

Je te serai très obligé de bien vouloir mettre celà au point en un prochain numéro de votre revue.

En cette attente, je te prie de croire, Très-cher et Bien-aimé Frère, à mes sentiments fraternellement affectionnés.

 

  1. AMBELAIN

5 rue Rubens

75013 Paris                 G. M. Mond. D’Hon. De Memphis-Misraïm

(45-35_28-86)                Pt du S. C. des R. Conf.

 

 

 

A PROPOS DU SUPRÊME CONSEIL

DES RITES CONFEDERES

 

Par le Très Illustre Frère Robert Ambelain

En notre bref de passation des pouvoirs magistraux au Très Souverain Frère Gérard Kloppel, en date du 31 décembre 1984, nous avons fait allusion au Suprême Conseil des Rites confédérés, sans pour autant le joindre à cette passassion du Rite de memphis-Misraïm. Il parait utile d’en préciser l’existence réelle, car l’histoire de l’Ordre Maçonnique est généralement totalement ignorée de la masse des membres de l’Ordre. « Le Francs-maçons ne lisent pas… » a pu dire le Très Illustre Frèren Corneloup, grand commandeur du du Grand Orient de France !

Si nous feuilletons les numéros de janvier, février, et septembre-octobre 1909 de la revue l’Acacia, porte parole de cette obédience, nous apprenons aux pages 48, 137, 196, que René Guénon était à cette époque membre du Suprême Grand conseil général des Rites unis de la Maçonnerie Ancienne et primitive, et qu’il était 33e du Rite Ecossais (branche de Cernau), et 90e du Rite de Misraïm. Il avait donc fait partie du Suprême Conseil et Souverain Sanctuaire de Memphis-Misraîm, réveillés en France en septembre 1909, dans le Temple du Rite Mixte du Droit Humain, par Theodore Reuss, Grand Maître du grand Orient d’Allemagne, Grand maître mondial du Rite de memphis-Misraïm. Le Grand maître national nommé par Reuss, avait été le Docteur Gérard Encausse (Papus), avec pour Grand maître adjoint Charles Detré (Teder), et son substitut.

Papus mourut le 15 octobre 1916, et Teder lui succéda automatiquement. A son tourrand maître Teder passa à l’orient éternel le 25 septembre 1918. Martinez de Pasqually étant mort le 21 septembre 1779 à Port_au-Prince, il y a une curieuse tendance à mourir à l’équinoxe d’automne pour ceux qui suivirent ce sentier en tant que grand maître du Martinésisme.

La mort avait frappé le grand maître Teder à l’improviste. Son épouse en témoigna, il ne s’attendait pas à mourir, et il n’avait pas désigné de successeur pour le Rite de Memphis-Misraïm. Ce furent les membres du Souverain Sanctuaire de France, maçons du Grand orient de france ou du Rite Ecossais Ancien Accepté, qui prirent la décision de désigner le Frère Jean Bricaud comme Grand maître de Memphis-Misraïm pour la France. Désireux de travailler au Rite Ecossais Ancien Accepté, et ne pouvant évidemment pas obtenir une patente de celui-ci, il s’adressa au Suprême Conseil des Rites Confédérés des Etats Unis afin d’en obtenir une du Rite de Cernau, identique à l’Ecossais. Et il reçut en retour des Patentes pour le Rite de Cernau, le Early Grand Scottish Rite (Rite Ecossais Primitif), le Royal Order of Scotland (ordre Royal d’Ecosse), et … le Rite de Misraïm, qu’il possédait déjà par cette entrée en fonction. A cet ensemble, était joint une patente constituant pour la france, un Suprême Conseil des Rites confédérés. Les frères des Etats Unis ignoraient sans doute que la France en possédait une depuis septembre 1909, comme dit plus haut et dont

.......................

Courant 1987, le frère Gérard KLOPPEL reçut les transmissions de ses prédécesseurs Georges Bogé de LAGREZE 98e et Charles Henry DUPONT 96e, par le Grand Maître Mondial Robert AMBELAIN 99e la transmission intégrale et traditionnelle de la Grande Hiérophanie du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM. Le 10 avril 1987, en son nom propre, il dépose à l’INPI le nom de « Ordre International du Rite Ancien et Primitif de Memphis Misraïm », sous le n°14022643.

Désirant créer une Franc-Maçonnerie très axée sur la Tradition des anciens mystères, Gérard KLOPPEL s'entoura de Frères désireux de conserver un aspect initiatique empreint d'occultisme et de sciences sacrées. A cette fin, il privilégia le sérieux dans le travail au détriment du nombre en donnant à qui pouvait le recevoir une partie des Initiations dont il était en possession.

Gérard Kloppel 99e degré du rite de Memphis Misraïm

De 1985 à 1988, en trois années seulement la Grande Loge Française de MEMPHIS-MISRAÏM, doubla ses effectifs. Le souhait de trouver place parmi les grandes obédiences conduisit Gérard KLOPPEL à d’indispensables compromis. On assista à la multiplication des loges bleues et à une banalisation des travaux.

Si Robert AMBELAIN s’était mis en retrait de la Franc-maçonnerie d’obédience égyptienne, c’est parce que celle-ci lui paraissait tomber entre les mains d’antidémocrates. Ainsi, dans une lettre à Gérard KLOPPEL datée du 3 août 1988, il lui faisait part de ses inquiétudes de constater la présence de Frères réputés d’extrême droite gravitant autour du Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM. Trois ans plus tard, dans une correspondance à Gérard KLOPPEL datée du 5 février 1991, Robert AMBELAIN s’indignait d’un motif beaucoup plus grave : de « voir régner en tous domaines à MEMPHIS-MISRAÏM le népotisme, le favoritisme, les violations des Constitutions ». Un tel spectacle l’insupportait d’autant plus qu’il avait porté le Rite sous l’occupation allemande, à ses risques et périls : « Pendant cinquante-deux ans, j’ai servi ce Rite. Pendant les cinq années d’Occupation nazie, j’ai risqué de voir ma femme et notre fillette partir pour les camps de concentration et moi terminer ma carrière au Mont Valérien, avec d’autres fusillés. Car avoir une Loge et un Chapitre clandestin chez soi et des armes, c’était le tarif obligé. Pour tout cela, je ne puis conserver des relations avec MEMPHIS-MISRAÏM ».

Le 30 août 1991, en réponse à une correspondance que Gérard KLOPPEL lui avait adressée, Robert AMBELAIN l’informe qu’après son décès, il pourrait hériter de la Présidence du Suprême Conseil des Rites Confédérés. Toutefois, il précise que si un groupement de trois sages lui demandait une patente du Rite de MISRAÏM, il la donnerait nécessairement, signifiant que celui-ci pourrait devenir autonome et indépendant des Rites confédérés.

Paris, le 30 août 1991

 

Mon cher GERARD,

Je répond à ta lettre de Sainte-Geneviève-des Bois du 28 août 1991.

Tu as parfaitement défini ce qu’est le RITE ECOSSAIS PRIMITIF : une Obédience de tradition, sans autre ambition que d’être une veilleuse où subsiste la flamme d’une Maçonnerie très différente de la moderne.

A mon départ pour la Grande Loge Eternelle, tu deviendras président du SUPREME CONSEIL DES RITES CONFEDERES. Tu hériteras ainsi du rite de CERNAU, du rite de l’ORDRE ROYAL D’ECOSSE, et du rite de MISRAÏM (qui ne figure pas sur l’en-tête, afin de ne pas soulever de problème avec MEMPHIS-MISRAÏM.

Au sujet du Rite de MISRAÏM, il n’y a pas que celui-ci qui le comporte en héritage. Il y a des loges aux U.S.A.. En ce qui concerne la France, si on me demande une patente je la donnerai nécessairement à un groupement de trois Sages car ce sera mon devoir. Le SUPREME CONSEIL DES RITES CONFEDERES est un dépôt, mais pas un éteignoir.

Pour le RITE ECOSSAIS PRIMITIF, il ne relève plus du SUPREME CONSEIL, puisque déclaré et indépendant. En conséquence le Grand Maître du RITE de MEMPHIS-MISRAÏM n’a aucun droit à cet héritage, d’autant que la double appartenance avec lui est exclue par les Statuts.

A ma mort, si je n’ai pas choisi un successeur, les Grands Officiers en choisiront un par scrutin électif

Crois-moi mon cher GERARD, bien fraternellement à toi.

 

R.AMBELAIN

 

Comment fallait-il interpréter la conclusion de cette lettre ? Lassitude d’un homme fatigué des querelles intestines ou bien mise en garde à mot couvert de celui qui craint d’avoir repéré dans le rite une mouvance extrémiste et ne veut plus utiliser son nom comme garant à un Rite dont la dérive est contraire à son engagement humaniste ? En tout cas, la rupture sera consommée l’année suivante lorsque Robert AMBELAIN, décidera, dès 1992, de réveiller le Rite de MISRAÏM pour entraver les initiatives de Gérard KLOPPEL, comme s’il voulait ainsi peut-être contrer la dérive memphite du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM.

Le 15 novembre 1991, un courrier du Grand Hiérophante et Grand Maître Mondial ad-vitam de la Grande Loge Française de MEMPHIS-MISRAÏM Robert AMBELAIN, adressé au Très Illustre et Sublime Frère Claude TRIPET, Président du Souverain Sanctuaire Helvétique au Zénith de Genève, destituait le Très Illustre Frère Gérard KLOPPEL de sa fonction de Substitut Grand Maître, pour s’être rendu coupable d’actes de violations des Constitutions de l’Ordre. En foi de quoi, à son départ pour l’Orient éternel et en qualité de maçon le plus Ancien du rite, Claude TRIPET devrait lui succéder en qualité de Grand Maître International du Rite de MEMPHIS-MISRAÏM, et à son propre départ, l’Ordre devrait rejoindre sa souche encore existante en Egypte pour se placer sous les Constitutions du successeur de son Altesse Royale le Prince régent d’Egypte Mohamed ALYl TEWFIK.

Zenith de Paris, le 15 novembre 1991

Au Très Illustre et Sublime Frère Claude Tripet

Président du Souverain Sanctuaire helvétique

Au Zénit de Genève.

 

Mon Acte de Succession :

Le Frère Gérard KLOPPEL s’étant rendu coupable d’actes de violations des Constitutions de notre Ordre. Ayant toujours rejeté le népotisme, le favoritisme, la formation de clans, je n’accepte pas en effet ce comportement répétitif, indigne d’un membre éminent de notre ordre.

C’est pourquoi je prends la décision afin de protéger notre Ordre et en vertu de mes grades er qualités passés qui furent refondatrices de notre Ordre, d’annuler toutes dignités conférées à Gérard Kloppel et de l’exclure de notre Ordre.

Etant le Maçon le plus ancien du Rite, dès mon départ pour l’Orient éternel, tu me succéderas comme Grand maître International du Rite de memphis-Misraîm.

A ton propre départ, l’Ordre de Memphis-Misraîm rejoindra sa Souche encore existante en Egypte et se placera sous les constitutions du Successeur de Son Altesse Royale le prince régent d’Egypte Mohamed Aly Tewfik.

 

R.AMBELAIN 33 .90. 96

 

Le 22 septembre 1994, sur insistance du Très Illustre Frère Patrick LETERME, membre du Suprême Conseil des Rites Confédérés Robert AMBELAIN souhaitant prochainement démissionner de la Franc-maçonnerie, lui confie sa succession, celle-ci devant être effective, selon les Statuts de l’Ordre au décès du Président nommé ad-vitam.

 

Paris, le 22 septembre 1994

 

Très Illustre Frère Patrick Leterme

Membre du Supême Conseil des Rites Confédérés

 

Mon très cher Frère,

Ayant décidé de démissionner de la Franc-maçonnerie, eu égard à son climat actuel, je te confie ma succession à la présidence des Rites Confédérés.

Cette décision prend acte à partir de la présente.

Je te prie de croire, mon très cher Frère, à mes sentiments fraternellement affectionnés, et à ma reconnaissance pour ton dévouement en faveur d’une Maçonnerie respectable et traditionnelle.

 

 R.Ambelain

 

P.S. Le timbre te sera remis à ta prochaine visite.

 

Lettre de Robert Ambelain à André Pothier concernant sa succession à la Présidence des Rites Confédérés

 

 

Paris le 11 février 1996

 

 Tr. Ill.F. André Pothier

    7 avenue d’Antrain

35560 Bocage la Pérouse

 

 

Très Illustre etBien Aimé Frère,

J’avais, cédant à ses insistances, désigné le Très Illustre Frère Patrick LETERME comme mon successeur à la présidence du Suprême Conseil des Rites Confédérés, lors de mon passage à l’Orient. Eternel.

Etant donné sa démission en date du 31 janvier 1995, considérant d’autre part tes décorations très méritées (Guerre, Résistance), ton passé de Conseiller Fédéral et de Grand Maître Adjoint de la GRANDE LOGE DE France, l’activité féconde que tu as manifestée au sein du RITE ECOSSAIS PRIMITIF, parallèlement à celles au sein du Suprême Conseil du RITE ECOSSAIS, je te prie de bien vouloir accepter le principe de cette succession, et de bien vouloir me faire connaître ton acceptation.

En cette attente, je te prie de bien vouloir croire, Très Illustre et Bien Aimé Frère, à mes sentiments fraternels et très affectionnés.

 

Robert AMBELAIN

 

Bien que destitué de la Présidence du Suprême Conseil des Rites Confédérés pour la France et ses dépendances par décision du 15 novembre 1991, Gérard KLOPPEL s’en tenait à sa précédente nomination du 4 juillet 1985 et (sous condition d’avoir été rétabli dans ses fonctions de Substitut Grand Maître, dont nous n’avons trouvé nulle trace), en prend officiellement la fonction.

Il est difficile de savoir objectivement si Gérard KLOPPEL fut l’instrument conscient ou inconscient de forces réactionnaires qui ont existé réellement autour de lui. Un article de presse (« le Vrai visage des sociétés secrètes », dans L’Evènement du Jeudi, n° 470, 4-10 novembre 1993, pp. 45 sq.) a prétendu faire la lumière sur cela. Il y fut fait mention d’une réunion du Groupe de Thèbes, où, aux côtés de Gérard KLOPPEL, venu ès qualités de Grand Maître Mondial du Rite Ancien et Primitif de MEMPHIS-MISRAÏM, on trouvait « de vieux routiers de l’extrême-droite, un ancien des Brigades Rouges, un autonomiste corse, un respectable professeur d’université italien très lié à la fois au Vatican et aux intégristes français… un intellectuel belge proche des nationaux-bolchéviques, les « rouge-bruns » russes, un sympathisant du professeur négationniste Faurisson ». On notera deux choses. Gérard KLOPPEL n’a pas utilisé son droit de réponse dans le journal. Il n’a pas publié de démenti non plus dans le bulletin interne de l’ordre.